Les Loyautés - de Delphine de VIGAN

Les Loyautés - de Delphine de VIGAN genre: roman dramatique aux Editions JC Lattès sorti le 03/01/2018

" J'ai pensé que le gamin était maltraité, j'y ai pensé très vite, peut-être pas les premiers jours mais pas longtemps après la rentrée, c'était quelque chose dans sa façon se tenir, de se soustraire au regard, je connais ça, je connais ça par cœur, une manière de se fondre dans le décor, de se laisser traverser par la lumière. Sauf qu'avec moi, ça ne marche pas."

Théo, enfant du divorce, entraîne son ami Mathis sur des terrains dangereux. Hélène, professeur de collège à l'enfance violentée, s'inquiète pour Théo : serait-il en danger dans sa famille ?

Quant à Cécile, la mère de Mathis, elle voit son équilibre familial vaciller, au moment où elle aurait besoin de soutien pour protéger son fils.

Les loyautés sont autant de liens invisibles qui relient et enchaînent ces quatre personnages.

J'ai attendu ce nouveau roman avec impatience car Delphine de Vigan fait partie de ces auteures qui me chamboulent.

Ici le ton est donné dès la première ligne: "J'ai pensé que le gamin était maltraité[...]". L'auteur nous emmène autour de 4 narrateurs différents, Hélène, la prof, Théo, Mathis et sa mère . Chacun va raconter sa vie, ce qu'il vit, ce qu'il ressent. Les interactions sont fortes, percutantes.

Pas facile la vie d'un enfant de 12 ans et demi, dont les parents séparés ont fait le choix d'une garde alternée. Un conflit parental tellement fort qu'ils ne s'adressent plus la parole depuis des années, préférant faire comme si l'autre n'existait pas. Entre eux, Théo, qui lui aime ses parents, malgré leurs fragilités, leurs défaillances dans sa prise en charge. Ce petit bonhomme, on en a tous croisé un dans sa vie, sauf que là, on va prendre part à sa vie quotidienne et l'enfer que cela revêt pour lui. Malgré tout ce qu'il peut vivre, sa loyauté à ses parents est indéfectible.

De son côté, sa prof Hélène, va le trouver de plus en plus discret, fatigué. Elle va scruter ses comportements, confinant à une certaine obsession. L'auteur nous la dépeint empathique, plongeant dans son propre passé meurtri pour nourrir ses certitudes. On se met facilement à sa place, se disant d'une part qu'elle va trop loin, mais que d'autre part si personne ne soulève ce lièvre qu'elle pressent, qui le fera?

Ensuite nous avons Mathis, le meilleur ami de Théo, compagnon de ses dérives à la limite du tolérable. Ce personnage est très intéressant par le fait qu'il évolue petit à petit. L'amitié qui le lit à Théo ne l'empêchera pas de se poser des questions sur son mal-être, et d'essayer tant bien que mal de l'accompagner pour le borner, pour être là en soutien, pour le cas où. Cette loyauté qui les lie est magnifique.

La mère de Mathis est au prise avec plusieurs démons intérieurs dont le comportement de son fils dernièrement et celui de son mari ne sont que le haut de l'iceberg. Son cheminement est particulier, mais elle devient un personnage incontournable. Femme au foyer, elle va faire sa petite révolution, s'affirmant d'un côté mais terriblement fragile de l'autre. Tout cela est très instable et demande à se confirmer.

Les loyautés sont différentes suivant la personne que l'on suit, mais elles sont le fil rouge de ce récit.

Le bémol que je mettrai à ce livre est la fin qui s'arrête en plein milieu d'une action très importante, laissant le lecteur sur le grill, frustré, dans l'incompréhension totale, se disant qu'il manque un chapitre pour clore le tout. J'ai ragé comme rarement et du coup ce qui devait être un roman coup de cœur est devenu un roman avec un 4/5. Pourquoi avoir pris le parti de terminer de cette manière? L'imagination bat son plein mais n'est pas assouvie. Je m'en désole.