Publié aux éditions 10/18,
Après la mort de leur mère, trois frères que tout sépare se retrouvent dans la ferme familiale. Tor, l'aîné, se consacre à l'élevage de porcs, Margido dirige une entreprise de pompes funèbres et Erlend est décorateur de vitrines à Copenhague. Les retrouvailles s'annoncent mouvementées : la tension atteint son paroxysme lorsque la question de l'héritage amène le père de famille à révéler un terrible secret. Anne B. Ragde décrit les relations ambiguës entre les trois frères avec un talent remarquable et signe un roman passionnant à l'humour grinçant.Je crois que le premier tome de la saga d'Anne B. Ragde sera mon premier coup de cœur de l'année. Une année 2018 qui débute donc en fanfare avec ce livre qui m'aura procuré quelques heures de lecture incroyable. Pourtant, l'intrigue développée par Anne B. Ragde est banale en soit. Anna, la matriarche d'une ferme située en Norvège, est au bord de la mort. Ses trois fils sont réunis à son chevet. Il y a Tor, le plus âgé. Il a repris le flambeau de la ferme de ses parents. A plus de 50 ans, il a toujours vécu avec son père et sa mère. Si cette dernière vient à mourir, c'est son monde qui va s'écrouler. Il y a aussi Margido qui dirige une entreprise de pompes funèbres, athée convaincu, philosophe et pragmatique face à la mort. Il y a enfin Erlend, le petit dernier, qui vit librement son homosexualité à Copenhague, loin de ses frères et de ses parents qui ne l'ont jamais compris.
Anne B. Ragde plonge son lecteur au sein de cette famille d'origine rurale. D'abord aux côtés de Tor qui vit toujours à la ferme, élevant des cochons, ses seuls amis et compagnons. Rien n'a changé depuis des années: les mêmes rideaux, la même cuisine, l'économie paysanne poussée à l'extrême. L'auteur nous laisse entrevoir le quotidien d'un homme de manière effroyable. On sent derrière le personnage de Tor toute la détresse de l'éleveur de cochons. Tor est celui qui n'a jamais de temps pour lui-même, lié corps et âme à son travail harassant.
Puis il y a Erlend, l'homo, la honte de la famille, qui a fui pour se construire ailleurs loin des regards lourds et des reproches. C'est le personnage que j'ai préféré parmi les trois frères car il est à la fois drôle et pathétique. Il y a enfin Margido, le croque-mort, qui fait son travail avec cœur et distanciation et qui en sait plus que ses frères sur sa famille.
Anne B. Ragde nous laisse contempler une famille éclatée que la mort de la mère, ce tyran domestique, va rassembler bon gré mal gré. Derrière les conversations, les regards, on sent les non-dits et le poids du secret. Car La terre des mensonges est un roman sur les secrets de famille et je vous assure que celui qui nous est révélé à la toute fin du livre fait l'effet d'une petite bombe. Après cette révélation, les frères vont devoir remettre toute leur vie en question et le lecteur va devoir se procurer la suite de la saga!
Ce premier tome de La terre des mensonges est une vraie réussite. Malgré un rythme lent et détaillé qui permet de croquer chaque personnage, Anne B. Ragde réussit là un vrai tour de force avec cette famille norvégienne fêlée et éclatée. J'attends de lire la suite avec impatience!