Comment sortir de l’épreuve de la page blanche ?

Par Laure Zehnacker

Il y a des moments, des journées et des semaines où tu n’arrives plus à retrouver le milieu. Ta vie ressemble à un dédale d’idées et d’heures insoumises. Le regard perdu au-dessus de ton écran d’ordinateur, pourvu que tu ne retombes pas sur tes pages Word blanches, tu contemples le mouvement fugace des gens qui passent au feu vert.

Tu t’es voulu écrivain et tu frôles la dépression, le mythe de la page vide tu viens de te la prendre en pleine face.

Tu ne sais pas si Jacqueline va vraiment tomber amoureuse de Paul, et comment décrire mielleusement leur relation naissance. Et puis tu n’es même pas sûr du personnage de Jacqueline. Tu ne vois rien, le trou total, Pierre, Paul et Jacques perdu à l’intérieur de cavités sans fond, ta motivation.

Comment s’en sortir sans que les câbles du cerveau ne prennent feu à force d’inaction ?

L’organisation, la discipline. Ce qui semble contraire à l’image de l’artiste inspiré penché sur son œuvre, est pourtant le plus essentiel dans sa relation avec la muse.

S’organiser et y mettre de la discipline, voilà ce que beaucoup d’artistes rapportent. L’inspiration ne jouant un rôle que de 10% (parfois moins) dans la création d’un livre, d’une toile, d’une musique et d’un film.

Le trio infernal : Le travail, la vision, et la muse

La muse peut être à la fois une personne, la jolie petite blonde du coin de la rue Ménard, celle qui sourit à chaque fois que tu passes. Ou le professeur de maths qui te donnerait presque goût à la geek attitude.

Pour d’autres la muse peut être verte ou rouge. Je parle évidemment d’alcool et de weed, ou autres cocktails interdits. Même si au début, ça te semble fonctionner, tu vas déchanter très vite au moment où tu te relieras. (J’ai voulu dire quoi là ?). Bukowski, grand admirateur de tout ce qui sent l’alcool, décrit cette période d’emphase face à la machine à écrire, à relire ses notes de la veille. Et puis vint le moment où ces notes qui semblaient hier encore géniales, se retrouvent à la poubelle.

La vision, ce moment où d’un coup une image se dessine, les premiers balbutiements d’un texte s’inscrivent dans une harmonie fluide. Oui cette vision, où tu sais que Jacqueline tombera amoureuse de Paul. Tu vois New York s’enflammer devant un baiser mémorable.

Et puis, après la vision, ce court espoir que l’inspiration promet en passant sur ton épaule, laisse place à un vide immense, celui qu’on contemple depuis le dernier étage de l’Empire State. Le vide. Et puis plus rien.

Le baiser devient fumeux, tu n’es jamais allé à New York, et tu viens de te faire larguer, donc pour l’histoire d’amour, on repassera.

Ce qui fait d’un artiste ce qu’il est, c’est d’abord sa volonté à le croire. L’artiste n’est pas simplement un brouillon mêlant inspiration et vision, il est aussi le fruit d’un long labeur, car ce qui fait l’artiste, c’est le résultat.

L’artiste occupe donc son temps avec la notion de travail. Un artiste est d’abord un travailleur acharné qui cherche à réaliser sa vision.

Lâcher du leste sur le labeur

Pour remédier à ta page blanche, il suffit soit

  • D’aller faire un tour, d’aller te dégourdir les jambes
  • De ne pas chercher à écrire en prose, mais écrire sur le moment tel que tu le ressens
  • De t’atteler à un autre atelier d’écriture (écrire une nouvelle, un souvenir, une émotion, une fable)
  • De lire (surtout les classiques me donnent de l’inspiration) ou de regarder un film dans la même fibre
  • De regarder une vidéo sur le succès des autres, sur des interviews d’auteurs qui évoquent le processus d’écriture.

Un auteur célèbre dont j’ai oublié le nom, avait donné ce conseil : « Quand tu cherches depuis plusieurs minutes des synonymes à pluie et qu’aucun ne te vient à l’esprit, alors le mot pluie est sans doute celui qu’il te faut ».

Écrire comme ça vient, sans chercher à faire des phrases compliquées ou pseudo-intellectuelles, mais décris-les comme tu les vois, les ressents. Il ne faut pas oublier que tous les bouquins passeront par une phase de corrections.

Avoir le fameux carnet rouge de l’écrivain dans sa poche

Pour les belles phrases venant d’un coup, soufflées par le vin dans le creux de votre oreille lors d’une promenade au milieu des fontaines de Versailles, munis-toi d’un petit carnet personnel. Tu pourras écrire dessus tout ce qui te passe par la tête, une jolie tournure, une douce métaphore, une blague, une situation incongrue.

Organise ton temps

Rien ne sert de courir, comme disait la Tortue, il faut arriver à point. Rien ne sert donc de glander huit heures par jour sur ton PC ou ta machine à écrire, organise-toi un temps d’écriture de quatre heures à 30 minutes par jour, avec des pauses même de dix minutes quand ton dos tire. Et fixe-toi un objectif écrit (c’est important de l’écrire quelque part, c’est un peu comme une promesse formulée avec toi-même, un contrat, tu le remplieras plus instinctivement que si tu fais des promesses à l’oral).  Cet objectif peut être :

  • Un objectif à la semaine ou au mois (écrire tant de pages en tant de temps)
  • Un objectif à l’année (écriture, relecture, publication)
  • Un objectif tiers (salon du livre, avoir une PAL, se rendre à des séminaires, s’entourer de gens ayant les mêmes objectifs)
  • Un objectif à part (voyager dans tel pays, sortir ce weekend end et pas l’autre, aller visiter cette expo)

Ainsi le temps pour chaque activité sera réparti de telle sorte à ce que tu puisses te mettre à l’écriture en toute sérénité, ou avec le feu au cul parce que tu n’as pas le temps de penser métaphore à gogo mais d’écrire une histoire.

Le mot de la fin, tu es avant tout un raconteur d’histoire

Les plus belles histoires sont celles qu’on te raconte. Même les rumeurs sont fascinantes et pourtant elles ne sont pas mises en forme. Beaucoup de romans connaissent des succès fous alors qu’ils ne font appel à aucune figure de style, sans style et pourtant tellement prenant.

Être un raconteur d’histoire, cette image te rappelles sans doute Monsieur Castor devant sa cheminée à lire des livres pour enfants.

Je te conseille d’écrire une histoire comme elle te passe la tête, en faisant un plan de l’histoire (savoir quel est le début et la fin suffit). De plus un texte de 80 pages en format A4 fait une fois en format de poche, 130 pages, donc pas la peine de se lancer dans une grande épopée fantastique.

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