Libres pensées...
Le narrateur retrace la vie de ses aïeux, des "petites gens" dont il est issu.
Chacun a son histoire, banale et pourtant singulière, et ce qui, soudain, lui donne des accents magiques, c'est l'écriture de Pierre Michon. Je pourrais sans doute vous raconter l'histoire de l'un ou de l'autre, de Dufourneau ou bien d'Elise, mais ce qui compte, ce qui fait tout le sel de ces vies minuscules, c'est cette langue d'une richesse extrême, aux tournures parfois désuètes, anciennes, cette langue qui semble nous venir d'un autre temps, que l'on lit pour le plaisir d'en goûter chaque mot.
Vies minuscules est un texte de grande, de belle littérature. Pas forcément un livre qui se lit dans le métro, entre deux rendez-vous, mais bien plutôt un livre auquel on consacre un temps préservé, pour ne pas, distrait, en manquer l'essence.
Il y a aujourd'hui, je pense, bien des auteurs chez lesquels on peut deviner l'influence de Pierre Michon, au premier rang desquels, bien sûr, Marie-Hélène Lafon, qui a elle aussi écrit sur la vie paysanne, ou également Anne-Marie Garat ou même, d'une certaine manière, Jean-Baptiste Del Amo. Des auteurs qui s'inscrivent dans une lignée particulière, celle des belles lettres, d'une écriture exigente, alors que le sujet choisi est "simple" dans la hiérarchie sociale, comme le dit Michon, et c'est un aspect qui me frappe, le fait que l'écriture la plus délicate, la plus travaillée, raconte la vie des humbles, de ceux qui longtemps ont été exclus de la littérature, qui ne leur était pas destinée.
Je suis donc ravie d'avoir comblé cette lacune, et entend bien poursuivre dans ma lancée en lisant d'autres oeuvres de Pierre Michon, tout en gardant en tête qu'il vaut mieux, donc, se réserver un moment de calme pour bien lire l'auteur, qui s'apprécie mal autrement.
Pour vous si...
- Vous êtes amateur de belles lettres ;
- Vous n'êtes pas du genre lecteur pressé.
Morceaux choisis
"L'enfant écoute, répète craintivement d'abord, puis avec complaisance. Il ne sait pas encore qu'à ceux de sa classe ou de son espèce, nés plus près de la terre et plus prompts à y basculer derechef, la Belle Langue ne donne pas la grandeur, mais la nostalgie et le désir de la grandeur. Il cesse d'appartenir à l'instnat, le sel des heures se dilue, et dans l'agonie du passé qui toujours commence, l'avenir se lève et aussitôt se met à courir."
"Elle savait que, comme tous ceux qu'on n'appelle "parvenus" que parce qu'ils ne parviennent pas davantage à faire oublier leurs origines à autrui qu'à eux-mêmes, et qui sont des pauvres exilés chez les riches sans espoir de retour, Dufourneau avait sans doute été d'autant plus impitoyable envers les humbles qu'il se défendait de reconnaître en eux l'image de ce qu'il n'avait jamais cessé d'être."
Note finale3/5(cool)