Guylain Vignole, trentenaire vivant seul avec son poisson rouge, travaille dans une usine en banlieue parisienne : le pilon, une broyeuse de livres invendus. Passionné de lecture malgré ce travail qu’il n’a pas choisi, Guylain sauve chaque jour quelques feuillets de la machine. Tous les matins, dans son train de 6h27, il lit aux autres passagers ces feuilles rescapées, extraites de romans comme de livres de cuisine, ou de manuels pratiques. Un jour, il ramasse dans son RER habituel une petite clé USB. Dès le lendemain, c’est une toute autre histoire qu’il va raconter aux voyageurs…
Un ami m’avait conseillé ce roman et j’avais très hâte de le lire. Dès le début, on entre dans un univers assez particulier : l’histoire n’est pas toujours très gaie mais on ne s’ennuie pas une seconde. La première fois que l’usine est décrite, la machine est personnifiée sous la forme d’un monstre. Du coup j’ai presque regretté d’avoir lu la quatrième de couverture : j’aurai préféré me laisser surprendre par l’utilité de cette machine dont on ne sait pratiquement rien. Quand Guylain la décrit sans la nommer, on pourrait croire qu’il s’agit d’une machine dont la fonction est beaucoup plus horrible, et on est presque être soulagé quand on comprend qu’elle ne fait « que » broyer des livres.
« La chose était là, massive et menaçante, posée en plein centre de l’usine. En plus de quinze ans de métier, Guylain n’avait jamais pu se résoudre à l’appeler par son véritable nom, comme si le simple fait de la nommer eut été faire preuve envers elle de reconnaissance, une sorte d’acceptation tacite qu’il ne voulait en aucun cas. »
C’est un livre assez revendicatif, autant pour la condition de travail des ouvriers que contre cette machine, la Zerstor 500, qui détruit de nombreux livres chaque jour. Guylain a des amis assez originaux comme Yvon, un collègue de travail qui ne parle presque qu’en alexandrins et qui est passionné par le théâtre et la poésie, ou Giuseppe, un ex-collègue ayant perdu ses jambes dans un accident de travail et qui s’acharne à retrouver les deux mille trois cents exemplaires de Jardins et potagers d’autrefois, livres fabriqués avec le papier détruit le jour de son accident. Ils donnent un peu de piment et d’excentricité à l’histoire et la font sortir d’un cadre qui pourrait être trop familier.
Beaucoup de petites intrigues s’entremêlent dans la grande pour former un roman captivant et intéressant. Il raconte la vie d’un homme un peu comme les autres qui a eu la chance de trouver un moyen pour sortir de la routine. C’est une très belle histoire qui incite à profiter des petits bonheurs de la vie, « un conte moderne, drôle, poétique et généreux » comme le dit bien le résumé, . Bref, Le liseur du 6h27 est un roman que je conseille vraiment, autant pour en apprendre un peu plus sur le pilon que pour tous les personnages attachants et l’histoire touchante et passionnante qu’il renferme !