Il y a peu, nous évoquions sur le blog "Bertram le baladin", roman de fantasy dans lequel la musique tenait une place centrale. Voici un autre roman où l'art et ceux qui le pratiquent, sous toutes ses formes, sont les moteurs du récit (une image choisie à dessein). On reste dans une fantasy en apparence assez classique, mais pleine d'originalité, de bonnes idées et de personnages mystérieux et ambigus. "L'Appel des Illustres", de Romain Delplancq (qui vient de sortir en poche chez Folio), est le premier tome d'un diptyque, "le Sang des Princes", paru à l'origine aux éditions de l'Homme sans Nom (une maison à suivre). Une plongée dans un monde qui rappelle, par bien des aspects, l'Italie de la Renaissance, avec, au coeur de l'histoire, un clan Austrois, des artistes itinérants qui vivent en marge du reste de la société, assurant simplement le spectacle, sous toutes ses formes, mais également garants du progrès technique, dont ils détiennent les secrets, jalousement gardés. Et puis, il y a la peinture...
A Tandal, la famille Spadelpietra règne en maître. Jana, la Duchesse, est à la tête de la Slasie, une province, qu'elle dirige avec autorité, mais selon une politique très éclairée : depuis toujours, les Spadelpietra ont allié au pouvoir exécutif et militaire, garants de la paix, une activité de bâtisseurs et de mécènes qui en ont fait une famille révérée. On les appelle d'ailleurs les Illustres.
Mais, derrière la façade, se déploie une féroce ambition et une mentalité bien plus calculatrice. Et bien moins noble, également. Tous les moyens sont bons, derrière cette image bien propre, bien lisse, bien sage, pour parvenir à des fins clairement définies : étendre le pouvoir des Spadelpietra de la Slasie à l'ensemble du royaume. Et la conquête de la couronne est en bonne voie.
Mais, pour l'heure, les Spadelpietra sont en deuil. Iarma, la jeune cousine de la princesse Jana vient de mourir, à l'âge de 11 ans, seulement. Oh, elle a toujours été fragile, victime de crises d'épilepsie, mais la dernière en date a eu raison d'elle. Et même si on s'y attendait, le choc reste grand. En particulier à cause des conditions dans lesquelles elle a eu lieu...
Trois mois plus tard, autre lieu, autre contexte, autre deuil. Celui-là n'a pas encore eu lieu, mais il est imminent. C'est le premier concerné qui en a fait l'annonce. Blasio en est certain, il ne lui reste plus que quelques jours à vivre. Et, même si ses proches ont du mal à accepter cette nouvelle, il faut se rendre à l'évidence : le vieux Patron sait parfaitement ce qu'il dit.
En conséquence, c'est tout le clan Dael, que dirige Blasio, qui va se mettre en route au plus vite. Ils vont quitter Liarnes, où ils étaient en train de se produire, et vont regagner Sihil, le fief du clan, là où Blasio rejoindra sa dernière demeure avec les honneurs qui lui reviennent. Un voyage qui s'annonce douloureux, mais c'est la tradition.
Et les Dael y sont attachés, à ces traditions. Ils appartiennent aux Austrois, un peuple nomade qui arpente le royaume pour y donner des spectacles. Les Austrois sont des artistes dans le sang, qui maîtrisent toutes les disciplines et peuvent ainsi proposer au public une large palette de spectacle là où ils s'arrêtent.
A ces talents artistiques, les Austrois ajoutent des dons pour la mécanique : ils fabriquent de formidables automates, qui eux aussi ravissent les foules lorsqu'ils s'animent, et maîtrisent d'autres savoir-faire techniques, comme ces tenseurs, qui permettent à leurs roulottes de se mouvoir de manière autonome.
Tout cela, ces maîtrises des arts et ces secrets techniques dont ils possèdent le monopole et qu'ils se gardent bien de partager avec quiconque n'est pas Austroi, tout cela leur a valu un statut particulier dans tout le royaume. Ils ne sont pas tout à fait soumis aux mêmes règles que les autres citoyens et apprécient cette liberté que leur offre le nomadisme.
Au sein des Austrois, le clan Dael occupe une position dominante. Et c'est sans doute à cause de la personnalité de Blasio, qui est surnommé Sait-Tout-Faire. Autrement dit, il excelle dans tout ce qu'il entreprend, sur le plan artistique comme technique. Un artiste complet et un automaticien de génie, inégalable dans ce domaine.
Autour de lui, Sophia, la future veuve, se prépare à prendre la tête du clan. Mais, à terme, ce sera sa fille Lydie qui deviendra la patronne du clan Dael, lorsqu'elle aura atteint l'âge. Et puis, il y a ses deux frères, Philio, musicien d'exception, mais totalement asocial, et le plus jeune, Basil, au caractère déjà bien affirmé.
La mort annoncée du Patron du clan Dael est un coup dur pour eux, en plus de la dimension affective. Il faudra poursuivre sans lui, sans ses talents multiples, sans son aura et le respect qui l'accompagnait. Il faudra se montrer digne de ce personnage incontournable parmi les Austrois, et ce ne sera pas une tâche aisée, loin de là.
A Meris, petite ville bien tranquille, loin de l'agitation des métropoles que sont Tandal ou Liarnes, se trouve un monastère. Une cinquantaine de moines y prient, sous le regard bienveillant du révérend père Dimtry. Mais, ce ne sont pas eux qui nous intéressent, non. Celui qui importe, c'est ce jeune homme de 19 ans aux yeux vairons qui est hébergé là.
Mical a été confié aux moines et a grandi dans l'enceinte où il a développé un talent remarquable pour la peinture. Il vit pour et par cet art, affinant chaque jour ses techniques, ses dons, aussi, et réalise des tableaux d'une extraordinaire qualité. Des tableaux d'une puissance visuelle comme on n'en a jamais vu, à tel point qu'une de ses fresques, dans l'église, attire les visiteurs d'un peu partout.
Un tel talent ne passe pas inaperçu, Dimtry est bien passé pour le savoir. Il sait aussi qu'on s'intéresse de plus en plus au jeune prodige dans des sphères qui le dépassent. Et il redoute même que ce talent le mette en danger. Alors, il cherche des solutions pour le protéger, en l'envoyant dans différents endroits du royaume et en ignorant les messages comminatoires qu'il reçoit.
Mais combien de temps ce petit jeu pourra-t-il durer ? Meris est à l'écart des jeux de pouvoir, mais pas inaccessible pour autant. Bientôt, il le sait, on viendra chercher Mical, et que pourra-t-il y faire ? Que pourra faire Mical lui-même, d'ailleurs, si pur, si candide, seulement préoccupé par son art ? Face à cette menace diffuse, il lui faudrait un ange gardien...
Pardon, cette présentation est un peu longue, mais elle aura permis de présenter à la fois le contexte dans lequel ce déroule ce diptyque, mais aussi les principaux personnages que l'on y retrouvera, en tout cas les principaux groupes qui y évoluent et sont amenés, on l'imagine bien, à se croiser. Ces liens, je ne les ai pas du tout explicité, c'est volontaire, il vous faudra lire le roman.
"L'Appel des Illustres" est un roman plein de surprises et de rebondissements, et on est encore loin d'avoir tout vu à la fin de ce premier volet. On plonge dans un univers très particulier, qui rappelle donc l'Italie de la Renaissance, avec ces cités-états qui se posent en rivales les unes des autres, chacune avec ses spécificités.
Les Spadelpietra font penser aux Médicis, à la fois facteurs de progrès, mécènes reconnus et pourtant, impitoyables personnalités politiques, prêts à tout pour que le rayonnement de leur nom éclaire le plus loin possible. Autour de Jana, Vittor et Bendetto sont des officiers aguerris, qui mènent leurs hommes à la baguette. Et puis, il y a Amadi, un peu à part, excentrique et déroutant.
Au fil du récit, les projets de cette famille apparaissent, tout du moins leur partie émergée. Mais, on sent bien, sans encore tout comprendre avec précision, qu'il y a des secrets qui se cachent là-dessous. Que la quête de pouvoir ne s'arrête sans doute pas à un simple jeu d'alliances entre familles dirigeantes, entre cités.
Non, les Illustres ne sont pas du genre à partager, dans quelque domaine que ce soit. Pourtant, aussi soudée cette famille nous apparaît-elle, on commence à voir poindre quelques éléments bizarres, mystérieux... Sous l'apparat, l'étiquette et le blason des Spadelpiatra, d'autres secrets affleurent, mais on est loin de savoir qui mène la danse et dans quel but exactement...
De l'autre côté, les Dael, ce clan Austrois. De nos jours, on dirait gens du voyage, auparavant, on les aurait sans doute qualifier de bohémiens... Des artistes itinérants, donc, mais pas seulement, puisqu'ils possèdent ce savoir technologique particulier, lié aux automates et à ces fameux tenseurs, pièces de très grande précision qui portent la signature de ceux qui les mettent au point.
La dimension artistique de ces personnages est très intéressantes et l'on comprend que leurs productions sont tout à fait incroyables : les automates mis au point pas Blasio, les talents des uns et des autres pour donner des pièces et même des opéras, dans lesquels la maestria de Philio fait la différence. Partout dans le royaume, on es adule, on les réclame.
Mais, les Austrois sont aussi un peuple et, malgré le nomadisme, c'est aussi une sorte de nation que composent les différents clans et cela implique des responsabilités politiques qu'assument ceux et celles qu'on appellent les Patrons et les Patronnes. Et, parmi eux, Blasio est le plus éminent, le plus respecté. Ce qui ne rend que plus difficile la tâche prochaine de Sophia, puis de Lydie.
Il faut préciser que ce premier volet s'étend sur une période assez longue, ce qui fait que les plus jeunes personnages au début de l'histoire, atteignent l'âge adulte, ou tout près, dans le courant de ce premier volet. Et cette évolution des personnages et de leurs rôles est particulièrement importante pour le clan Dael.
Et puis, il y a Mical, le dernier à entrer en scène, parmi les personnages que j'ai évoqués jusqu'ici. Le plus mystérieux aussi, et ce, bien malgré lui. Car c'est un bien gentil garçon sur qui le Destin a eu l'idée saugrenue de poser son regard. Il y a ce talent exceptionnel, très particulier, vous le verrez, et puis, il y a ce regard, ces yeux vairons, et en particulier cet oeil gris comme le givre...
Il est touchant dans sa naïveté quand on le rencontre, dans sa passion sincère pour la peinture, sa volonté de toujours améliorer son art, de toujours y apporter une touche supplémentaire. Il vit, sans se poser de questions, sans se douter de ce qui se trame autour de lui. Et quand tout cela va le rattraper, il va tomber des nues...
La suite, on la découvre au fil du livre, mais il reste encore à comprendre l'essentiel : qui est vraiment Mical et pourquoi semble-t-il faire l'objet de tellement... disons... d'attentions ? Un coin du voile va se lever, mais il reste encore beaucoup à découvrir à son sujet, en particulier autour de son extraordinaire talent.
"Le Sang des Princes" est un roman de fantasy avec des thèmes assez classiques, l'ambition, la quête du pouvoir et les moyens d'y parvenir, les manigances et les secrets de famille, les héritages difficiles et les origines mystérieuses, la vengeance... Mais, tout cela se déroule dans cet univers particulier et la différence se fait dans le choix de ces clans Austrois et de l'étrange Mical.
Est-ce parce qu'on est dans un roman où le théâtre tient une place aussi importante que la politique, mais nombreux sont ceux qui jouent double jeu dans cette histoire. Individuellement, autant que collectivement. Car les Austrois sont de pacifiques nomades, qu'on tolère partout où ils passent, qu'on applaudit, aussi, mais qu'on oublie sitôt qu'ils ont repris la route.
Pourtant, ce sont aussi des clans qui ont leurs propres lois, leurs propres règles, mais qui font aussi preuve de solidarité. Et gare à qui voudrait s'attaquer à eux ou venir se mêler d'un peu trop près de leurs affaires. Si on doit faire des parallèles avec notre monde, il n'y a pas chez les Austrois que la dimension gens du voyage, il y a autre chose, et Sihil, leur berceau, pourrait donner un indice...
Bref, ce premier volet va aussi voir monter la colère des Austrois qui ont bien l'intention de se défendre. Mais, à leur façon : ils ne sont pas des guerriers, mais leurs talents leur offrent d'autres possibilités tout à fait intéressantes qu'ils vont devoir déployer, alors que le clan Dael se retrouve dans l'oeil du cyclone.
Unis et solidaires, oui, mais pas exempts de vilains petits secrets. Comme les Spadelpietra, on voit apparaître quelques indices laissant à penser que la vie des Dael n'est peut-être pas aussi parfaite qu'il n'y paraît... D'une génération à l'autre, certains ont des choses à cacher, mais elles finiront sans doute par remonter à la surface. Et semer le doute...
Un premier volet de plus de 500 pages, ce n'est pas rien, mais on s'y plonge allègrement et ensuite, l'histoire fait le reste. Je l'ai dit, rien de révolutionnaire dans les thèmes et les ressorts de l'histoire, mais tout cela est bien agencé, bien amené et on se laisse emporter au gré des déplacements des Austrois et de leur quête de vérité.
Ce premier tome s'achève sur une nouvelle note de mystère, un cliffhanger bien particulier qui ouvre la voie à de nouvelles interrogations. Ah, ça, on s'en pose, des questions, tout au long de ce premier volet, et on a fort envie d'y apporter quelques réponses. Et de comprendre quel est le rôle exact de la plupart des personnages dans cette lutte à fleurets encore mouchetés, mais qui pourrait vite partir en... sucette.
L'imaginaire de Romain Delplancq est riche, plein de vie, de couleurs, de sons, aussi (ah, on aimerait découvrir les musiques qui sortent de l'esprit de Philio !). On imagine le travail des Austrois extrêmement spectaculaires et on voudrait assister à ces spectacles, alliant acteurs vivants et automates. Oui, il y a tout ce qu'il faut pour voyager dans cet univers très original.
Et puis, ces personnages à facettes multiples sont attachants, énigmatiques pour la plupart, et qu'il s'agisse des "gentils" ou des "méchants" (je mets des guillemets, car les limites ne sont pas encore complètement définies, je pense), on a envie de découvrir leurs secrets, peut-être même leur véritable visage.
L'échiquier est dressé, les premières pièces ont été déplacées, il y a eu des mises en échec, des sacrifices et des contre-attaques, mais tout cela n'est encore qu'un prélude. On est face à des parties simultanées, certaines plus avancées que d'autres, et les pièces ignorent encore pour la majorité d'entre elles qui les déplacent et quelle stratégie on veut leur faire suivre.
Deuxième manche dans le deuxième tome, qu'on a très envie de lire une fois la dernière page de ce premier volet tournée. La lutte de pouvoir reprendra, avec des pièges, de nouvelles alliances, des trahisons, des révélations et des personnages qui s'affranchiront de leur rôle de simples pions. Des Dael aux Spadelpietra, en passant par Mical, le pire reste à venir...
A Tandal, la famille Spadelpietra règne en maître. Jana, la Duchesse, est à la tête de la Slasie, une province, qu'elle dirige avec autorité, mais selon une politique très éclairée : depuis toujours, les Spadelpietra ont allié au pouvoir exécutif et militaire, garants de la paix, une activité de bâtisseurs et de mécènes qui en ont fait une famille révérée. On les appelle d'ailleurs les Illustres.
Mais, derrière la façade, se déploie une féroce ambition et une mentalité bien plus calculatrice. Et bien moins noble, également. Tous les moyens sont bons, derrière cette image bien propre, bien lisse, bien sage, pour parvenir à des fins clairement définies : étendre le pouvoir des Spadelpietra de la Slasie à l'ensemble du royaume. Et la conquête de la couronne est en bonne voie.
Mais, pour l'heure, les Spadelpietra sont en deuil. Iarma, la jeune cousine de la princesse Jana vient de mourir, à l'âge de 11 ans, seulement. Oh, elle a toujours été fragile, victime de crises d'épilepsie, mais la dernière en date a eu raison d'elle. Et même si on s'y attendait, le choc reste grand. En particulier à cause des conditions dans lesquelles elle a eu lieu...
Trois mois plus tard, autre lieu, autre contexte, autre deuil. Celui-là n'a pas encore eu lieu, mais il est imminent. C'est le premier concerné qui en a fait l'annonce. Blasio en est certain, il ne lui reste plus que quelques jours à vivre. Et, même si ses proches ont du mal à accepter cette nouvelle, il faut se rendre à l'évidence : le vieux Patron sait parfaitement ce qu'il dit.
En conséquence, c'est tout le clan Dael, que dirige Blasio, qui va se mettre en route au plus vite. Ils vont quitter Liarnes, où ils étaient en train de se produire, et vont regagner Sihil, le fief du clan, là où Blasio rejoindra sa dernière demeure avec les honneurs qui lui reviennent. Un voyage qui s'annonce douloureux, mais c'est la tradition.
Et les Dael y sont attachés, à ces traditions. Ils appartiennent aux Austrois, un peuple nomade qui arpente le royaume pour y donner des spectacles. Les Austrois sont des artistes dans le sang, qui maîtrisent toutes les disciplines et peuvent ainsi proposer au public une large palette de spectacle là où ils s'arrêtent.
A ces talents artistiques, les Austrois ajoutent des dons pour la mécanique : ils fabriquent de formidables automates, qui eux aussi ravissent les foules lorsqu'ils s'animent, et maîtrisent d'autres savoir-faire techniques, comme ces tenseurs, qui permettent à leurs roulottes de se mouvoir de manière autonome.
Tout cela, ces maîtrises des arts et ces secrets techniques dont ils possèdent le monopole et qu'ils se gardent bien de partager avec quiconque n'est pas Austroi, tout cela leur a valu un statut particulier dans tout le royaume. Ils ne sont pas tout à fait soumis aux mêmes règles que les autres citoyens et apprécient cette liberté que leur offre le nomadisme.
Au sein des Austrois, le clan Dael occupe une position dominante. Et c'est sans doute à cause de la personnalité de Blasio, qui est surnommé Sait-Tout-Faire. Autrement dit, il excelle dans tout ce qu'il entreprend, sur le plan artistique comme technique. Un artiste complet et un automaticien de génie, inégalable dans ce domaine.
Autour de lui, Sophia, la future veuve, se prépare à prendre la tête du clan. Mais, à terme, ce sera sa fille Lydie qui deviendra la patronne du clan Dael, lorsqu'elle aura atteint l'âge. Et puis, il y a ses deux frères, Philio, musicien d'exception, mais totalement asocial, et le plus jeune, Basil, au caractère déjà bien affirmé.
La mort annoncée du Patron du clan Dael est un coup dur pour eux, en plus de la dimension affective. Il faudra poursuivre sans lui, sans ses talents multiples, sans son aura et le respect qui l'accompagnait. Il faudra se montrer digne de ce personnage incontournable parmi les Austrois, et ce ne sera pas une tâche aisée, loin de là.
A Meris, petite ville bien tranquille, loin de l'agitation des métropoles que sont Tandal ou Liarnes, se trouve un monastère. Une cinquantaine de moines y prient, sous le regard bienveillant du révérend père Dimtry. Mais, ce ne sont pas eux qui nous intéressent, non. Celui qui importe, c'est ce jeune homme de 19 ans aux yeux vairons qui est hébergé là.
Mical a été confié aux moines et a grandi dans l'enceinte où il a développé un talent remarquable pour la peinture. Il vit pour et par cet art, affinant chaque jour ses techniques, ses dons, aussi, et réalise des tableaux d'une extraordinaire qualité. Des tableaux d'une puissance visuelle comme on n'en a jamais vu, à tel point qu'une de ses fresques, dans l'église, attire les visiteurs d'un peu partout.
Un tel talent ne passe pas inaperçu, Dimtry est bien passé pour le savoir. Il sait aussi qu'on s'intéresse de plus en plus au jeune prodige dans des sphères qui le dépassent. Et il redoute même que ce talent le mette en danger. Alors, il cherche des solutions pour le protéger, en l'envoyant dans différents endroits du royaume et en ignorant les messages comminatoires qu'il reçoit.
Mais combien de temps ce petit jeu pourra-t-il durer ? Meris est à l'écart des jeux de pouvoir, mais pas inaccessible pour autant. Bientôt, il le sait, on viendra chercher Mical, et que pourra-t-il y faire ? Que pourra faire Mical lui-même, d'ailleurs, si pur, si candide, seulement préoccupé par son art ? Face à cette menace diffuse, il lui faudrait un ange gardien...
Pardon, cette présentation est un peu longue, mais elle aura permis de présenter à la fois le contexte dans lequel ce déroule ce diptyque, mais aussi les principaux personnages que l'on y retrouvera, en tout cas les principaux groupes qui y évoluent et sont amenés, on l'imagine bien, à se croiser. Ces liens, je ne les ai pas du tout explicité, c'est volontaire, il vous faudra lire le roman.
"L'Appel des Illustres" est un roman plein de surprises et de rebondissements, et on est encore loin d'avoir tout vu à la fin de ce premier volet. On plonge dans un univers très particulier, qui rappelle donc l'Italie de la Renaissance, avec ces cités-états qui se posent en rivales les unes des autres, chacune avec ses spécificités.
Les Spadelpietra font penser aux Médicis, à la fois facteurs de progrès, mécènes reconnus et pourtant, impitoyables personnalités politiques, prêts à tout pour que le rayonnement de leur nom éclaire le plus loin possible. Autour de Jana, Vittor et Bendetto sont des officiers aguerris, qui mènent leurs hommes à la baguette. Et puis, il y a Amadi, un peu à part, excentrique et déroutant.
Au fil du récit, les projets de cette famille apparaissent, tout du moins leur partie émergée. Mais, on sent bien, sans encore tout comprendre avec précision, qu'il y a des secrets qui se cachent là-dessous. Que la quête de pouvoir ne s'arrête sans doute pas à un simple jeu d'alliances entre familles dirigeantes, entre cités.
Non, les Illustres ne sont pas du genre à partager, dans quelque domaine que ce soit. Pourtant, aussi soudée cette famille nous apparaît-elle, on commence à voir poindre quelques éléments bizarres, mystérieux... Sous l'apparat, l'étiquette et le blason des Spadelpiatra, d'autres secrets affleurent, mais on est loin de savoir qui mène la danse et dans quel but exactement...
De l'autre côté, les Dael, ce clan Austrois. De nos jours, on dirait gens du voyage, auparavant, on les aurait sans doute qualifier de bohémiens... Des artistes itinérants, donc, mais pas seulement, puisqu'ils possèdent ce savoir technologique particulier, lié aux automates et à ces fameux tenseurs, pièces de très grande précision qui portent la signature de ceux qui les mettent au point.
La dimension artistique de ces personnages est très intéressantes et l'on comprend que leurs productions sont tout à fait incroyables : les automates mis au point pas Blasio, les talents des uns et des autres pour donner des pièces et même des opéras, dans lesquels la maestria de Philio fait la différence. Partout dans le royaume, on es adule, on les réclame.
Mais, les Austrois sont aussi un peuple et, malgré le nomadisme, c'est aussi une sorte de nation que composent les différents clans et cela implique des responsabilités politiques qu'assument ceux et celles qu'on appellent les Patrons et les Patronnes. Et, parmi eux, Blasio est le plus éminent, le plus respecté. Ce qui ne rend que plus difficile la tâche prochaine de Sophia, puis de Lydie.
Il faut préciser que ce premier volet s'étend sur une période assez longue, ce qui fait que les plus jeunes personnages au début de l'histoire, atteignent l'âge adulte, ou tout près, dans le courant de ce premier volet. Et cette évolution des personnages et de leurs rôles est particulièrement importante pour le clan Dael.
Et puis, il y a Mical, le dernier à entrer en scène, parmi les personnages que j'ai évoqués jusqu'ici. Le plus mystérieux aussi, et ce, bien malgré lui. Car c'est un bien gentil garçon sur qui le Destin a eu l'idée saugrenue de poser son regard. Il y a ce talent exceptionnel, très particulier, vous le verrez, et puis, il y a ce regard, ces yeux vairons, et en particulier cet oeil gris comme le givre...
Il est touchant dans sa naïveté quand on le rencontre, dans sa passion sincère pour la peinture, sa volonté de toujours améliorer son art, de toujours y apporter une touche supplémentaire. Il vit, sans se poser de questions, sans se douter de ce qui se trame autour de lui. Et quand tout cela va le rattraper, il va tomber des nues...
La suite, on la découvre au fil du livre, mais il reste encore à comprendre l'essentiel : qui est vraiment Mical et pourquoi semble-t-il faire l'objet de tellement... disons... d'attentions ? Un coin du voile va se lever, mais il reste encore beaucoup à découvrir à son sujet, en particulier autour de son extraordinaire talent.
"Le Sang des Princes" est un roman de fantasy avec des thèmes assez classiques, l'ambition, la quête du pouvoir et les moyens d'y parvenir, les manigances et les secrets de famille, les héritages difficiles et les origines mystérieuses, la vengeance... Mais, tout cela se déroule dans cet univers particulier et la différence se fait dans le choix de ces clans Austrois et de l'étrange Mical.
Est-ce parce qu'on est dans un roman où le théâtre tient une place aussi importante que la politique, mais nombreux sont ceux qui jouent double jeu dans cette histoire. Individuellement, autant que collectivement. Car les Austrois sont de pacifiques nomades, qu'on tolère partout où ils passent, qu'on applaudit, aussi, mais qu'on oublie sitôt qu'ils ont repris la route.
Pourtant, ce sont aussi des clans qui ont leurs propres lois, leurs propres règles, mais qui font aussi preuve de solidarité. Et gare à qui voudrait s'attaquer à eux ou venir se mêler d'un peu trop près de leurs affaires. Si on doit faire des parallèles avec notre monde, il n'y a pas chez les Austrois que la dimension gens du voyage, il y a autre chose, et Sihil, leur berceau, pourrait donner un indice...
Bref, ce premier volet va aussi voir monter la colère des Austrois qui ont bien l'intention de se défendre. Mais, à leur façon : ils ne sont pas des guerriers, mais leurs talents leur offrent d'autres possibilités tout à fait intéressantes qu'ils vont devoir déployer, alors que le clan Dael se retrouve dans l'oeil du cyclone.
Unis et solidaires, oui, mais pas exempts de vilains petits secrets. Comme les Spadelpietra, on voit apparaître quelques indices laissant à penser que la vie des Dael n'est peut-être pas aussi parfaite qu'il n'y paraît... D'une génération à l'autre, certains ont des choses à cacher, mais elles finiront sans doute par remonter à la surface. Et semer le doute...
Un premier volet de plus de 500 pages, ce n'est pas rien, mais on s'y plonge allègrement et ensuite, l'histoire fait le reste. Je l'ai dit, rien de révolutionnaire dans les thèmes et les ressorts de l'histoire, mais tout cela est bien agencé, bien amené et on se laisse emporter au gré des déplacements des Austrois et de leur quête de vérité.
Ce premier tome s'achève sur une nouvelle note de mystère, un cliffhanger bien particulier qui ouvre la voie à de nouvelles interrogations. Ah, ça, on s'en pose, des questions, tout au long de ce premier volet, et on a fort envie d'y apporter quelques réponses. Et de comprendre quel est le rôle exact de la plupart des personnages dans cette lutte à fleurets encore mouchetés, mais qui pourrait vite partir en... sucette.
L'imaginaire de Romain Delplancq est riche, plein de vie, de couleurs, de sons, aussi (ah, on aimerait découvrir les musiques qui sortent de l'esprit de Philio !). On imagine le travail des Austrois extrêmement spectaculaires et on voudrait assister à ces spectacles, alliant acteurs vivants et automates. Oui, il y a tout ce qu'il faut pour voyager dans cet univers très original.
Et puis, ces personnages à facettes multiples sont attachants, énigmatiques pour la plupart, et qu'il s'agisse des "gentils" ou des "méchants" (je mets des guillemets, car les limites ne sont pas encore complètement définies, je pense), on a envie de découvrir leurs secrets, peut-être même leur véritable visage.
L'échiquier est dressé, les premières pièces ont été déplacées, il y a eu des mises en échec, des sacrifices et des contre-attaques, mais tout cela n'est encore qu'un prélude. On est face à des parties simultanées, certaines plus avancées que d'autres, et les pièces ignorent encore pour la majorité d'entre elles qui les déplacent et quelle stratégie on veut leur faire suivre.
Deuxième manche dans le deuxième tome, qu'on a très envie de lire une fois la dernière page de ce premier volet tournée. La lutte de pouvoir reprendra, avec des pièges, de nouvelles alliances, des trahisons, des révélations et des personnages qui s'affranchiront de leur rôle de simples pions. Des Dael aux Spadelpietra, en passant par Mical, le pire reste à venir...