Des poches dans la poche · février 2018
Par Marie-Claude Rioux
De nouvelles tentations paraissent en format poche en ce mois frisquet! Voici celles que j’ai repérées.
dans la catégorie lu et approuvé
L'APPRENTISAGE DE DUDDY KRAVITZ – MORDECAI RICHLER – POINTS
Le roman met en scène la figure inoubliable de Duddy, garçon juif qui a grandi à Montréal pendant la guerre, entre les boutiques minables et les terrains vagues de la rue Saint-Urbain, mais qui voit grand pour son avenir. Afin d’échapper à la pauvreté de ses origines, Duddy multiplie les entreprises plus ou moins bancales: il travaille dans un hôtel de luxe, il lance une compagnie de production qui filme les mariages et les bar-mitsvas de la communauté. Mais, surtout, il achète des terrains à Sainte-Agathe, dans les Laurentides, parce que son grand-père, Simcha, lui a toujours répété qu’un homme qui ne possédait pas de terres n’était personne. Grâce à Yvette, la jeune Canadienne française qui l’aime et qui le soutient dans ses entreprises, Duddy voit la réussite lui sourire, jusqu’au jour où son ambition l’amène à commettre l’irréparable.
LA FAIM BLANCHE – AKI OLLIKAINEN – 10-18Hiver 1867, la famine frappe la Finlande. Marja abandonne ferme et mari avec Mataleena et Juho, ses deux enfants, pour tenter de rejoindre Saint-Pétersbourg et ses promesses de vivres. Mais la route est longue jusqu’à la capitale de l’Empire russe et nombreux sont ceux qui, poussés par la faim, se dirigent vers le sud. Le froid mordant, la fatigue et la peur tentent d’avoir raison de l’humanité de ceux qui se battent pour leur survie, réduits à des spectres faméliques parmi les ombres. Alors que partager revient à se condamner, Marja mendie et se prive pour nourrir ses enfants. La limite qui séparait les morts des vivants s’amenuise à mesure que les affamés progressent au coeur de l’implacable hiver.
LES FURIES – LAUREN GROFF – POINTSIls se rencontrent à l’université. Ils se marient très vite. Nous sommes en 1991. À vingt-deux ans, Lotto et Mathilde sont beaux, séduisants, follement amoureux, et semblent promis à un avenir radieux. Dix ans plus tard, Lotto est devenu un dramaturge au succès planétaire, et Mathilde, dans l’ombre, l’a toujours soutenu. Le couple qu’ils forment est l’image-type d’un partenariat réussi. Mais les histoires d’amour parfaites cachent souvent des secrets qu’il vaudrait mieux taire. Au terme de ce roman, la véritable raison d’être de ce couple sans accrocs réserve bien des surprises.
dans la catégorie le grand format m'attend
CET ÉTÉ-LÀ – LEE MARTIN – 10-18Ce soir-là, dans une petite ville de l’Indiana où tous se connaissent, Katie Mackey, neuf ans, est partie rendre ses livres à la bibliothèque. Elle n’en est jamais revenue. On n’a retrouvé que son vélo. Trente ans plus tard, quatre voix s’élèvent pour raconter. Tous se confessent, car tous ont quelque chose à se reprocher. Gilley, le frère de Katie; Raymond R., l’homme qui a été fortement soupçonné du kidnapping; Claire, sa femme, tellement reconnaissante que Raymond l’ait choisie et l’ait empêchée de finir ses jours seule. Et le gentil M. Henry Dees, singulier professeur de mathématiques qui vouait à Katie une adoration trouble.dans la catégorie je suis tentée
LA MORT DU PETIT COEUR – DANIEL WOODRELL – RIVAGES POCHESShuggie Atkins est un adolescent solitaire et obèse. Sa mère l’appelle son «petit coeur». Son père le traite de «gros lard» et le force à s’introduire au domicile de grands malades pour y voler les «drogues» qui leur sont prescrites. Shuggie accepte, pour l’amour de cette mère qui ne cesse de le provoquer sexuellement sans avoir l’air de s’en rendre compte. Tout cela est supportable jusqu’au jour où Jimmy Vin Pearce, un grand et bel homme, surgit dans le paysage au volant d'une magnifique T-Bird La Mort du petit coeur a pour cadre les Ozark, la région de prédilection de Woodrell. L’action se déroule non loin du quartier délabré de La fille aux cheveux rouge tomate. On retrouve ici encore de pauvres Blancs incarnant l’impasse de la condition humaine la plus pitoyable. Ce que l’on retrouve aussi, c’est le ton inimitable de Woodrell qui fait passer dans ce récit le souffle d'une émotion non dénuée d’humour.
UN SINGULIER GARÇON – KATE SUMMERSCALE – 10-18
Juillet 1895. Nathaniel et Robert Coombes, deux frères âgés de douze et treize ans, se retrouvent seuls pendant dix jours. Leur père est en mer et, selon leurs dires, leur mère est à Liverpool. Les voisins commencent à s’interroger sur cette absence prolongée, tandis qu’une odeur pestilentielle envahit la rue. La police se rend sur les lieux et découvre, à l’étage de la maison, le corps en décomposition de Madame Coombes. Interpellé, Robert admet l’avoir tuée à coups de couteau. Des années plus tard, libéré pour bonne conduite, il fait partie des contingents d’anciens prisonniers envoyés en Australie. Loin du matricide et de la prison, Robert change de vie: il intègre l’armée et revient en héros. Auprès des siens, en Australie, il mène désormais la vie d’un homme bien.
SALE BOULOT – LARRY BROWN – TOTEM GALLMEISTERBraiden Chaney n’a plus ni jambes ni bras. Walter James, lui, n’a plus de visage. Ils les ont tous les deux été mutilés au Vietnam. L’un est noir, l’autre est blanc. Vingt-deux ans plus tard, ils se retrouvent dans la même chambre d’un hôpital pour vétérans dans le Mississippi. Au fil d’une très longue nuit, ils se racontent ce qu’ils étaient, ce qu’ils sont devenus, ce qu’ils pourraient devenir et, surtout, ce qu’ils attendent l’un de l’autre. En une nuit, tout est dit sur la guerre – seul lien entre ces deux hommes que tout oppose – et ce qu’elle fait subir aux soldats. En une nuit, tout est dit sur la souffrance, sur la mort et la compassion.
ÉLASTIQUE NÈGRE – STÉPHANE PAIR – 10-18
«Elle est nue et blanche la morte.» De peur qu’elle ne l’agrippe et l’embarque sous les racines de la mangrove avec elle, le petit Jimmy ne s’en approche pas. Le lieutenant Gardé, lui, mène son enquête. Habitué à faire parler les silences, il déroule les destins mêlés des habitants de l’île, du petit dealer qui se rêve en roi des Caraïbes, jusqu’au vieux pêcheur de crabes au coeur abîmé, sans oublier la soeur de Jimmy, qui conjure le pire avec des contes-prières. Alors que s’annonce le déluge, entre rhum, cyclones et fumeries de crack, Gardé réveille la bestialité qui gangrène l’âme des hommes.
LA CHAIR– ROSA MONTERO – POINTS
Pas facile d’accepter son âge quand on a soixante ans, qu’on vit seule et que votre amant vous quitte pour faire un enfant avec sa jeune épouse. Soledad engage donc un gigolo de trente ans pour l’accompagner à l’opéra et rendre jaloux le futur père. Mais à la sortie, un événement inattendu et violent bouleverse la situation et marque le début d’une relation trouble, volcanique et peut-être dangereuse. Soledad se rebelle contre le destin avec rage et désespoir, avec humour aussi, et le récit de son aventure se mêle aux histoires des écrivains maudits de l’exposition qu’elle prépare pour la Bibliothèque nationale. La chair est un roman audacieux et plein de surprises, l’un des plus subtils et personnels de l’auteur. Son intrigue touchante nous parle du passage du temps, de la peur de la mort, de l’échec et de l’espoir, du besoin d’aimer et de l’heureuse tyrannie du sexe, de la vie comme un épisode fugace au cours duquel il faut dévorer ou être dévoré. Le tout dans un style allègrement lucide, cruel et d’une ironie vivifiante.
Des tentations parmi ces titres?