«Au Québec, on a tous du sang indien Si ce n’est pas dans les veines, c’est sur les mains.»
Les Mi’gmaq et la Sûreté du Québec se s’ont affrontés fort. L’enjeu? Les droits de pêche au saumon. Le meilleur moyen de priver les Indiens de leurs droits de pêche, c’était de saisir leurs filets. Tant pis si c’est avec le poisson qu’ils gagnent leur vie et se nourrissent. L’intervention s’est transformée en crise sociale.
Autour de cet affrontement gravitent une galerie de personnages. Océane, une jeune Mi’gmaq de quinze ans, passe un mauvais quart d’heure entre les mains de trois gars de la SQ. Yves Leclerc, le garde-chasse du coin, vient de démissionner; il vole au secours d
’Océane. William, un vieil ermite autochtone qui a passé du temps, dans les années 1930, dans les pensionnats indiens, sort du bois. Caroline Seguette, une Française de passage, venue enseigner une année en Gaspésie, se rapproche d’Yves et d’Océane. Pierre Pesant, un expert à la Commission des droits de la personne, se révèle le crabe dans le panier.Ces personnages se croisent, interagissent, s’aident ou se nuisent.· · · · · · · · ·
Comme dans sa trilogie 1984, Éric Plamondon reprend sa marque de commerce: les chapitres qui font avancer l’intrigue sont entrecoupés de courts passages instructifs, comme des pauses publicitaires impossibles à zapper. Un exemple?Ces pauses, qui marquent une interruption dans le gras de l
’intrigue, ne brisent en rien le rythme de lecture. Au contraire! J’étais avide de lire où ça mènerait.J’en ai appris, des choses. J’ignorais ce qu’étaient du pétun et des mouches sèches. J’en ai appris sur le fonctionnement des pièges à ours. J’ai découvert que le saumon avait un odorat mille fois plus développé que celui d’un chien. En prime, on retrouve entre ces pages une bonne recette de soupe aux huîtres.
Mes notions d’histoire ont été rafraîchies. J’ai vu par un autre bout de la lorgnette certains moment forts de l’histoire du Québec: l’arrivée des Indiens par le détroit de Béring, la bataille de Restigouche de 1760 et la fin de la Nouvelle-France, les prises de bec et jeux de pouvoir entre les gouvernements provincial et fédéral, la nuit des longs couteaux, la crise d’Oka... C’est tout un condensé d’histoire!Le style d’Éric Plamondon, fort bien tourné, souvent caustique, dégage une grosse bouffée de fraîcheur.Le problème des Amérindiens du Québec, et même de tout le Nord-Est de l’Amérique, c’est qu’ils n’ont jamais eu de chevaux. Des Indiens sans chevaux, c’est un peu comme des pirates sans bateau ou des cow-boys sans chapeaux, ça fait moins sérieux, c’est moins glamour. Hollywood a imposé l’équation suivante: Indiens égale chevaux. En expulsant les Indiens sans monture de l’écran, Hollywood les a chassés de notre imaginaire. Alors les Hurons de l’Ancienne-Lorette ont continué à vendre des paniers en osier faits main et des tomahawks en plastique Made in China.
La fin du roman m’a estomaquée. De l’abracadabrant, en veux-tu en v’la. Digne d’un gros blockbuster américain plein de testostérone. C’était un peu trop garoché à mon goût. Dommage...Une expérience de lecture jouissive et captivante. Un cours d’Histoire passionnant. Un roman unique à ne surtout pas manquer.Taqawan, Éric Plamondon, Du Quartanier, 224 pages, 2017.★★★★★Taqawan paraîtra en France en janvier aux éditions Quidam. Ma curiosité te demande: quelle couverture préfères-tu?