Céline m'avait prévenu que ce serait dur, éprouvant à lire, mais que ça en valait la peine ...
Et elle avait raison, comme souvent ! ;-)
C'est donc le roman (récit ?) d'Emma, une jeune institutrice, et de ses galères de débutante, déchirée entre quatre classes sur quatre jours, dans quatre écoles différentes. L'une de ces école, les Acacias, c'est vraiment le bout du bout. Les cas sociaux, les désespérés, les parents négligents à la limite de la maltraitance, les enfants en colère qui n'écoutent pas, qui frappent, qui crient. Emma raconte sa classe, ses chiants, ses attachants, ses attachiants.
Cette classe des Acacias, pour Emma, c'était comme "le cadeau qu'on offre aux débutantes pleines d'enthousiasme et de zèle pour qu'elles comprennent que l'Education nationale était à l'image de la vie, un monde sans pitié où il fallait avant tout s'adapter. Pour qu'elles réalisent aussi que la vocation, c'était un mythe, un délire romantique, qu'il fallait vider de ses idéaux pour appréhender la substantifique moelle du métier : apprendre à survivre.".
Il y a Molly, battue par ses parents, Emir qui rackette les petits, Yaël qui "s'oublie" toute la journée. Karima, à qui on fait porter sur les épaules la responsabilité de toute une famille. Sans oublier Ryan, dont Emma n'a pas vu les signaux de détresse, et qui un jour balancera son horrible drame ...
Il y a le directeur, Aucalme (ce nom !), qui en a vu, trop vu, et vers qui Emma se tourne pour gérer toute cette misère.
Et enfin, il y a un amoureux, et un bébé pas vraiment prévu ...
"Une classe, c’est comme un roman. Vingt-six histoires qui se combinent, qui se heurtent qui s’emboitent. Cinq jours sur sept, de huit heures du matin jusqu’à la fin de l’après-midi, près de neuf mois dans une année, ces histoires se tissent. Si l’on calcule le temps passé ensemble, on s’effraie de constater à quel point une classe absorbe les individus qui la constituent."
Le roman de Rachel Corenblit est percutant, bouleversant, effrayant. Je l'ai lu non pas comme un roman, mais comme un récit, car je suis persuadée que tout cela existe, que pour des tas d'enseignants, ces drames sont le lot quotidien. C'est un roman en forme de coup de poing, chaque histoire nous frappe en plein coeur, et, moi qui suis hypersensible, j'ai hésité à le lire, comme j'avais hésité et puis renoncé à lire "La maladroite", d'Alexandre Seurat.
"Trois gamins. Le père, pas de nouvelles. Souvent les pères partent, décollent, disparaissent, à croire qu'on vit dans un monde sans pères depuis quelques temps. Mais où vont-ils, tous ces hommes? Il doit y avoir un pays où ils s'installent. La patrie des pères perdus. Une île éloignée, je ne sais pas, un triangle des Bermudes qui les retient prisonniers. un paradis où ils oublient leur femme, leurs gosses et leurs responsabilités."
J'ai été touchée par chaque enfant du roman, mais c'est resté supportable, grâce à l'écriture tout en sobriété de Rachel Corenblit, dont c'est le premier roman que je lis.
"Les attachants", Rachel Corenblit, La brune au rouergue, 2017, 187 p.