Russell Banks
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pierre Furlan
Actes sud, 1992
En poche, Babel
485 pages
Noir, c’est noir !
J’aime les romans noirs, les romans sombres, ceux qui ne laissent pas beaucoup d’espoir. Je ne pouvais pas tomber mieux !
On apprend dès le début qu’un homme, Wade Whitehouse, va très mal finir, qu’il va commettre un acte irrémédiable puis disparaître de la circulation. Le narrateur est son frère, il a reconstitué les derniers jours de Wade, à l’aide d’autres personnages mais aussi de leurs derniers échanges téléphoniques, à l’aide aussi de ce qu’il connait du village, de sa famille.
« La réponse, évidemment, est que s’il s’agit de « savoir » dans le sens conventionnel du mot, il y a un bon nombre de ces choses que je ne sais pas. Pourtant je ne les invente pas. Je les imagine. La mémoire, l’intuition, l’interrogation et la réflexion m’ont donné une vision, et c’est cette vision que je rapporte ici. »
Le rythme du roman est très lent, de nombreux retours en arrière sont nécessaires pour éclairer la vie présente du personnage principal. L’auteur mène de main de maître sa narration de façon à tenir le lecteur en haleine (mais que va-t-il donc faire ? de quelle manière cette histoire sordide va-t-elle se terminer ? quel acte atroce va-t-il commettre ? et à quel moment ?). Il prend son temps pour détailler chaque acte, chaque instant, chaque pensée des personnages. Il crée une tension palpable.
J’avoue que je n’ai pas été happée rapidement par les mots de Russell Banks, il m’a fallu quelques chapitres pour que j’adhère à l’histoire. Le personnage principal m’agaçait au plus haut point, j’avais envie de le secouer. Le comportement qu’il a eu avec sa fille le fameux soir d’Halloween m’a hérissé le poil, j’ai trouvé normal que sa mère vienne la récupérer plus tôt que prévu, il ne méritait que ça.
Et puis j’ai commencé à prendre mes distances avec le personnage, à le voir comme un personnage justement et non comme une personne, un personnage fragile, cassé, obsessionnel, et j’ai pu admirer le talent de l’auteur pour nous décrire la chute de cet homme simple, meurtri par la vie, et qui s’est engouffré dans une spirale descendante parce qu’il ne pouvait faire autrement. Russell Banks décrit parfaitement l’enfermement du personnage dans sa logique, dans son désespoir, dans ses actes les plus fous, dans sa dégringolade. Au début du roman, je voulais remuer un personnage qui ne pouvait pas changer ! C’est seulement lorsque je l’ai compris que j’ai été captivée, subjuguée, hypnotisée !
Voilà ma première participation au challenge Objectif PAL, ce n’est pas rien pour moi qui ne participe à aucun challenge, aucun projet fédérateur… Merci Antigone pour ton enthousiasme !