Entre rires et larmes:
Catherine (essuyant ses larmes): Je ne connaissais pas du tout ce film… Ces femmes si solidaires face aux aléas de la vie…
Nawel (se mouchant, les yeux tout rouge): Purée, les vannes sont ouvertes. J’ai du mal à ne pas pleurer (se tournant vers moi): Tu ne pleures pas ?
Moi (souriant): Je ne pleure pas devant les films (me levant) Je vais vous chercher à boire (dans la cuisine, seule et m’essuyant une petite larme): Purée, à chaque fois que je le vois, faut que j’ai toujours cette foutue larme…
AUTEUR: Elizabeth Strout
TITRE: Amy et Isabelle
ÉDITEUR, ANNÉE: Archipel Poche, 2017
NOMBRE DE PAGES: 394 pages.
Nous avons vu, ce jour-là, « Beignets de tomates vertes », sorti en 1991 et adapté du roman du même nom. Il fait partie de ses films « choral » se concentrant principalement sur ses personnages féminins. Ils s’appliquent toujours à illustrer, à travers plusieurs facettes, le quotidien de ses femmes selon le contexte historique et les mœurs de la société. Et « Amy et Isabelle » d’Elizabeth Strout ne se déroge pas à la règle.
Résumé:
Cet été-là, une vague de chaleur sans précédent s’abat sur la Nouvelle-Angleterre. À Shirley Falls, l’air est irrespirable. Mais pas aussi étouffant que le conflit opposant Amy à Isabelle – sa mère qui l’a toujours élevée seule.
À 16 ans, la jeune fille connaît ses premiers émois. Un amour interdit. Un épisode qui renvoie Isabelle à son propre passé, à une faute qu’elle n’a pu expier. Au point de s’interdire tout bonheur.
Par touches légères, Elizabeth Strout met en lumière les événements – petits ou grands – de cet été qui transformera à jamais ces deux femmes.
Alors qu’une canicule touche la petite ville et pèse sur sa population, l’intérieur de la maison d’Isabelle est glaciale et oppressant. Alors que son regard se pose sur fille, elle ne peut pas s’empêcher de ressentir de l’amertume et de la colère face à « sa faute ». Quant à Amy, elle-même a des ressentis envers sa mère qui ne semble pas la comprendre. L’ambiance est bien pesante et chacune aimerait pouvoir être loin de l’autre pour échapper à cette tension. Mais partageant le même toit et Amy travaillant cet été dans le même bureau qu’Isabelle, il ne semble pas avoir d’échappatoire… Pourtant, cet été va s’avérer, être pour la mère et la fille, une transition importante pour l’avenir de chacune…
La dynamique de ce roman se passe à travers la relation entre Amy et Isabelle:
– Isabelle est une femme qui, habitée par le poids d’un passé qu’elle veut dissimuler, a peu de vie sociale. Elle rêve surtout d’avoir un foyer plus chaleureux auprès d’un mari aimant et transpose cette image idyllique sur son patron. Elle continue à voir Amy comme une petite fille.
– Amy, quant à elle, est une adolescente timide qui a aussi du mal à s’intégrer et se sent à l’écart des autres élèves pensant que l’on trouve bizarre. Elle a pour seule amie Stacy, une camarade avec qui elle fume en cachette et écoute avec envie ses sorties, sa relation familiale bien plus vivante et ses histoires d’amour.
Dès les premières pages, l’autrice nous impose cette ambiance pesante durant une trentaine de pages. Puis nous avons un retour au passé qui nous dévoile la cause de cette situation qui s’est déroulée sur plusieurs mois. La relation entre la mère et la fille avait déjà quelques fissures, mais celle-ci explose durant ce fameux été. L’amour va alors se mêler à la haine. Pour Amy, sa mère l’étouffe et ne la comprend pas, quant à Isabelle, elle ne reconnaît plus sa petite fille dans cette adolescente qui devient femme et éprouve une certaine jalousie à son égard.
Autour d’elles, plusieurs autres figures féminines vont marquer leur présence dans la vie de nos deux protagonistes. Elles ont aussi leurs petits secrets, des chagrins qui perdurent et quelques amertumes. Certes, ce sont quelques touches de drame rajoutées dans ce récit, mais bien plus encore, elles montrent, à travers certaines, la force du soutien entre femmes.
Pour ce qui est des personnages masculins, le peu que nous voyons, ils n’ont guère le beau rôle au point que je suis venue à ressentir une certaine animosité à leurs égards… Surtout lorsque je pense à ce Mr Robertson dont je pense que vous aurez aussi envie de massacrer. Et je pèse mes mots. Bref ! On pourrait penser à un parti pris de la part de l’autrice. Mais ce n’est pas le cas, car tous les personnages féminins ne sont pas toutes positives. Il est plutôt à souligner qu’il y’a un large éventail de personnalités pour celles-ci.
Ce roman est loin d’être une simple histoire sur une relation entre une mère et sa fille adolescente comme on a l’habitude le voir, car elle est bien plus profonde avec d’autres thèmes s’y mêlent parfaitement :
– Il y’a cette distance entre la classe « ouvrière » et celle des « cols blancs » ;
– Le fossé entre deux générations: à la fin des années 60 et débuts des années 70, la société américaine connaît des bouleversements avec, pour exemple, le mouvement des Droits Civiques, celui des hippies, les groupes féministes etc… Ceux-ci prennent écho auprès des adolescents américains de cette époque
– Il y ‘a l’appropriation de son corps après une lourde opération chirurgicale…
Et bien d’autres thèmes qui enrichissent ce récit et son thème et dont je vous laisse le plaisir de découvrir.
Conclusion:
« Amy et Isabelle » a été une de mes belles surprises de ces dernières semaines.
D’une plume agréable, l’autrice arrive à nous faire partager les sentiments de ses personnages, oppressés par la chaleur qui met leurs nerfs à fleur de peau, mais aussi le poids de leurs secrets. De plus, elle arrive finement à entrelacer une touche de mélancolie, avec une pointe d’humour pour enfin finir sur une touche d’espoir.
Le thème de la « transition » a été richement traité que ce soit à travers la mère et la fille, au sein de l’usine, auprès des collègues, voire même par la météo… Bref ! Tous les éléments présents renvoient subtilement à cette thématique.
Si vous appréciez les romans contemporains avec une grande galerie de personnages féminins et que vous ayez l’occasion de le lire, n’hésitez pas !
(Image à la une de Pennystamper )