Libres pensées...
Madeline vit avec ses parents dans le Minnesota. Jeune fille solitaire passionnée par les loups, elle a peu d'amis, et développe des relations atypiques, par exemple avec son professeur d'histoire, M. Grierson, bientôt impliqué dans un scandale sexuel, puis avec Lily, lycéenne solaire qui a révélé sa liaison avec l'enseignant. Depuis chez elle, elle observe le voisinage alentour, et en particulier la famille qui vit de l'autre côté du lac, dont elle se rapproche, Patra, la mère, et Paul, le petit garçon de quatre ans. A leur contact, Madeline découvre qu'ils sont sous l'emprise de Leo, le père et époux, figure autoritaire et très croyante.
Une histoire des loups s'apprécie d'abord pour son atmosphère étrange, qui m'a fait penser à certains ouvrages américains comme ceux de David Vann, ou, du côté du Canada, le fameux Bondrée découvert l'an dernier.
La narratrice, Madeline, s'appréhende en creux, à partir des relations nouées avec les autres personnages auxquels elle s'intéresse. Très rapidement, on réalise qu'elle est assez décalée, originale dans ses affinités, et a un goût pour les situations qui peuvent faire ressentir un certain malaise, à l'instar de sa proximité avec le professeur Grierson. Ainsi, elle semble se complaire auprès de Patra, Paul et Leo, ou, en tout cas, s'attache à eux au point de passer du temps avec eux régulièrement, alors qu'il règne autour et entre eux comme une angoisse, une menace que l'on devine sans pouvoir mettre les mots dessus.
L'auteur parvient avec brio à tenir le lecteur en haleine, à mesure qu'un étau se referme, tout contribuant à cette ambiance insolite et inquiétante, au point que l'on doute parfois de ses propres perceptions, et de la provenance de la menace qui grandit. A cet égard, on peut penser qu'Emily Fridlund a été à bonne école, et excelle, pour ce premier roman, à décrire les pièces du quotidien et la façon dont le drame plane, comme s'il était inéluctable alors que le récit nous montre les étapes de sa réalisation, et les signaux qui auraient pu être interceptés. On n'est pas loin de l'univers de Laura Kasischke, que j'affectionne particulièrement, néanmoins Emily Fridlund opte pour des personnages peut-être moins conventionnels, plus atypiques (Madeline correspondrait certainement aux "freaks" à l'américaine).
Histoire des loups ravira donc les adeptes de cette littérature américaine qui explore les ressorts psychologiques des protagonistes et la façon dont leurs croyances et certains déterminismes les mènent à l'irréparable.
Pour vous si...
- Vous êtes un inconditionnel des "romans de moeurs" ;
- Vous ne m'en voudrez pas si vous ne croisez pas franchement de loups dans le récit.
Morceaux choisis
"Les filles qui restaient à Loose River après le lycée tombaient toujours enceintes et se mariaient à dix-huit ans avant de s'installer dans le sous-sol de leurs parents pi dans un camping-car au fond du jardin. Voilà ce qui arrivait quand on était suffisamment jolie pour devenir pom-pom girl, mais pas suffisamment intelligente pour aller à l'université. Et si on n'était pas suffisamment jolie, on trouvait un emploi dans un casino ou une maison de retraite à Whitewood."
"Par nature, compris-je soudainement, les enfants sont cinglés. Ils croient à des choses impossibles pour satisfaire leurs besoins, ils prennent leurs fantasmes pour le centre du monde. Ils font les meilleurs charlatans, si c'est ce que vous cherchez - des affabulateurs qui ignorent complètement qu'ils fabulent."
"Ce cadeau était comme tant d'autres choses entre nous. C'était exactement ce qu'il me fallait, et le contraire de ce dont j'avais besoin."
Note finale3/5(cool)