Un livre en 10 ans
Quand j’étais gamine, je rêvais de devenir écrivain, de prendre exemple sur cette femme romanesque qui fut mon modèle longtemps (George Sand). Je lisais beaucoup et apparemment je lisais vite, trop vite. On me reprochait de me gaver de bouquins et de descendre le stock de la bibliothèque plus vite que certains ne tirent au revolver sur leurs ombres.
Je n’avais pas cette impression. J’aimais d’ailleurs qu’on m’achète des livres. Et je garde une tendresse infinie pour ma grand-mère qui m’emmenait dans cette librairie près des remparts du château de Brie-Comte-Robert après le marché.
Si je lisais vite, je ne pouvais pas en faire autant pour l’écriture. Mon premier roman dicté à ma mère dura une semaine et faisait trois pages. Ma tante l’avait imprimé en A4 et elle avait créé une couverture. C’était en 1996, son ordinateur c’était Windows 95.
Pourtant je caressais les trois pages, je jouais à la cliente venant acheter mon propre bouquin, le rangeant dans les étagères. La joie illimitée que j’en ai eu m’a poussait à rêver plus, d’où moins à penser que c’était mon destin.
C’est fou ce que les gosses ne connaissent pas les doutes quand ils jouent à eux-mêmes.
Je continuais à rédiger dans des cahiers des morceaux de roman, mettant des lustres pour écrire une phrase, pour trouver la structure.
Je laissais lire à ma mère qui me corrigeait. À l’époque je prenais très mal les critiques, mais je ne pouvais m’empêcher de donner mes livres à lire.
Mon premier roman, je l’ai écrit à 16 ans. Et c’était une histoire de pirates. J’avais recu un de ces cahiers Paperback, avec la couverture du livre de Charlotte Brontë. À cette époque j’étais un pirate, métaphoriquement s’entend, mais j’allais enfin écrire un livre.
Mon rêve était alors d’écrire un livre, un livre en entier, un vrai livre, publiable et tout le reste.
Le livre n’est pas encore fini, mais il touche à sa fin, lentement, comme si son destin était de faire sur la longueur. Nous allons fêter ses douze ans en mars. Du livre sur papier, il a fallu le mettre sur Word, et il ne lui manque plus que trente pages pour exister vraiment.
Un livre en 2 ans
J’ai écris ensuite trois livres et ces trois livres ont tous pris deux ans. Certes l’écriture avait pris un nouveau rythme. Je suis arrivée en Allemagne, et il y a eu un temps de grand ennui dans l’appartement berlinois.
J’ai nommé ces trois livres la trilogie contemporaine allemande. Il m’était difficile de les lire et encore à l’heure d’aujourd’hui de les corriger. J’ai voulu les rendre si littéraires qu’ils en sont devenus lourds. Pourtant nécessaires, j’ai énormément appris à libérer mon style.
Un livre en 6 mois
J’ai voulu passer à la vitesse supérieure. Et cela s’est fait sans mon consentement. J’étais en vérité très affaiblie par le succès de Karl. J’avais eu le besoin de m’isoler.
J’ai donc écrit dans la foulée 15 pages en quelques heures. L’histoire me coulait des doigts. Il s’agissait d’un homme banal qui partait à la découverte des Dieux.
J’ai eu plus de mal à m’y remettre ensuite. Mais j’essayais de pondre cinq pages par semaines, parfois moins. J’avais néanmoins déjà décidé de le finir en moins d’un an sans me fixer de date de fin exacte, plutôt approximative.
Je voulais m’apprendre, moi et ma facon d’écrire. Finalement ce livre est assez drôle et plein de fantaisie, d’instinct aussi.
Un livre en 7 jours
Ca m’est venu comme ca, au milieu du restaurant indien d’une artère berlinoise en vacances. Je disais à Karl que ce serait bien de faire des notes sur les récits oubliés de mes beaux-parents, sur leurs histoires de guerre et surtout sur l’Allemagne en général. Mais je n’avais pas envie de me lancer dans un livre périlleux d’un an, surtout que j’avais cinq livres en attente soit de relecture soit d’écriture.
Ne pas penser. Voilà ce qui m’a poussé à écrire un livre en 7 jours et pour cela il faut se faire un plan.
Originellement, ce livre m’est venu comme une évidence. J’avais eu une passion pour la RDA et j’avais la chance d’écouter mes beaux-parents en parler à table, de ce qu’ils avaient vécu.
7 Jours = 70 pages, soit 10 pages/jour, ce qui me semblait possible à condition que j’aie une idée du livre que je veux écrire. Pour cela j’ai du renoncer à tous les jeux d’ego, « de moi qui est exceptionnelle » et à toutes les tentatives de style. J’allais écrire comme je parlais, sans me poser des questions sur la qualité du texte.
J’ai commencé le 3 janvier 2018, et je devrais finir aujourd’hui. Seulement il me manque une dizaine de pages. Au final j’ai tenu mon pari à un jour prêt.
Me sentir stressée pour tenir mon pari a été une expérience nécessaire et vraiment enrichissante. J’étais concentrée, pour la première fois de ma vie, j’étais mon propre moteur, sans attendre qu’un chef me pousse à remplir mes objectifs.
Et, j’ai réussi parce que je voulais atteindre quelque chose qui me tenait à coeur. À aucun moment je ne me suis forcée à m’asseoir sur une chaise, au contraire, j’avais envie, je n’avais que ca en tête, écrire 10 pages aujourd’hui pour tenir les délais.
Comment est-ce que c’est possible ?
Je suis une grande débordée, faignante, lascive et chaotique. Mais j’ai voulu toujours écrire des livres finis. Et je n’ai JAMAIS cessé d’écrire, même quand on m’a découragé et même quand je m’étais sabotée.
J’ai écrit de la merde en voulant me prendre pour une grande écrivain. Et pourtant, en m’exercant, j’ai pris en fluidité et en assurance.
Je savais donc que j’étais capable d’écrire 10 pages par jour sans y passer la journée. J’ai utilisé une partie de mes vacances à cet exercice et il m’est apparu plus compliqué de tenir le cap pendant le boulot. 8h d’affilé avec un chef qui te stresse pour finir ce texte sur l’assurance Machin de 1000 mots rendent le pari plus difficile. Mais on tient.
- Le premier point est que j’ai de l’expérience dans l’écriture ce qui me semble plus simple aujourd’hui. Je connais les questions et les doutes qui se posent au milieu de la page et je sais les renvoyer là d’où ils viennent, de nulle part. Je sais qu’il ne faut pas écouter les pensées négatives. Mais ca va aussi au-delà. Je sais ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne. Disons que j’ai l’expérience et que l’écriture coule.
- Le deuxième point est l’organisation et il faut s’imposer cette organisation. Je travaille 4 ou 5h et ensuite je suis libre. Je fais des courtes pauses détente pour relaxer mon dos qui me tire. Et je m’y remets avec la promesse d’un bain chaud. Je me fixe des objectifs à la journée. Surtout que je sais que c’est un marathon sur sept ou huit jours, ensuite je pourrais tirer le frein et me reposer comme le guerrier après le combat.
- Et le troisième point est de ne pas se poser de questions, mais d’écrire ce qui te viens en tête, comme si tu racontais en live une belle histoire à un camarade. Je me suis juré de ne pas relire le texte avant de l’avoir fini.
Maintenant vient le moment de la correction et de la couverture. Et là encore il va falloir s’organiser. Je pense le faire ce week-end entre deux et quatre jours jours. J’ai hâte.
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