La folle du logis
Rosa Montero
Traduit de l’espagnol par Bertille Hausberg
Métailié
2004
Livre inclassable, il se lit comme un roman, il pourrait être un essai mais n’en est pas un non plus, c’est un livre de réflexions à la fois personnelles, et plus générales, faisant appel à la biographie de certains auteurs ou à son autobiographie (plus fausse que vraie).
Rosa Montero déverse pêle-mêle des pensées sur le métier d’écrivain, sur la vanité des écrivains, sur la naissance d’un roman, sur l’imagination que Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus nommait « la folle du logis », sur la nature du romancier.
On y lit des anecdotes sur les auteurs, on a envie de découvrir des auteurs peu connus, on relirait bien tel ou tel autre auteur, on s’amuse lorsqu’elle parle d’elle et M à trois reprises pour trois versions différentes, ce qui illustre parfaitement son propos.
Rosa Montero démystifie Zola, Garcia Marquez ou encore Goethe qui ont, chacun à leur manière, perdu leur point d’équilibre avec le pouvoir.
« Pour moi, le fameux engagement de l’écrivain ne consiste pas à mettre ses œuvres au service d’une cause ; il consiste plutôt à rester vigilant face aux lieux communs, à ses propres préjugés, à toutes les idées reçues et non soumises à examen qu’on nous glisse insidieusement dans la tête, idées pernicieuses, vénéneuses comme le cyanure, inertes comme le plomb, qui nous conduisent à la paresse intellectuelle. »
« Pour moi, écrire est une manière de penser et cette pensée doit être la plus propre, la plus libre et la plus rigoureuse possible. »
Ce qui m’agace quand je lis un livre comme celui-ci, c’est que j’en apprécie grandement la lecture sur l’instant, j’en souligne même des passages, j’en lis d’autres plusieurs fois, mais quelques jours après ma lecture, je serais bien incapable de parler du livre, de dire pourquoi j’ai aimé, ce que j’en ai retenu, ou encore d’en évoquer certains passages. J’apprends et j’oublie. Je savoure mais ne mémorise pas autant que je le voudrais. Il me faut transcrire tout de suite mes impressions ou ce que j’ai appris si je veux m’en souvenir. Alors que si je lis un roman, les images me restent plus volontiers en mémoire, je peux raconter l’histoire quelques jours après, voire quelques mois pour certains romans bien denses (j’oublie rapidement les romans courts que j’ai avalés en peu de temps).
J’aimerais tellement me nourrir de propos intelligents sans qu’ils s’évadent de mon esprit aussi vite qu’ils y sont entrés.
Pour conclure sur Rosa Montero, elle m’a fait un plaisir fou lorsqu’elle souligne, à juste titre, qu’un romancier doit s’éloigner le plus possible de la réalité de sa vie pour être un bon romancier. J’ai applaudi des deux mains, des deux pieds et le sourire n’a pas quitté mes lèvres !
« Le romancier doit non seulement savoir mais aussi sentir que narrateur et auteur ne peuvent se confondre. La maîtrise d’un écrivain consiste à trouver cette bonne distance avec son récit. Il faut que ce que vous racontez vous représente de façon profonde et symbolique en tant qu’être humain, comme dans les rêves, tout en n’ayant rien à voir avec l’aspect anecdotique de votre petite vie. »
Et oui ! Et bon nombre de romanciers français devraient lire La folle du logis et choisir d’écrire non pas « roman » sur leur livre, mais autobiographie, fragment de journal intime ou que sais-je encore lorsqu’ils étalent leur vie privée. Et à nous lecteurs, aussi, de ne pas chercher l’auteur derrière le narrateur…
Décidément j’aime Rosa Montero !
Je vous souhaite à tous une année riche en lectures variées et passionnantes.