Editions Delcourt, collection "Miracles", août 2012
Thèmes : France/Angleterre, ennemis, xénophobie, Humain/Animal, Bêtise/Ignorance
Lecture Commune avec Nathalie.Hartlepool, comté de Durham, Angleterre, époque napoléonienne.
Dans le même temps, un navire français fait naufrage et le ressac ramène sur la plage nombre de débris dont les habitants espèrent bien tirer profit.
Seuls deux survivants, éloignés l'un de l'autre, échouent sur le rivage.
Il y a Philip, enfant et jeune mousse, trouvé par Charly, le fils du visiteur, qui voit là l'occasion de n'être plus seul dans le " jeu " non innocent de la guerre français contre anglais que livrent les enfants de l'aubergiste, et Maire de la ville, contre lui.
Il est fait prisonnier, non sans résistance - le Pasteur est mordu et soigné par le visiteur, qui est docteur et qui se demande bien quelle mâchoire humaine pourrait bien causer une telle morsure...
Dans la haine tenace de l'ennemi de toujours, mais ignorants de son aspect, ces humbles sujets de Sa Gracieuse Majesté, portés par leur Maire ambitieux, se persuadent qu'ils viennent de trouver là un espion mangeur de grenouilles et, mieux encore, de déjouer une invasion.
Un simulacre de procès se tient dans lequel les " preuves " de sa culpabilité d'être Français sont exposées. Le condamnant à être pendu.
En marge, les enfants (sans Charly ni Philip) sont aussi gagnés par l'" euphorie " et seule la petite fille du vieillard amputé s'interroge sur le cadavre...
Et si ce n'était pas un humain mais un singe ?
Son questionnement suscite la risée générale.
Un singe ?! Non mais ils sauraient le voir quand même si c'en était un, et puis, après tout, et surtout, il avait des habits de Français !!
Ce récit reprend un épisode supposé réel de la ville de Hartlepool. D'ailleurs, ses habitants, affublés du sobriquet peu flatteur de " Monkey hangers " (les pendeurs de singe), en jouent toujours, notamment ses politiques dans leurs campagnes ( CLIC)
Les deux auteurs l'ont transformé en une fable universelle et grinçante pour mieux dénoncer la petitesse d'esprit, la xénophobie héréditaire, le nationalisme exacerbé, et l'ignorance qui mènent à des situations grotesques et cruelles.
Et l'on se dit que ce n'est pas possible, qu'ils vont bien se rendre compte de leur erreur, que cela est fait exprès...
Cela paraît incroyable et pourtant ! Cela a vraiment existé, à partir des guerres révolutionnaires et napoléoniennes, notamment en France entre 1870 et 1914 puis pendant la Première Guerre mondiale : l'ennemi allemand, le " barbare ", était affublé de noms, physiques, caractéristiques et défauts des plus ridicules et caricaturaux. ( CLIC)
A cela, les auteurs intègrent humour caustique et quiproquos, des personnages secondaires plus qu'intéressants, un mousse bilingue, un certain Charles Darwin, encore enfant, comme si cet épisode lui aurait été formateur.
On ne voit pas les femmes : ni à la plage, dans la ville, lors du procès... Il y a seulement deux présences féminines, des enfants, à l'opposé l'une de l'autre. La fille de l'aubergiste/maire, et la petite-fille du vieux vétéran éclopé.
Le trait fin et les couleurs utilisées par Jérémie Moreau me rappellent ceux de Clément Oubrerie, dessinateur de la série Pablo.
Les visages des personnages sont rougeauds, pleins d'excitation haineuse.
L'ambiance est glauque, grise et terne, dans une représentation de la météo anglaise assez fidèle à l'idée reçue.
Pour découvrir comment Lupano a eu connaissance de cette légende : c'est ICI.
Cet album participe au RDV BD de la semaine qui se passe aujourd'hui chez Noukette (Retrouvez-y toutes les participations du jour - CLIC) ainsi qu'au " Petit Bac 2018" d'Enna, pour ma première ligne, catégorie Animal.