Le mystère Jérôme Bosch, de Peter Dempf

Que vois-je ?

Catherine (la tête, penchée d’un côté et mordillant sa lèvre): Je pense que cela représente la solitude.
Liam (tapotant du doigt son menton): Pour ma part, c’est une ouverture dans un monde fermé. Et toi, Klo ?
Moi (fronçant les sourcils et jetant un coup d’œil vers mes collègues): Vous voyez vraiment ça dans ce tableau ? C’est juste un point noir au milieu de la toile.
Ma patronne (arrivant derrière nous et d’un ton sérieux): Pour un tableau, il y’a l’interprétation que veut donner l’artiste et celle que veut offrir chaque personne qui le contemple. D’où les nombreuses significations que l’on peut lui apporter.
Moi (acquiesçant de la tête): Hum… Je suis d’accord.
Ma patronne (sortant un tableau caché derrière une pile de livres): D’ailleurs, j’aimerais votre avis sur celui que vous m’avez offert pour fêter ma première année au sein de cette librairie.
Catherine et Liam (criant à l’unisson): Quelle horreur !
Moi (gênée et à voix basse): J’ai dit à l’antiquaire de ne pas mettre le destinataire (voix haute): Euh… Vous connaissez Phoebe Buffay de « Friends » et son tableau…

Le mystère Jérôme Bosch, de Peter Dempf
Auteur: Peter Dempf
Titre: Le Mystère Jérôme Bosch
Éditeur, Année: Cherche-Midi, 2017
Nombre de pages: 448 pages.




Je pensais que la chère Reine de Glace, ma patronne, n’aurait jamais su que la destinataire du tableau était moi. Pourquoi cette injustice 😭… Enfin, bref !
Nous pouvons donner une multitude d’interprétations à un tableau, mais la plus proche restera toujours celle de l’artiste. J’ai eu l’occasion de lire un roman qui a su m’apporter l’une d’entre elles pour un des célèbres tableaux de Jérôme Bosch. Voici mon avis sur « Le mystère Jérôme Bosch » de Peter Dempf.

Résumé:
2013 : Madrid. Le Prado. Le Jardin des délices, célèbre triptyque du peintre flamand Jérôme Bosch, a été vandalisé par un prêtre dominicain. Le religieux, convaincu que l’œuvre dissimule un dangereux secret susceptible de nuire à l’Église, a lancé du vitriol sur le tableau avant d’être maîtrisé par les gardiens du musée. 
Restaurateur de tableaux, Michael Keie se voit confier la tâche délicate de remettre le triptyque en état. Très vite, il fait une découverte stupéfiante : à plusieurs endroits, les couches de peinture altérées laissent transparaître des symboles cachés. Avec l’aide de son collègue madrilène Antonio de Nebrija, un vieil érudit fantasque, Keie va tenter de déchiffrer ces signes étranges. 
1510 : Petronius Oris arrive à Bois-le-Duc dans les Flandres pour travailler aux côtés de Jerôme Bosch. Alors que la cité est envahie par les sbires de l’Inquisition, Petronius découvre que Bosch, initié à un secret hérétique, travaille en secret à un mystérieux triptyque. 

Avec ses deux enquêtes parallèles, l’une dans le présent, l’autre dans le passé, qui se font écho pour percer le secret du célèbre Jardin des délices, Peter Dempf fait preuve d’une incroyable érudition et nous offre un suspense magistral qui tient en haleine jusqu’à la dernière page.

Pourquoi a-t-il voulu détruire ce célèbre tableau ? Serait-ce dû au syndrome de Stendhal? Ou une raison bien plus obscure ?
C’est avec ses questions en tête que Michael se lance dans la restauration du célèbre triptyque de Jérôme Bosch. Il ne se doutait pas que ce tableau allait lui révéler quelques surprises. Sa curiosité devenant de plus en plus grande, il va à la rencontre de celui qui saura répondre à toutes ces questions: l’homme qui a jeté du vitriol sur l’oeuvre. Mais est-il prêt à entendre ses « réponses » ?

Un tableau cachant une vérité dissimulée au monde depuis plusieurs siècles, où la frontière entre religion et ésotérisme s’efface, un groupe mystique qui se dissimule dans l’ombre… Oui, tout comme moi, vous allez immédiatement penser au célèbre « Da Vinci Code » et tous les romans du genre qui ont succédé. Je vous le dis tout de suite, ce n’est pas du tout cela. Bien au contraire !

Alors que Michael et son collègue Antonio cherchent des réponses suite à leurs découvertes sur le tableau, l’auteur nous plonge, durant une grande partie du roman, dans la Flandre du XVIème:
-Période trouble dominée par l’Inquisition et une ambiance oppressante entre les murs de la Cité,  nous suivons une galerie de personnages très diversifiée entre les artistes, les dominicains, les voleurs, les érudits et la population. Leurs quotidiens seront rythmés par les différents fils d’intrigue.
Tout en constatant le gros travail de recherche fourni par l’auteur pour respecter la période historique, j’ai aimé de ne pas être noyée sous les détails. Le récit est vif et dynamique et on se très laisse très rapidement emporté par le mystère de ce tableau.

Et en parlant du tableau, il faut absolument que je vous parle de la couverture du roman. Alors que certains éléments de l’oeuvre de Bosch sont analysés par les personnages, vous aurez tendance à vouloir enlever la jaquette et regarder les plats afin de retrouver la scène citée. Je trouve le choix de couverture très  futée, car tout en donnant un petit côté ludique à la lecture, elle pousse le lecteur à adhérer à l’interprétation donnée au tableau.

Et quelle interprétation ! Tout en ayant pied dans notre actualité, elle prend aussi source dans l’histoire de l’Humanité et offre un futur possible pour tous. Je dis bien possible, car là encore, l’auteur fait preuve de finesse et d’ironie en apportant une nuance à la vision que l’on peut donner à cette oeuvre par le pragmatisme d’un de ces personnages.

Ce fut une très bonne lecture, ponctuée de rebondissements et accompagnée d’une grande variété de protagonistes… Pour la partie historique. Sur ce point, je vais arriver, selon moi, à la faiblesse de ce roman, :
La partie se déroulant au XVIème siècle est riche et prenante. Quant aux différents personnages de cette période, ils se revèlent tous complexes et pleins de mystère. Ils sont vraiment bien travaillés et apportent une force au récit. C’est pourquoi, j’ai vraiment eu du mal à revenir dans la partie « contemporaine » qui m’a semblé bien moins dynamique. Ce ressenti s’est d’ailleurs répété avec les personnages « modernes » qui n’ont pas le même « charisme » que ceux du temps de Jérôme Bosch.

Conclusion:

Durant le mois de novembre et de décembre, j’ai eu de belles surprises niveau lecture. Et sans mentir, « Le Mystère de Jérôme Bosch » en fait partie. Certes, je lui reproche une faiblesse du récit dans la partie « contemporaine », mais là, rien qu’en repensant à l’interprétation donnée au tableau et à la conclusion apportée par l’auteur, je ne peux  m’empêcher de sourire.

L’histoire est vraiment prenante et aucunement alourdit par de nombreux détails historiques. Au contraire, ceux-ci apportent un cadre idéal pour le côté ésotérique et présence de société secrète dans l’intrigue.

A vous de voir si votre curiosité vous poussera à découvrir ce qui se cache derrière ce « mystère »

C’est avec cet extrait d’un article sur la manière que nous regardons un tableau que je vais conclure cette chronique:

« le sens et l’interprétation d’une œuvre d’art ne sont pas définis une fois pour toute par l’artiste ni son époque mais ils sont enrichis par chaque regard, chaque visiteur. Une œuvre n’est pas dotée d’un mode d’emploi universel qui marcherait pendant des siècles. Aucun visiteur ne voit le même tableau. » ( Marie Lavandier, directrice Louvre-Lens – Télérama, mars 2017)