Bonjour, bonjour !
Il y a quelques mois, je vous parlais des peurs de l’écrivain dans mon article sur l’écriture et le manque de confiance en soi, et j’évoquais, entre autres, certaines de mes peurs : celles de l’échec et son contraire, celle de la réussite. Après avoir de nouveau été confrontée à cela avec un de mes derniers projets, j’ai eu envie de faire un article plus personnel pour en parler plus en profondeur. En parler ouvertement, c’est aussi peut-être ma manière de surmonter ces peurs et d’enfin finir un de mes projets…
Voilà de longs mois que je planche sur un projet, tout va pour le mieux, j’avance bien, je sais que c’est bientôt fini, et là, c’est le drame. La page blanche, le trou, il ne reste que 20 % du roman à écrire, c’est la dernière ligne droite et pas moyen de parvenir à écrire ces derniers mots. Rien. Malgré ça, le plan est fait, je sais tout ce qu’il se passe, mais rien à faire, ça ne vient pas. À la place, je vais avoir une nouvelle idée de projet qui va me prendre à la gorge et je ne vais pas pouvoir faire autre chose que de commencer à le travailler.
Pourquoi est-ce que j’en parle aujourd’hui ? Parce que je me suis encore une fois laissée avoir. Il ne me restait que sensiblement 30 k mots à écrire et j’ai été incapable de continuer, complètement bloquée presque jusqu’à m’en faire faire une espèce de crise d’angoisse étrange parce que j’étais incapable de taper les mots suivants sur mon clavier, malgré le plan complet écrit, malgré les encouragements. Rien à faire, tout ce que j’écrivais était automatiquement supprimé à cause de cette petite voix dans ma tête qui me hurlait que ce que je faisais était bon pour la poubelle, comme tout le projet pour lequel je m’étais autant enthousiasmé. À la place, comme sortie de nulle part un nouveau projet va voir le jour, et comme toujours lorsque j’ai un nouveau projet en tête, j’ai besoin de mettre tout mon univers en place pour éviter de l’oublier et forcément, je vais commencer à écrire, pour voir ce que ça peut donner. Un schéma répétitif donc, qui m’a conduit, encore aujourd’hui à mettre de côté un projet presque terminé pour en commencer un autre.
Si je devais analyser ce problème plus en profondeur, je dirais que cela découle de plusieurs choses bien distinctives :
- Déjà, le manque de confiance en moi : je ne vais pas mentir, c’est peut-être une des choses qui me porte le plus préjudice. J’ai beau faire tous les efforts du monde, j’ai toujours l’impression que ce que je fais est absolument : NUL À CH**R. Voilà.
- Ce manque de confiance est exacerbé par un perfectionnisme à toute épreuve. Ce qui, lorsque je relis ou même fait mes recherches, me pousse à toujours aller plus loin, chercher la petite bête, trouver le détail qui pourrait tout changer, et lorsque je n’y arrive pas, je reviens au même constant que celui du dessus : c’est d’une inimaginable et consternante nullité (merci Françoise Hardy).
- Puis vient la peur de l’échec et de réussir. Et c’est cette dernière qui me plonge, à chaque fin de roman dans un vaste trou noir où mes idées semblent s’enfuir sur leurs petites jambes dodues, telles des poules courant dans tous les sens pour ne pas qu’on les attrape. Et me voilà, seule, la tête posée sur mon bureau, le traitement de texte désespérément ouvert sur la même page blanche depuis deux jours, à noyer mon chagrin dans un café noir et sans sucre.
- Enfin, place à la peur de l’inconnu : c’est le pompon sur la Garonne, la cerise sur le saucisson, l’oeil dans la soupe, le bug dans la Matrice… Bref, vous avez saisit le concept : comment faire si je ne suis pas capable de maîtriser ce qu’il va se passer par la suite, et si je n’étais pas à la hauteur ? A ce stade-là, c’est le drame.
L’échec ou la réussite ?
On connaît surtout sa sœur, la peur de l’échec : un blocage qui nous paralyse complètement, on parle généralement d’une montée d’anxiété négative qui va empêcher notre esprit de fonctionner correctement, qui nous amène bien souvent à repousser de nous-mêmes certaines tâches, cela peut parfois mener à la procrastination (je ne parle pas de flemme, mais bien du syndrome dans sa forme la plus difficile à vaincre, celle où il faut nous y prendre à plusieurs fois, parfois pendant plusieurs jours afin de réaliser une tâche très simple comme passer un coup de téléphone ou signer un papier), etc. Tout ça parce qu’on se met des barrières nous même, le manque de confiance en nous étant le moteur principal des questions qui nous bloquent, à savoir : « et si je n’étais pas à la hauteur » ; « et si ce n’était pas un peu trop ambitieux pour moi » ; « et si j’étais nul.le » : « et si… et si… ».
Bien sûr, je pourrais me dire que mon blocage n’est dû qu’à une simple peur de l’échec, mais ce n’est pas aussi simple. Étant donné que je n’écris pas forcément pour les autres ou pour être publiée, mais bien avant tout pour moi, cela n’a aucun intérêt d’avoir peur d’un échec qui ne risque pas d’arriver. La critique, les avis ne me dérangent pas, tant qu’ils sont argumentés, en partant de ce principe-là, je n’ai pas peur d’échouer. Je pars en effet du principe que pour réussir, il faut déjà avoir échoué. (J’avoue cet état d’esprit, je ne l’ai que pour l’écriture, pour le reste, la peur de l’échec reste une de mes grosses phobies. Eh oui, je n’ai jamais dit que j’étais quelqu’un de parfaitement saint d’esprit !)
Non, ici, on parle de quelque chose de plus insidieux et de plus compliqué à détecter, mais intrinsèquement lié : on parle de la peur de la réussite. Vous allez me dire que c’est idiot, pourquoi avoir peur de réussir ? On est heureux lorsque l’on mène à bien un projet ! Mais réfléchissez une seconde, il n’y a pas eu un moment dans votre vie, où vous avez freiné des deux fers en remarquant que quelque chose arrivait bien trop rapidement, ou que tout ce passait trop bien et que vous trouviez ça étrange ? Parce qu’au fond de nous, on sait que si l’on franchit ce cas, on ne pourra plus revenir en arrière, qu’il faudra en assumer les conséquences et les responsabilités par la suite ? Eh bien, cela fait entre autres partie de la peur de réussir.
Je m’explique : la peur de la réussite, c’est pour beaucoup, la peur de ce qui vient après, du changement, des évolutions, de l’inconnu. Lorsque l’on réussit, prenons par exemple l’écriture d’un roman, c’est ce qui vient après qui fait peur, le fait de devoir assumer le changement que cela induit (si l’on obtient un contrat d’édition par exemple), sortir de sa zone de confort, tout simplement accepter que l’on ne va pas maîtriser parfaitement la suite des événements puisqu’on ne sait pas de quoi elle est faite. Et pour la plupart des maniaques du contrôle, dont je fais indubitablement partie, c’est un très gros problème en soi. Donc, contrairement à la peur de l’échec, la peur de réussir n’est pas celle de terminer le projet, mais plutôt celle liée à l’incertitude de l’avenir. Une peur en soi tout à fait illogique puisque l’on peut imaginer que si l’on réussit un projet, on sera capable d’en assumer les retombées. Malheureusement, si l’être humain était parfaitement logique et rationnel, cela se saurait.
C’est donc, l’alliance de ces deux peurs qui me conduisent à stopper net mon projet alors qu’il en est presque à sa fin, afin de commencer quelque chose d’autre. Un mécanisme rassurant, dans lequel je me sens bien plus à mon aise puisque presque routinier : préparation du monde, recherche de l’intrigue, création des personnages, etc… La procrastination fait le reste, je me concentre totalement sur le nouveau projet, repoussant toujours plus la reprise du premier jusqu’à l’abandonner purement et simplement.
Comment surmonter tout ça ?
C’est la question à un million d’euros. Parce que j’ai beau faire tout ce que la plupart des psychologues conseillent à savoir : comprendre qu’un échec n’est pas insurmontable et qu’il permet d’apprendre de ses erreurs, se rappeler qu’un humain à une capacité d’adaptation supérieure à la normale, que le changement permet de grandir… rien n’y fait. Pourquoi ? Parce que l’inconnu est pour moi une donnée inquantifiable qui m’effraie bien plus que tout le reste. J’ai un constant besoin de savoir, de connaître les raisons qui poussent les gens à agir, de comprendre pourquoi les choses sont ainsi faites. Pourquoi ? Parce que l’intellectualisation, parfois à l’extrême que je fais des gens et des choses me permettent de mieux les comprendre. Je ne peux faire quoi que cela soit, sans le comprendre avant.
L’exemple le plus flagrant a été lorsque l’on m’a annoncé que l’on ne voyait rien sur l’IRM, de mon genou : les faits sont là : l’IRM est clean, mais je ne peux toujours pas marcher, j’ai mal en permanence. Il y a donc quelque chose, je ne sais pas ce que c’est, ça me rend dingue.
En soi, ce besoin presque maladif m’empêche de faire beaucoup de choses, mais a contrario il m’est d’un très grand secours pour beaucoup d’autres, il est ancré en moi, comme beaucoup d’autres de ses peurs futiles et handicapantes qui m’empêchent de vivre correctement. Oui, les psys se feraient vraiment plaisir avec mon cas, je le crains.
Ainsi pour vaincre tout cela, il suffirait de réussir pour une fois à lâcher prise sur le contrôle, laisser aller les choses, avoir confiance en soi, prendre du recul et accepter l’inconnu comme un fait inéluctable pour évoluer et passer à l’étape suivante, personne ne veut stagner dans la vie. Il faut comprendre, qu’il est impossible d’avoir la maîtrise de l’avenir, personne ne sait de quoi demain sera fait. Plus facile à dire qu’à faire, j’en conviens. Il est bien difficile de dicter à nos émotions ce qu’elles doivent faire. Mais, en procédant étape par étape, je pourrai, qui sait, peut-être terminer un roman un jour !
Pour conclure, je voulais citer un grand homme : « La peur est le chemin vers le côté obscur : la peur mène à la colère, la colère mène à la haine, la haine… mène à la souffrance. ». Maître Yoda avait parfaitement raison, la peur nous empêche de faire ce que l’on veut faire, quelle qu’elle soit. Aujourd’hui, j’ai traité, dans un article certes un peu plus personnel, de plusieurs peurs qui me paralysaient durant l’écriture. Mais, il y a beaucoup d’autres choses, et il est vraiment dommage de se laisser à ce point diriger par nos craintes alors que l’on a plein de belles choses à offrir. Je sais que je me bats tous les jours contre ces petits riens, vous pouvez, j’en suis sûre faire de même et réussir à aller au-delà.
C’est donc tout pour aujourd’hui.
Quelles sont vos peurs dans l’écriture ?
En attendant, je vous souhaite toujours plus de jolies découvertes !