Les huit montagnes, Paolo Cognetti

Par Sara
Roman phare de la rentrée littéraire étrangère, Les huit montagnes a remporté le prestigieux Prix Strega en Italie, ainsi que le Prix Médicis étranger. Il s'agit du quatrième roman de l'auteur. 

Libres pensées...
Pietro vit en ville avec ses parents, mais tous trois passent souvent leurs vacances dans une maisonnette qu'ils louent à Grana, dans le nord de l'Italie. Là, il retrouve Bruno, l'enfant des montagnes, qui, enfant, rêve de les quitter, et n'en descendra jamais.
Le roman de Paolo Cognetti est de ces romans qui exhalent douceur et sincérité. Rien ne semble fait pour plaire, pour séduire le lecteur, et cette démarche humble, authentique  marque l'esprit. On a tant l'habitude de trouver des surprises (rebondissements à la pelle construits de toutes pièces), un protagoniste censé susciter la sympathie (y compris de façon inattendue, par exemple au moyen de l'humour, qui fait accepter certains traits ordinairement peu acceptables), aux prises avec un personnage méchant que rien n'excuse, qu'il est presque déstabilisant de ne plus rien trouver de ce schéma (j'exagère un poil, mais vous savez comme j'aime me plaindre).

Les huit montagnes n'est donc pas ce récit haletant, rythmé, où l'action s'enchaîne et ne vous laisse un répit que pour mieux vous capturer ensuite.
Ce n'est pas ce récit où vous tendez vers l'issue, la résolution, qui viendra éclairer tout ce que vous avez lu avant d'y parvenir.
J'en retiens cette ode à la montagne, qui n'a rien d'angélique, vue tantôt comme un havre, un refuge inespéré à l'écart du monde, tantôt comme un milieu hostile, menaçant, où l'homme est pris au piège, car une fois ancré là, il ne peut plus la quitter. Et, surtout, les deux à la fois. La relation de Pietro et Bruno est indissociable de ce lieu, de ce cadre qui a scellé leur amitié et les a condamnés tout deux à leur destin. La montagne est cette force muette qui est toujours là, qui hante les lignes du roman.
Partant, l'intrigue ne donne pas le sentiment d'être structurée ou maîtrisée, on ne sait guère où l'on va, mais d'une certaine façon, cela n'importe guère. Paolo Cognetti touche au sensible, à l'émotion profonde, à, toujours, cette relation singulière de l'homme et de la nature, cet apprivoisement qui ne finit jamais.

Les huit montagnes offre donc un très beau moment d'introspection, de réflexion, et d'authenticité. 
Pour vous si...
  • Vous n'êtes pas à la recherche d'une formule littéraire éprouvée
  • Vous êtes sensible à ce qui s'approche du nature writing

Morceaux choisis
"On appelle ça l'altitude des neiges éternelles, expliqua-t-il : c'est la hauteur à laquelle il ne fait pas assez chaud l'été pour faire fondre toute la neige qui est tombée l'hiver. Une partie résiste jusqu'à l'automne et finit ensevelie sous la couche de neige de l'hiver suivant. A ce stade, elle ne craint plus rien. Petit à petit, elle se transforme en glace, s'ajoute aux autres couches du glacier qui s'entassent, exactement comme les anneaux des arbres, et il suffit de les compter pour connaître son âge. Mais un glacier ne reste jamais au sommet de la montagne. Il bouge. Tout sa vie, il ne fait que glisser."
"Essuyer son sarcasme était la moindre des choses. Il faut du style, même quand on se fait quitter, et Lara, elle en avait."
Note finale3/5(cool)