En vente sur Amazon Auteur : Vanaly Nomain édition : auto-édité Paru le : 21 aout 2017 393 pages numérique (epub) Thème : Contemporain fantastique ******* Résumé : « Deux mondes. Deux amours. Un Choix impossible. |
17/20
Lorsque j'ai reçu cette demande de lecture de l'auteur, Vanaly, je ne savais pas trop dans quoi j'allais mettre les pieds. La couverture ainsi que le résumé m'attiraient. Et puis j'ai pris mon temps pour le lire, ce dont je ne regrette pas, car il est à lire sans se presser pour bien intégrer le texte et le concept. Et surtout pour apprécier plus longtemps.
Maïa, 10 ans, vit avec son Grand-père au Laos. Elle n'a jamais connu ses parents et vit comme une sauvageonne aux yeux des citadins. Pieds nus, elle adore sa vie dans cette grande forêt, entourée de ses amis, les tarsiers. Malheureusement, son grand-père est considéré comme un sorcier, un gentil, jusqu'à ce que les gens parlent un peu trop. Maïa va être dans l'obligation de partir du Laos pour la France. Laissant son grand-père aux mains des autorités qui pensent qu'il a voulu la tuer. Hors, ce n'était qu'un "rite de passage", une forme de "savoir. Ce que les yeux des uns voient, ceux des autres sont aveugles. 10 ans et déjà elle va se retrouver dans un monde hostile. Découvrir qui est sa famille, prendre en main un destin qui lui échappe depuis sa naissance. Et apprendre à se connaître.Tout cela dans un corps si frêle. Qu'est-ce que l'avenir lui réserve vraiment ?
« Je les observe dans le désordre de la boutique défraîchie et quelque chose s’ébranle en moi, un sentiment ambigu d’effroi mêlé à une totale incompréhension. Je devine qu’une vérité sombre m’est cachée. Je ne suis plus sûre, tout à coup, de vouloir grandir ou même de le pouvoir.
Une seule certitude fait jour lentement dans mon esprit: j’allais affronter le Rite de Passage à dix ans au lieu des seize définis selon les règles. C'est de cela dont ils parlent sans le nommer.
Un silence lourd et pesant emplit l’espace poussiéreux. Mes yeux circulent entre les deux êtres qui ont toujours été présents pour moi. Noa, le regard plein de rage et de déception. Grand-père, immobilisé dans une posture de lassitude profonde et d’une infinie tristesse. »
Une histoire fantastique dans tous les sens du terme qui se passe à notre époque. La nature est au coeur du récit, bien qu'elle ne soit pas toujours présente physiquement. Deux mondes totalement différent. Vivre au Laos, vivre en France. Une enfant qui va devoir apprendre très vite à oublier ce qu'elle a vécu auparavant. Elle va devoir faire des choix afin de décider de son propre sort. Ce que j'ai beaucoup aimé, c'est la manière dont le fantastique arrive. Il est présent du début à la fin par le biais de l'esprit, de la sorcellerie. Ce n'est pas la traditionnelle sorcellerie que nous avons ici, comme dans beaucoup de livres fantastiques. c'est plus spirituel sans pour autant nous obliger à y croire. C'est très beau la façon dont tout s'emmêle. Les croyances populaires, les valeurs familiales, les envies, le devoir. La famille tient une place importante, mais ce n'est pas forcément celle que l'on croit.
Les descriptions, que ce soit celles concernant le Laos sont telles que j'ai eu envie de visiter ce pays. La pauvreté ne fait pas envie mais ce qu'ils ont, ce partage, cette manière de vivre sans avoir besoin de l'industrie d'une manière ou d'une autre est importante. Le superflu n'existe pas. Il n'y a que ce que la nature offre et nous donne en échange d'un bon traitement. Lorsque nous sommes en région parisienne, nous suivons Maïa et ses frères dans un quotidien reconnaissable pour la plupart d'entre nous. Montrer le meilleur de soi-même, faire croire que tout va bien. Pourtant les liens sont forts entre eux. Protéger, aider, réussir sont les maîtres mots de cette fratrie.
Trouver sa place est difficile pour une enfant qui ne comprend pas le français. Entre le moment où Maïa prend l'avion et celui où nous la retrouvons en France, il se passe 6 ans. Six années où elle a dû avancer. Comprendre notre langue, travailler dur pour obtenir son bac qu'elle doit passer à la fin de l'année scolaire. Se faire des amis. Ce dernier point est bien plus compliqué que le reste, car elle n'en a pas. Outre ses frères, elle travaille dans une bibliothèque, mais évite les gens. Végétalienne, elle est montrée la plupart du temps du doigts, sans compter son envie de disparaître à chaque instant de sa vie pour qu'on ne la remarque pas. C'est peine perdue avec ses grands yeux tel le tarsier qui a vécu avec elle enfant et sa petite taille.
« J’ai l’impression que ma vie passée au Laos n'est qu'un long rêve qui s’efface peu à peu. Les traits de grand-père se gomment et se transforment, sous mes souvenirs infidèles. Parfois je me retourne dans la rue croyant entendre le grain de sa voix.
Je vis maintenant dans un monde si différent qu'il rend mon passé irréel comme un songe né de mon imaginaire. Je n’ai personne pour en partager le souvenir. Personne n’en parle. Dans les films, les héros osent poser des questions, interroger, espionner, frapper et tuer si nécessaire pour obtenir une réponse. Mais dans la vraie vie, on ose à peine aborder le sujet qui nous tient le plus à cœur. Je n’ai pas l’étoffe d’une héroïne. Le destin ou l’ironie du sort m’a apporté une réponse, celle du père. Et je me suis retrouvée du jour au lendemain dans cette famille. Dans ma famille. »
Pourtant elle a soif de connaissance. Ce n'est pas son père qui la pousse vraiment, même si ce dernier est dur, strict et semble cacher des choses. (J'attends encore des questions à mes réponses sur ce personnage). Elle veut comprendre pourquoi son corps refuse certains aliments, pourquoi par moment elle a l'impression de rater tout ce qu'elle fait. Pourquoi elle a l'impression que les objets lui échappe des mains. Tant de questions qui demandent des réponses. Plus le temps passe, plus elle va aller de l'avant. La présence de ses frères, Tim Tanh Theo, est importante. Leur relation est basée sur le respect, le soutien. Il y a aussi Aël et Arnaud. Deux garçons qui se ressemblent sur bien des points, mais qui sont si différents pourtant. Brune qui au final cache bien son jeu.
Les trois frères ont les pieds sur terre. Tim est le plus "fashion victim". C'est lui qui dit à sa petite soeur comment se comporter en société, ce qu'il faut acheter pour être le meilleur en tout. Tanh est le plus âgé. Celui qui se doit d'être responsable pour tous les autres. Celui qui seconde le père dur et intransigeant dans ses décisions. Et puis il y a Théo. Celui qui ressent les choses, use de ce qu'il ne voit pas pour vivre. Maïa est remplie de magie. La beauté qu'elle ne perçoit pas en elle existe pourtant. Et le monde devient fou. Un peu comme ce que nous vivons en ce moment. Cette planète qui ne voit que le profit, détruit un peu plus son prochain, la nature.
« Je suis divisée.
Une partie de moi est attirée par la force magnétique d'Arnaud, un sentiment physique et épidermique, presque douloureux si je tente d'y résister, et s'il est trop près de moi. L'autre partie, qui prend sa source dans quelque chose de plus profond, plus spirituel, m'appelle depuis toujours, depuis ma naissance. C'est un appel qui augmente à chaque minute, qui me pousse dans un gouffre inconnu, quelque chose d'étrangement cellulaire et moléculaire, inscrit dans mon ADN.
Le choix est-il une illusion dans nos misérables vies?
...
Je me dirige alors vers le chemin qui est le mien, prédestiné depuis toujours, saisie par son aura quasi mystique. Le mystère est plus fort que tout. »
La vie de cette jeune femme se sera pas plus simple. Comprendre ce qui lui arrive devient capital à ses yeux et de ceux qui l'entourent. Des événements vont l'obliger à choisir, une fois de plus, à décider de son sort. Illusion ou réalité ? Je me suis posée la question. tout reste possible. Ce qui est en haut et en bas et ce qui est en bas est en haut. Une phrase qui prend tout son sens lorsque l'on arrive vers la fin du livre. La maturité des mots pour des personnages de cet âge ne perturbe pas. Tout comme le fait d'avoir intégré cette magie autour d'eux. Seul bémol, et c'est pour cela que ce n'est pas un coup de cœur : le final. Non pas que je sois en désaccord avec cette fin, c'est plutôt que j'ai comme un manque avec ce qui se passe. L'éternel recommencement, le retour aux sources, sauf qu'il me manque des éléments. Il reste des questions sans réponses. Cette fin, cette avancée dans le temps, je l'ai beaucoup aimé, comprendre que tout ne s'écoule pas de la même manière. Des risques sont à prendre en considération. Et le choix est toujours présent.
En conclusion, c'est un livre qu'il faut découvrir pour bon nombre d'éléments. La plume de l'auteur qui transporte. Les descriptions qui nous entraînent dans des contrées lointaines. Des personnages très intéressants, enrichissants même. Le fantastique qui reste réaliste dans notre vie de tous les jours. Un monde où tout peut arriver. Et si nous n'étions qu'un seul côté d'une même pièce ? Que se cache derrière cette même pièce ?