Montréal, début du 20esiècle. Une jeune fille de douze ans se présente à l’hôpital de la Miséricorde, enceinte jusqu’au cou. Elle accouche d’un petit garçon mal en point, qui survit miraculeusement. Peu de temps après, une adolescente implore une voisine (malveillante, mais ça, elle ne le sait pas) de trouver une bonne famille à son nourrisson. Le poupon, abandonné dans la neige sous un arbre du parc du Mont-Royal, sera sauvé de justesse et amené à l’orphelinat.
Pierrot devient un pianiste exceptionnel, tandis que Rose enchante par ses mouvements de danse. Grâce à leurs talents d’amuseurs, ils vont se produire dans les salons bourgeois de la ville. Les deux orphelins se promettent de devenir riches et célèbres. Mais la réalité en décidera autrement…
La Grande Dépression frappe. Les deux adolescents quittent l’orphelinat et sont du même coup séparés. Pierrot devient le protégé d’Albert Irving, un bourgeois excentrique et solitaire, tandis que Rose est embauchée comme nounou par McMahon, un puissant propriétaire de bordels. Les revers de fortune les frappent. Rose devient la maîtresse de McMahon jusqu’à ce qu’elle le quitte. Elle obtient un rôle dans les films porno. Pour Pierrot, ça va de mal en pis: il vit avec une prostituée et devient accro à l'héroïne.Quand Rose et Pierrot se retrouvent enfin, ils tentent de réaliser leurs rêves de gloire et de fortune. Reste à savoir si la bonne fortune leur sourira enfin...· · · · · · · · ·C’est avec La ballade de Baby que j’ai découvert Heather O’Neill. Si cela n’avait été de la très mauvaise traduction, c’aurait été un gros coup de coeur. Les Éditions Alto ont eu l’excellente initiative de traduire trois livres de l’auteure canadienne-anglaise. Après la parution du recueil de nouvelles La vie rêvée des grille-pain, au tour de Hôtel Lonely Hearts.L’intrigue de Hôtel Lonely Hearts est merveilleusement bien ficelée. Alors que je m’attendais à une histoire empreinte de tristesse et de misère, j’y ai en plus trouvé de l’enchantement et de la légèreté. Bien que le roman regorge de scènes à faire pleurer un dur à cuire, O’Neill garde un sens de la fantaisie en filtrant les scènes horribles à travers des envolées d’espièglerie. L’atmosphère qui se dégage du roman est envoûtante. Mais ce qui rend la lecture du roman si addictive, c’est le style de l’auteure; ses descriptions, ses métaphores, ses apartés, ses comparaisons et petites anecdotes sont tout simplement grisantes. J’ai trouvé la brochette de personnages – religieuses prédatrices, philanthropes, prostituées, clowns… – pittoresque et fascinante.Malgré leur caractère bien étoffé, les personnages principaux dégagent une certaine froideur. J’ai été incapable d’éprouver empathie et sympathie. Les personnages secondaires, surtout les personnages masculins, sont plus esquissés qu'approfondis. Heather O’Neill excelle dans le monde de l’enfance. Les chapitres sur les années d’orphelinat sont parmi ceux qui m’ont le plus intéressée. Mon intérêt a commencé à s’émoussé lorsque Pierrot et Rose se sont enfin retrouvés.
L’abracadabrant de certaines scènes m’a par moment un peu déroutée. J’ai l’impression qu’O’Neill a enfoncé le bouchon de certaines coïncidences un peu trop loin, malmenant la vraisemblance. Si le fil blanc dépassait par moment, ce n’était cependant pas suffisant pour gâcher le portrait d’ensemble.
Ne reste plus qu’à attendre la traduction de The Girl Who Was Saturday Night
Hôtel Lonely Hearts, Heather O’Neill, trad. Dominique Fortier, Alto, 540 pages, 2018.★★★★★© Richard Tuschman