Le roman commence par une scène d’une grande violence : la répression des étudiants de Téhéran par le pouvoir, lors de la révolution iranienne. La mère de Maryam échappe de peu à la mort, Maryam dans son ventre. Elle en gardera un mutisme et une terreur sous-jacente que ressentira Maryam toute sa vie durant.
Maryam nous raconte cet épisode par procuration, comme un événement originel pour elle, qui marque son destin. C’est sa première naissance. Avec un langage très imagé, poétique, aux allures de conte, Maryam nous livre ses origines persanes, les liens familiaux, la douceur du pays natal, la dureté des convictions politiques parentales aussi, qui lui font donner ses biens, jusqu’à ses jouets les plus précieux, avant l’exil.
L’exil en France justement, à l’âge de six ans, est sa seconde naissance. Maryam encore une fois le vit dans la douleur, le déchirement, l’éloignement d’avec ses proches et la difficulté à s’approprier une nouvelle culture, de nouveaux repères. Petit à petit l’histoire se tisse néanmoins, Maryam se construit, dans un entre-deux qu’elle s’efforce de rendre acceptable, avant de s’accepter elle-même, d’accepter toutes les facettes de son identité.
Jeune femme, Maryam reprend le récit d’une troisième naissance, avec le retour au pays, la chaleur des retrouvailles, la découverte de ce pays sûrement un peu rêvé, les deux parties de son être qui s’emboîte enfin, sa personnalité qui retrouve une certaine stabilité… Et Maryam peut enfin s’envoler, dans tous les sens du terme, elle a gagné sa liberté, va désormais parcourir le monde, vivre sa vie, gardant en elle son « imagination consolatrice », la poésie et les histoires pour « nettoyer ou embellir la vie ».
J’ai beaucoup aimé l’écriture fluide, imagée et pourtant si abrupte de l’auteure. Elle nous parle d’exil, d’un Iran passé et contemporain, de blessures intimes et sans doute aussi partagées avec beaucoup. J’ai aimé la poésie des mots, la poésie dans les mots, et la soif de vivre d’une enfant ballottée mais qui trouve sa place au milieu du monde finalement.
Une très jolie découverte, faite dans le cadre du prix du roman Cezam inter-CE 2018.
Maryam Madjidi est née en 1980 à Téhéran en Iran, est une écrivaine française d’origine iranienne.
Marx et la poupée est paru chez Le nouvel Attila en janvier 2017.
Morceaux choisis :
« Je n’écris pas à « tu », à « toi », non, je devrais plutôt dire « j’écris toi ». »
« Je voudrais passer ma vie à récolter des histoires. De belles histoires. Dans un sac, je les mettrais et je les emporterais avec moi. Et puis au moment propice les offrir à une oreille attentive pour voir la magie naître dans le regard. »
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