J'ai découvert Sophie Bassignac il y a un peu plus d'un an, avec Séduire Isabelle A., un roman familial cocasse et décalé. Je la retrouve donc avec plaisir avec son dernier roman, La distance de courtoisie.
Libres pensées...
Etienne Bellamy est un homme dont on pourrait croire qu’il a raté sa vie. Sa femme, Sylvana, l’a rejeté, il souffre depuis d’une dépression dont sa psy, Judith Hoffmann, peine à le tirer, et a échoué dans un musée de province, où il travaille auprès de l’inépuisable et moquée Adélaïde Ozenfant. Lors d’une exposition attendue autour de l’article Albrecht, Etienne fait la connaissance d’Héloïse Gassien, comédienne à succès, qui lui propose de le revoir. Mais, à l’issue de l’événement, une toile est déclarée volée, et les soupçons de Canari, l’inspecteur de police local, se portent rapidement sur Etienne.
La distance de courtoisie est plaisant pour la prose humoristique reconnaissable de son auteur, déjà éprouvée dans ses précédents romans, qui rend l’intrigue et les personnages pétillants.
De fait, les nombreux personnages forment une galerie de portraits distrayants, aux traits parfois un peu excessifs mais qui garantissent de ne pas s’ennuyer. L’auteur excelle en effet à brosser des portraits caustiques de figures colorées et imparfaites, les petits défauts étant bien entendu mis en exergue avec panache. Le personnage d’Etienne est finalement le plus difficile à saisir, et peut agacer, tant il semble être victime de tout ce qui lui arrive, et ne parvient pas à prendre les choses en main.
On peut d'ailleurs se perdre parfois dans les circonvolutions autour de ce personnage, entre ses séances auprès de sa psychologue et les pensées qui le taraudent quant à ce qu’il doit faire – il semble, pour finir, se complaire dans une certaine inertie. Passée la première moitié du livre, la résolution tarde à venir.
J'ai en effet déploré un manque de rythme dans le récit, contrebalancé heureusement par l’écriture ironique, corrosive à souhait, qui présente à mon sens l’atout principal du livre, et nous rend le moindre personnage intéressant et attachant, à sa manière.
En fin de compte, l’histoire de La distance de courtoisie est finalement assez secondaire, en dépit des efforts de l’auteur pour nous maintenir en haleine quant à l’identité du voleur de tableaux. Le roman consiste surtout en des chroniques d’un microcosme social formé pour partie des personnes travaillant au musée, et pour partie des personnes qui gravitent autour d’Etienne – Héloïse, Sylvana, et les habitants de la ville, parmi lesquels Ivan ou encore la baronne.
Pour vous si...
Morceaux choisis
"Ses douze années de vie commune avec Sylvana avaient la noblesse respectable d'une oeuvre d'art. Les artistes sont des salauds, murmura-t-il à son reflet. Ils ont la même conscience de classe que les grands bourgeois et ils jouissent du privilège rare de transformer leur désespoir en or, se dit-il tout en plaquant un épi rebelle planté comme une idée fixe au sommet de son crâne."
"A cause de lui, elle ne s'aimait plus beaucoup et il fallait bien admettre que jouer les intellectuelles frondeuses n'était décidément pas dans sa nature. Adélaïde était une sensuelle qui rêvait qu'on l'aime pour son corps. Son aventure avec le maire avait restauré son orgueil malmené ainsi qu'une certaine lucidité."
"Héloïse s'était réveillée fataliste avec le pressentiment très fort que son histoire avec Etienne Bellamy était vouée à l'échec. Son coming out auprès de l'inspecteur avait été comme un dernier geste avant de disparaître de sa vie. Le voir assis face à elle dans l'intimité de sa loge remettait tout en question et elle constata qu'elle était toujours aussi attirée par cet homme plus décevant que tous ceux qu'elle avait connus."
"La vieillesse est un crime commis par les autres. Ils nous l'imposent alors que nous ne devrions jamais y penser. La vieillesse est un cliché et je ne veux pas en entendre parler. Si je te dis que je n'aimerai plus, ce n'est pas parce que Luzia a emporté ma jeunesse mais parce que l'amour est rare, tout simplement. On ne tombe pas amoureux tous les jours, Etienne. Deux ou trois fois dans une vie quand on a beaucoup de chance."
Note finale3/5(cool)
Libres pensées...
Etienne Bellamy est un homme dont on pourrait croire qu’il a raté sa vie. Sa femme, Sylvana, l’a rejeté, il souffre depuis d’une dépression dont sa psy, Judith Hoffmann, peine à le tirer, et a échoué dans un musée de province, où il travaille auprès de l’inépuisable et moquée Adélaïde Ozenfant. Lors d’une exposition attendue autour de l’article Albrecht, Etienne fait la connaissance d’Héloïse Gassien, comédienne à succès, qui lui propose de le revoir. Mais, à l’issue de l’événement, une toile est déclarée volée, et les soupçons de Canari, l’inspecteur de police local, se portent rapidement sur Etienne.
La distance de courtoisie est plaisant pour la prose humoristique reconnaissable de son auteur, déjà éprouvée dans ses précédents romans, qui rend l’intrigue et les personnages pétillants.
De fait, les nombreux personnages forment une galerie de portraits distrayants, aux traits parfois un peu excessifs mais qui garantissent de ne pas s’ennuyer. L’auteur excelle en effet à brosser des portraits caustiques de figures colorées et imparfaites, les petits défauts étant bien entendu mis en exergue avec panache. Le personnage d’Etienne est finalement le plus difficile à saisir, et peut agacer, tant il semble être victime de tout ce qui lui arrive, et ne parvient pas à prendre les choses en main.
On peut d'ailleurs se perdre parfois dans les circonvolutions autour de ce personnage, entre ses séances auprès de sa psychologue et les pensées qui le taraudent quant à ce qu’il doit faire – il semble, pour finir, se complaire dans une certaine inertie. Passée la première moitié du livre, la résolution tarde à venir.
J'ai en effet déploré un manque de rythme dans le récit, contrebalancé heureusement par l’écriture ironique, corrosive à souhait, qui présente à mon sens l’atout principal du livre, et nous rend le moindre personnage intéressant et attachant, à sa manière.
En fin de compte, l’histoire de La distance de courtoisie est finalement assez secondaire, en dépit des efforts de l’auteur pour nous maintenir en haleine quant à l’identité du voleur de tableaux. Le roman consiste surtout en des chroniques d’un microcosme social formé pour partie des personnes travaillant au musée, et pour partie des personnes qui gravitent autour d’Etienne – Héloïse, Sylvana, et les habitants de la ville, parmi lesquels Ivan ou encore la baronne.
Pour vous si...
- Vous êtes un adepte de la prose de Sophie Bassignac ;
- Vous aimez les intrigues portés par des personnages excentriques.
Morceaux choisis
"Ses douze années de vie commune avec Sylvana avaient la noblesse respectable d'une oeuvre d'art. Les artistes sont des salauds, murmura-t-il à son reflet. Ils ont la même conscience de classe que les grands bourgeois et ils jouissent du privilège rare de transformer leur désespoir en or, se dit-il tout en plaquant un épi rebelle planté comme une idée fixe au sommet de son crâne."
"A cause de lui, elle ne s'aimait plus beaucoup et il fallait bien admettre que jouer les intellectuelles frondeuses n'était décidément pas dans sa nature. Adélaïde était une sensuelle qui rêvait qu'on l'aime pour son corps. Son aventure avec le maire avait restauré son orgueil malmené ainsi qu'une certaine lucidité."
"Héloïse s'était réveillée fataliste avec le pressentiment très fort que son histoire avec Etienne Bellamy était vouée à l'échec. Son coming out auprès de l'inspecteur avait été comme un dernier geste avant de disparaître de sa vie. Le voir assis face à elle dans l'intimité de sa loge remettait tout en question et elle constata qu'elle était toujours aussi attirée par cet homme plus décevant que tous ceux qu'elle avait connus."
"La vieillesse est un crime commis par les autres. Ils nous l'imposent alors que nous ne devrions jamais y penser. La vieillesse est un cliché et je ne veux pas en entendre parler. Si je te dis que je n'aimerai plus, ce n'est pas parce que Luzia a emporté ma jeunesse mais parce que l'amour est rare, tout simplement. On ne tombe pas amoureux tous les jours, Etienne. Deux ou trois fois dans une vie quand on a beaucoup de chance."
Note finale3/5(cool)