Pascale Robert-Diard est chroniqueuse judiciaire au Monde depuis plus de vingt ans, et ce n'est pas la première fois qu'elle s'aventure à publier un essai. Le dernier en date, La Part du juge, met en lumière, à travers une série d'exemples historiques, la réinterprétation de la loi par les magistrats, quelquefois novatrice (voir l'interview qu'elle a donné à ce sujet ).
Dans La Déposition, il ne s'agira que d'une seule histoire, de laquelle il serait bien difficile de tirer la moindre leçon claire. Un fait divers nîmois a animé en 2014 les chroniques judiciaires de Pascale Robert-Diard et des autres. C'était le dernier acte d'un interminable drame familial qui avait été débattu dans les prétoires dès 1977, et qui avait donné lieu à ce genre d'emballements médiatiques dont on ne sait s'ils sont créés par la demande du public ou bien, ex nihilo, par les journalistes eux-mêmes.
En résumé, une malheureuse Agnès Leroux, héritière d'un casino, disparaît mystérieusement peu après avoir placé en Suisse, pour leurs vieux jours, une grande somme d'argent dans un compte commun avec son compagnon Maurice Agnelet, qui nie le crime obstinément, pendant presque un demi-siècle, et parvient à convaincre de son innocence. En 2014, " la déposition " qui change la donne est celle de son fils, Guillaume Agnelet, ci-devant défenseur acharné de son père, qui verse au tribunal des pièces accablantes. Pascale Robert-Diard rencontre ce fils, qui accepte de lui raconter ce qui deviendra le roman.
D'accord, le sujet est vendeur. " Le casino, l'argent, l'héritière, comment se lasserait-on de ce mystère ? " (p. 35). Mais l'autrice se contente de remettre dans l'ordre chronologique les faits qu'on lui a rapportés. Il y a là matière à un roman : le roman reste à faire. Aucune recherche stylistique n'égaye cette écriture stéréotypée ; les rares tentatives d'envolées lyriques tombent à l'eau. " Ce n'est plus un procès, ce n'est plus un prétoire, c'est un champ de ruines " (p. 166) : la grandiloquence me laisse sceptique. Parfois même, se laissant emporter par la facilité de sa plume, l'autrice se fait manichéenne, à la Higgins-Clark. François Saint-Pierre, dans son travail démocratique d'avocat de la défense, devient un méchant hypocrite qui dissimule la culpabilité du client...
Une seule image, à propos de la déposition de Guillaume Agnelet, m'a touchée : " répéter, répéter encore, comme on taperait indéfiniment le même petit pan de mur pour éprouver sa résistance " (p. 164). Moi qui ne connais guère le quotidien des tribunaux qu'à travers ce qu'en disent maître Eolas et bismatoj, je trouve à cette comparaison une certaine pédagogie. Mais ailleurs le didactisme est si pesant que toute liberté d'interprétation, c'est-à-dire tout ce qui fait le plaisir de la lecture, a disparu : " LEROUX, Agnès, Gloria, Taille : 176 cm, Sexe : féminin [...]. C'est cela, une femme, dans une archive policière " (p. 65).
Mon jugement est donc défavorable, mais beaucoup, parmi le jury des lectrices et lecteurs, en feraient appel : par exemple RoseurSuprême, LecturesFéériques, Maêlle, Camille et même la Librairie Bruneteaux.
Pascale Robert-Diard, La Déposition, folio, 2018, 208 p., 6,60€.