Richard Wagamese
Traduit de l’anglais par Christine Raguet
Editions Zoé, 2016
Lu en poche, 10/18.
307 pages
Un vrai gros coup de cœur !
J’adore qu’on me raconte des histoires, le soir, au coin du poêle, à la lumière des flammes hautes et vacillantes et aussi à celle indirecte offerte par la lampe (mes yeux ne me permettant pas de lire à la seule lumière du feu). Richard Wagamese m’a raconté une histoire, qui m’a dépaysée, qui m’a emmenée dans les montagnes canadiennes et qui m’a ravie (de la même famille que ravisseur) à mon quotidien banal. Comme si ce roman était fait pour moi. Je venais d’abandonner un certain nombre de livres et là j’ai plongé dedans, et je m’y suis sentie chez moi.
Je remercie Mior, qui un jour, sur facebook (comme quoi les réseaux sociaux ont du bon) a parlé du dernier roman de cet auteur (malheureusement mort en mars 2017), Jeu blanc, avec un tel enthousiasme que je n’ai pu résister à la tentation de m’offrir ce petit livre de poche.
Cet auteur est un écrivain canadien qui appartient à la nation amérindienne ojibwée. Il a un véritable talent de conteur. Il sait aussi décrire la nature, immerger son lecteur au sein de celle-ci, avec une telle puissance qu’on sent les odeurs du sous-bois, qu’on entend la rivière, qu’on vibre au moindre bruit furtif d’animal sauvage, qu’on entend le feu crépiter, qu’on pêche la truite avec une facilité déconcertante.
L’histoire, me direz-vous ?
Un jeune homme de 16 ans accompagne son père mourant et détruit par l’alcool dans les montagnes afin de lui offrir une sépulture de guerrier. Il le connaissait à peine, ayant été élevé par le vieil homme, mais il ne peut se soustraire à cette dernière et seule volonté de l’homme qui l’a engendré.
Avant de mourir, le père lui offrira son histoire.
C’est un livre sombre et lumineux. Frank, au terme de ce cheminement, ne comprendra peut-être pas les actes de son père mais il saura la vérité, celle qui lui a toujours été cachée, parce que les mots ne sont pas toujours faciles à prononcer, parce que les mots parfois restent bloqués dans la gorge, et que l’alcool, illusoire remède, les empêche de sortir, les nimbe dans une brume épaisse.
Richard Wagamese a une écriture variée, sèche et directe dans les dialogues et plus lyrique, plus étoffée, plus imagée dans les descriptions et lorsque le père se livre. J’ai été touchée, coulée.
Et puis j’ai aussi beaucoup aimé la place que l’auteur a faite à l’art de conter, art que possédaient la grand-mère et la mère de Frank, ces moments magiques où plus rien ne compte que les mots, que l’imaginaire.
C’est un livre que j’ai eu de la peine à refermer, j’ai abandonné tout ce que je devais faire pour lui, pour mon plus grand plaisir.