Déniché complètement au pif dans les rayons de ma librairie d'occasion favorite, "Poppy et les métamorphoses" s'est révélé être un énorme coup de coeur, un de ceux qui nous font craindre le goût forcément fade de la lecture suivante ...
Tout commence avec la rencontre de Rosie et de Penn, qui donnera lieu à un mariage heureux et à la naissance de quatre garçons (quatre !). Pour sa dernière grossesse, Rosie croise les doigts très fort et espère bien évidement une fille ... et c'est le petit Claude qui naît. Pourtant, celui-ci se distingue dès son plus jeune âge : il demande à porter des robes et ne souhaite rien de plus fort que d'être une princesse ... Voilà Claude qui, dans son corps de garçon, se sent fille. La famille se met à l'appeler Poppy (du nom de la jeune soeur de Rosie, décédée enfant, gloups), et accepte joyeusement l'état des choses. Mais rien ne sera facile pour Poppy-Claude, à commencer par l'école, les amis, l'entourage, bref le regard des autres ... Poppy rejetée, la famille décide de déménager à l'autre bout du pays, et de ne pas révéler "ce que Poppy a dans sa culotte, qui ne regarde personne". Mais comment grandir, et que faire, arrivée à l'âge des métamorphoses adolescentes ?
Le thème de l'enfant transgenre ne m'attirait pas plus que ça, mais quelque chose dans les premières lignes du bouquin me soufflait que j'allais adorer. Et ce fut le cas, j'ai eu un gros coup de coeur pour cette famille un peu barge, pour Poppy et ses robes, mais surtout pour Rosie et Penn. L'écriture de Laurie Frankel est absolument délicieuse et pleine d'humour, malgré le sujet finalement grave des perturbations d'identité chez un enfant, elle réussit, surtout grâce à son couple de parents extraordinaires, à donner une énergie et une vitalité dingue à son récit. Un régal de lecture.
Bourré de passages drôles sur la parentalité (voir mon extrait ci-dessous), qui m'ont beaucoup touchée, le roman est une formidable réflexion sur l'acceptation de soi et des autres, à travers l'histoire de Poppy, que sa famille accepte comme il/elle est, et en est presque "trop positive", comme on le leur reprochera. "Cet enfant na pas assez souffert", dira l’inénarrable Mr Tongo, un excentrique chez qui Penn et Rosie iront chercher conseil :
"- Que peut-on faire pour aider Poppy ?
- Vous? Rien du tout. Vous en avez déjà trop fait. C'est à son tour de passer à l'action. Et elle a déjà commencé en faisant son coming out. C'est la première étape.
- D'accord, ça, c'est fait, concéda-t-elle. Mais bien malgré elle. C'est quoi la deuxième étape?
- La deuxième étape, c'est de se faire rejeter par un bon nombre de personnes et le vivre très mal.
- Ça aussi, c'est fait. Et la troisième étape?
- La troisième étape est plus amusante. La troisième étape, c'est de continuer à avancer.
- Et ça prend combien de temps? demanda Rosie de mauvaise grâce.
- Ça prend toute la vie, répondit M. Tongo, de son air jovial habituel. C'est une bonne chose qu'elle s'y mette tôt."
Les presque 600 pages du roman défilent vite, et je n'avais aucune envie de le terminer. Ce fut mon premier coup de coeur de l'année, et j'ai hâte de commencer l'autre roman de Laurie Frankel, "Adieu ! ou presque", que je me suis offert dans la foulée !
Un régal
"Poppy et les métamorphoses", Laurie Frankel, Fleuves éditions, 569 p., 2017