Le pavé dans la mare

Longtemps j’ai pensé être le seul à renâcler à m’engager dans la lecture des livres énormes. J’entends par livres énormes, ces romans qui dépassent les quatre cents pages, car pour moi, trois-cent-quatre-vingt pages doivent suffire pour raconter une histoire. Au-delà, on tombe dans une lecture le plus souvent ennuyeuse, ce que le bon sens populaire appelle un pavé.

Il est vrai que je n’ai pas toujours raisonné ainsi. Plus jeune, je n’y voyais aucun inconvénient, je dirais même plus, j’y voyais comme une sorte de satisfaction intellectuelle, je faisais partie de cette élite (Heu ?) capable de s’enfiler des centaines de pages de lecture sans sourciller. Passons sur cette prétention juvénile, elle avait au moins un mérite, ne pas m’interdire la lecture des classiques, Les Frères Karamazov de Dostoïevski, Les Trois mousquetaires de Dumas etc. j’en passe et des meilleurs, chacun dressera sa liste selon ses préférences.

Désormais je ne peux plus m’attaquer à un roman moderne de plus de quatre cents pages sans m’être longuement renseigné sur le bouquin et pesé le pour et le contre avant de me lancer dans pareille aventure. S’il y a doute, je préfère m’abstenir au risque de rater un chef d’œuvre mais un choix que j’assume pleinement. De mon point de vue, à part de très, très rares exceptions – il y en a toujours – les romans épais tiennent rarement la distance. A un moment ou un autre, je m’ennuie ; et même si le bouquin est globalement bon, il serait meilleur si l’écrivain ou l’éditeur s’étaient offert une coupe de printemps pour tailler dans le superflu.

D’ailleurs à quoi rime cet excès de pages ? Pour les romans du XIXème siècle il y avait une explication logique, le plus souvent ils paraissaient d’abord en feuilleton dans la presse et l’écrivain était payé à la ligne. Mais aujourd’hui ? D’autant qu’un gros bouquin doit coûter plus cher en fabrication à l’éditeur, non ? A moins que cet embonpoint ne serve le marketing, plus c’est gros, mieux ça se voit sur les tables des librairies…