Dans une coque de noix - Ian McEwan
Gallimard (2017) collection du monde entierTraduit de l’anglais par France Camus-Pichon
Trio amoureux classique : la femme, son mari, son amant. Et un quatrième personnage, le narrateur, qui observe la situation, ou plutôt la devine, fœtus de huit mois et demi, bien au chaud dans le ventre de la femme. Il est l’enfant de Trudy et de John, le couple légitime déjà séparé depuis que Trudy a convaincu son mari d’aller loger ailleurs, sous prétexte de la fatigue de sa grossesse. Mais elle reçoit souvent la visite de Claude, son amant, qui déplait fortement à l’enfant. Et il n’a pas tort, cet enfant, très clairvoyant qui a capté les intentions des deux amants vis-à-vis du mari gênant. Alors, il essaye d’influencer le cours des évènements, par des coups de pied par exemple, ou par des manœuvres à sa portée, pas toujours avec succès.
Difficile d’en dire plus au risque d’en trop révéler sur cette intrigue pleine de fantaisie parfois, mais qui tourne au drame le plus noir lorsque les amants fomentent leur complot. Il y a du suspense dans ce roman, une fin presque ouverte qui pourrait encore laisser place à des rebondissements, à condition d'avoir envie de donner une chance aux amants. Personnellement je n’ai aucune indulgence pour Trudy et Claude et le seul qui m’inspire de la tendresse dans cette histoire, c’est cet enfant que finalement personne ne désire et qui est déjà très réaliste sur son avenir.
Un roman caustique d’un auteur que je connais encore peu, découvert avec la lecture d’Opération Sweet Tooth il y a trois ans, et dont j'ai bien envie d'explorer l'oeuvre plus avant !
Ça commence comme cela (page 13)
Me voici donc, la tête en bas dans une femme. Les bras patiemment croisés, attendant, attendant et me demandant à l'intérieur de qui je suis, dans quoi je suis embarqué. Mes yeux se ferment avec nostalgie au souvenir de l'époque où je dérivais dans mon enveloppe translucide, où je flottais rêveusement dans la bulle de mes pensées à travers mon océan privé, entre deux sauts périlleux au ralenti, heurtant doucement les limites transparentes de ma réclusion, la membrane révélatrice qui résonnait, tout en les atténuant, des voix de comploteurs unis par un projet ignoble. C'était au temps de ma jeunesse insouciante. Là, entièrement retourné, sans un centimètre à moi, les genoux repliés contre mon ventre, mes pensées comme ma tête sont bien engagées. Je n'ai pas le choix, mon oreille est plaquée jour et nuit contre ces parois sanguinolentes. J'écoute, je prends mentalement des notes, et je suis troublé. Je distingue des confidences funestes sur l'oreiller et je suis terrifié par ce qui m'attend, par ce à quoi je risque d'être mêlé.