Journal d'une Amish n°3

Le problème avec ce que l'on a tendance à espérer, imaginer et ressasser sans cesse dans notre esprit, c'est que notre imagination à tendance à rendre les choses exceptionnelles, embellies, tellement parfaite ! Et que la réalité, qui a tendance à nous rattraper, remet les choses à plat !

Comme je vous l'ai déjà dit l'idée, d'avoir 16 ans, avait dans mes pensées une odeur de liberté, d'aventure, et bien sûr de Luc... Or j'avais beau avoir 16 ans depuis deux semaines, rien n'avait changé ! Tout le monde me considérait encore comme une enfant ! Ma mère, mon père et même ma grande sœur me donnait toujours des ordres ! Même mes corvées n'avaient pas évolué !

De plus, je m'ennuyais ! En effet l'école s'était terminé pour moi ! Fini les mathématiques, les langues et même l'histoire ! Plus rien de tout cela ! Et malgré le fait que je n'avais jamais vraiment aimé les cours ! En effet, ce n'était pas vraiment mon truc de rester assis à écouter bien sagement, quelqu'un nous parlait de la vie de Georges Washington, ou bien de la géographie de la Californie ! Je n'ai jamais été faites pour ça ! J'avais besoin de bouger, de courir partout et du mal à me sentir concerné par toutes ces connaissances qui me dépassaient complétement ! L'histoire me semblait être une matière inutile ! Ce qui s'était déjà déroulé était du passé ! Et pour vivre au présent inutile de connaître le passé ! A quel moment connaître les dates de naissance et de mort du général Lafayette allait il m'aider dans la vie de tout les jours ?
Et connaître des lieux, des noms de fleuves, d'océan que je ne verrais jamais ! Inutile !
Heureusement j'allais bientôt commencer l'apprentissage de mon futur métier, mais en attendant que quelqu'un se décide à me former. J'étais coincée à la maison à me ronger les freins.

J'en étais à déprimer sur le sens de ma vie seule sur mon lit, entre ma corvée de nettoyage et celle de cuisine, quand ma grande sœur passant, grand sourire, une tête dans ce qui était notre chambre commune s'exclama: "Au fait j'ai oublié de te dire mais ce soir il y a une veillée chez les Hotwood ! Papa et maman sont d'accord pour que tu y ailles mais seulement si je te surveilles ! Dépêche toi je t'attend en bas dans cinq minutes, si t'es pas là je pars sans toi ! ".

A peine avait elle tourner les talons avec un sourire suffisant que je me ruais vers le coin de ma chambre qui m'étais alloué. Je sortis mes maigres possessions, c'est à dire 5 robes dont 1 noire que je ne portai qu'aux grandes occasions et durant la messe, 2 bleus mais avec des trous et des bouts déchirés que j'aurais du repriser il y a longtemps. Ainsi que ma orange de travail et celle que je portais sur moi.
Je restais les bras ballants à contempler le peu de choix que j'avais. Pour la première fois, je me sentis misérable. Mes parents avaient toujours considéré que les possessions terrestres étaient quelque chose de futile, et que nous étions au dessus de ça ! C'était l'avis de nombreux amish également. Seulement dans les plus jeunes, en particulier ceux qui faisaient le Rumspringa, ce n'était pas exactement pareil. Les filles avaient souvent quelques robes un peu plus belle et plus travaillée à se mettre, et les garçons, des chemises plus neuves ! Je n'avais rien de tout cela, et je ne voulais pas ressembler à une souillon pour mon entrée dans cette nouvelle période de ma vie.

Je me rappelais une vieille histoire que j'avais vu une fois quand j'étais toute petite. Je devais avoir 5/6 ans et j'avais échappé à la surveillance de ma mère lors de l'unique fois où j'avais été en ville ! Ma mère devait faire quelques courses et m'avait laissée seule un instant, le temps qu'elle rentre dans la boulangerie pour acheter un beignet. Elle m'avait fait promettre de ne pas bouger. Mais à peine avait elle tourné les talons que poussée par la curiosité, je m'étais aventurée dans les rues, et c'est comme ça que je me suis retrouvée devant une fenêtre, et à l'intérieur une télévision ! Je ne savais pas ce que c'était à cette époque, je n'en avais jamais vu, et j'avais été impressionnée par ses images qui bouger. Ma mère m'avait cherché pendant plus d'une heure, et quand elle m'avait finalement retrouvée, j'étais toujours devant ce poste de télévision, qui diffusait un dessin animé : Cendrillon. Une souillon que sa marraine la fée transformait en princesse d'un coup de baguette magique. Ma mère m'avait bien évidemment grondé mais je m'en fichais, les images que j'avais vu, valait dans mon esprit d'enfant tout l'or du monde. Et longtemps petite, j'avais cru que moi aussi, j'avais une fée pour marraine, qui apparaitrait lors d'une grande occasion. Mais depuis, j'avais bien grandi et je voyais bien aujourd'hui qu'aucune fée ne volerait à mon secours, ce dont j'aurai eu pourtant bien besoin...