Notre Dame de Paris – Victor Hugo

Par Cpmonstre

Mimine revient après une petite absence qui lui a permis de faire le plein de lectures, dont une en commun avec ma copine Maned Wolf de Déjeuner sous la pluie (<= son avis). Et là mes p'tits loups, disons que niveau lecture, on a tapé dans du sacrément lourd, dans de l'ambitieux, dans du pétage intellectuel, bref dans du classique.

Une lecture commune qui tombait à pic, je vous avoue, puisque je n'avais jamais lu Notre Dame de Paris (la meuf elle a fait Lettres Modernes, hein), alors qu'enfant des années 90, j'ai eu comme tout le monde l'impression de connaître déjà l'histoire, quand le bossu était hype tendance :

  • le dessin animé de Disney,
  • la comédie musicale (premier CD que j'ai acheté de ma poche) (en ce moment, en hommage à cette période de l'enfance béni des dieux j'écoute l'album) (" il est venu le temps des CATHEDRALEUH ")
  • et le film avec Patrick Timsit et Richard Berry que personnellement j'adore, Quasimodo d'el Paris.

1482, l'île de la Cité fourmille de petites ruelles sales entourant la cathédrale, Notre Dame de Paris, épicentre du roman. Plusieurs personnages vont se rencontrer et participer à la grande tragédie divinement célèbre : un poète malchanceux, Pierre Gringoire croise la route d'une bohémienne et de la cour des Miracles ; un bossu monstrueux Quasimodo, le sonneur des cloches de Notre Dame a été élevé par l'archidiacre Claude Frollo, homme de sciences et de savoir torturé par ses désirs masculins ; un beau capitaine des archers, inconséquent et insouciant, Phoebus ; et enfin celle qui fera tourner toutes ces jolis têtes, Esmeralda, jeune bohémienne qui danse dans les rues avec sa chèvre Djali.

900 pages plus tard...

(en vrai 660 pages. Il y a beaucoup de notes...)

C'est noir. C'est triste. C'est violent. Ça part dans tous les sens, ça digresse, ça cite, ça parle latin. Ça te perd, ça te fait bailler, ça te fait pleurer, ça te fait hurler. Et ça te fait rire.

Ce roman est psychotique, ou te le fait devenir.

⇓ Mimine qui sort de sa chambre après avoir lu Notre Dame de Paris.

Ça risque d'être long par contre. Prenez une couverture et des rations de survie. Au cas où.

Bon déjà sans grande surprise, le début est chiant.

Soyez prévenus si vous décidez de commencer le livre, la longueur de certains passages n'est pas une légende. C'est véridique. Bourrés de références historiques, de généalogies de personnes dont on a strictement rien à péter (qui ne reviendront pas en plus) et de citations latines partout en mode Roi Loth en grande forme, Victor Hugo allonge sa culture historique, certainement dans un souci de crédibilité et du détail. Mais le résultat est assez ardu, quand même.

Moi à la page 84 : " Ça va être comme ça tout du long ou... ? "

(C'est certainement ce que vous êtes en train de vous dire en voyant la longueur de mon billet...)

Donc, après m'être endormie deux fois en l'espace d'une heure, les principaux protagonistes du récit apparaissent. OUF.

Et CEYBOW.

Ah bah Pépère Hugo, c'est pas pour rien qu'il est l'un des plus grands auteurs français. Je comprends mieux maintenant le culte autour de sa petite personne et de son oeuvre.

Dès qu'il est question de décrire l'âme humaine, l'écriture de Victor est à mes yeux et à mes oreilles de la poésie en prose. Les mots, les phrases, leur construction, tout a été parfaitement pensé, tout coule naturellement sur la langue, sans faire non plus des phrases de 10 pieds de long.

Par exemple, la description de la malformation de notre bossu flirte joliment avec le fantastique tellement la monstruosité du pauvre homme est à peine humaine. Victor Hugo semble fasciné par la laideur et le regard qu'il porte sur Quasimodo est emprunt d'une telle sensibilité, d'une telle empathie que l'auteur a réussi à me mettre les larmes aux yeux. Seul dans son monde avec ses gargouilles (qui ne parlent pas ici) et ses cloches, le bossu sait sa différence et sa laideur, et ça le rendra terriblement malheureux dès qu'il tombera amoureux d'Esmeralda. Parce que le pauvre n'a franchement pas été bercé par les dieux. En plus de ça, je veux dire en plus de la bosse, de la grosse verrue qui le fait borgne, des jambes arquées, bref de sa difformité légendaire, Quasimodo est sourd comme un pot (ce qui va créer de gros malentendus par la suite). C'est pourquoi avec Frollo, son maître, ils communiquent grâce au langage des signes.

Puis on rencontre Esmeralda, une adolescente de 16 ans, objet des fantasmes priapiques de tous les personnages masculins du bouquin. Beauté exotique à couper le souffle, elle danse sur le parvis de la cathédrale, affolant la braguette de plusieurs hommes. On peut même dire sans trop se compromettre que la meuf, c'est la plus grosse victime de toute la littérature française. Et pour bien souligner son statut de victime de la Nation, un passage met en scène la tentative d'enlèvement hallucinante sur Esmeralda, alors que Pierre Gringoire, un poète médiocre et sans le sous, la suit parce qu'il a flashé sur elle. Normal.

Dans les ruelles.

La nuit.

Dans un chapitre nommé : " Les inconvénients de suivre une jolie femme le soir dans les rues ".

V'là que Quasimodo avec un sombre acolyte (hinhin mais qui cela peut-il bien être didon') décident d'enlever Esmeralda en pleine rue.

Imaginez la scène : un bossu, la gamine sur l'épaule, tape sur la tête d'un gars random (notre ami Pierrot qui tentait de secourir la fille) tandis qu'une chèvre (celle d'Esmeralda) tente d'engager un combat de rue pour sauver sa maîtresse.

La scène est tellement burlesque, tellement incongrue que les Monty Python auraient pu l'écrire. J'ai du me poser. Deux secondes. Victor Hugo ferait-il de... l'humour ? Comme je l'ai découvert plus tard, il a un petit côté " pouèt pouèt " insoupçonné. Le décalage d'ailleurs est parfois assez surprenant si ce n'est déroutant. Voire même carrément " c'est pas le moment ". Quand tu es au bout de ta vie et que tu as des petites larmes parce que c'est trop triste ce que tu lis et que Monsieur décide de lancer sa petite vanne, disons que...

Bref, où en étais-je ? Ah oui l'enlèvement.

Arrive sur son cheval blanc, Phoebus capitaine des archers pour sauver Esmeralda des griffes de ses asseyants. Et là, wink wink, tous les protagonistes de l'intrigue sont présents. Phoebus (qui n'a pas l'air d'être le crayon le plus affuté de la boîte), Quasimodo, Claude Frollo (le sombre acolyte), Pierre Gringoire...

et Esmeralda.

La mise en scène est astucieuse. L'intrigue de la grande tragédie est résumé juste ici par la présence de ces quatre hommes entourant la jeune fille de leurs désirs, à des degrés divers.

Et là j'me dis : AHAH ! Ça va pouvoir commencer ! Là on était dans de l'amuse-bouche, dans de la présentation, dans de l'exposition, mais c'est fini. Ça va envoyer du pâté, ça va être fort, ça va être chaud, oui je le sens au plus profond de mes tripes !

Le Livre III apparaît.

C'est la douche écossaise.

Le livre III est entièrement consacrée à la visite guidée du Paris d'antan au Moyen Age, de l'île de la Cité et de ses cinq ponts, de l'île aux Vaches, de l'île Saint-Louis, des portes du Grand Châtelet et du Petit Châtelet... et ainsi de suite.

Tout ce dont je redoutais est là. De la description en tartinade.

40 pages, je précise quand même, qui n'ont rien à voir, MAIS ALORS RIEN, avec l'intrigue. Le mec s'est juste fait un GROS kiff.

Et là j'ai compris un truc : le roman ne s'appelle pas Le bossu de Notre Dame de Paris, ni Esmeralda la bohémienne ou Claude Frollo, le Faust français mais

Et donc, des digressions sur le Moyen Âge, sur l'architecture, sur la philosophie, sur la politique et même sur l'alchimie, il va y en avoir PARTOUT TOUT LE TEMPS, avec plein de petites histoires annexes, de petites anecdotes, des descriptions et des détails en veux-tu en voilà qui ont pour but de figer un quartier et une époque dans le roman, au plus près de la réalité. Tout ça prend bien sûr autant de place que l'histoire de nos héros. Fifty-Fifty.

Ce que je comprends surtout c'est que c'est l'occasion pour Victor Hugo de parler de sa passion pour le médiéval (très à la mode au XIXe siècle) mais aussi de son aigreur face à l'irrespect que ses contemporains ont pour cette période et pour ses vestiges architecturaux. Rappelons que le Paris du XIXe ressemblait encore à celui du Moyen Âge jusqu'à la grande transformation et la destruction de nombreuses bâtisses et ruelles remplacées par les immeubles haussmanniens et les grandes avenues.

Alors du coup, on se retrouve avec des blocs, que dis-je des pâtés de maison, qui balancent de l'érudition comme du ketchup sur un cornet de frites. Si j'en ai aimé une partie, j'ai pas tout pâné pour le reste. Plusieurs fois, je me suis retrouvée complètement larguée, noyée sous les références historiques et les private joke d'universitaires (me semblait-il) où des personnages assez secondaires se faisaient des débats philosophiques entre eux, saupoudrés de battle en latin. Oh mon dieu le nombre de citations latines ! Et coco, moi j'ai juste fait un semestre de latin et j'ai même pas eu la moyenne ! (ok y a les renvois aux notes pour la traduction, mais bon au bout de la 10e citation, j'ai envie de te dire t'es mignon mais hein...).

Dans ce flou artistique, il y a le chapitre " Ceci tuera cela " (du Livre V) qui m'a par contre passionnée. Chapitre consacré à la relation entre l'architecture et la littérature et comment la littérature (depuis l'invention de l'imprimerie), a tué l'architecture ou plutôt son rôle : raconter, graver dans la pierre l'Histoire humaine. Et croyez-le ou non, c'est certainement mon chapitre préféré, car pour moi il montre le sens même du roman : l'art, les hommes, la mort.

BIM.

Petite note au passage de culture pop' : ce chapitre a directement inspiré la chanson " Florence " de la comédie musicale.

Reprenons le contrôle de ce billet !

Le Livre IV, donc après 180 pages de lecture, arrive et propose de rentrer au coeur du centre du noyau du pépin du roman : comment Quasimodo a été recueilli par Claude Frollo (et au passage, qui est Claude Frollo). ENFIN.

Mimine se frotte les mains. Frollo. La bête à figure humaine. Le démon sous la robe cléricale. L'être odieux qui a recueilli Quasimodo de son plein gré pour le sauver de la plèbe qui voulait le lapider... Attendez quoi ? Moi on m'a appris que Frollo c'était le méchant monsieur qui a voulu jeter un bébé dans un puit parce qu'il était repoussant.

Eh ben nan. Alors que Claude Frollo se révélera être une grosse pourriture de Satan (par comparaison le monsieur dans le gif là au-dessus, à côté, c'est Mickey), torturé par son désir sexuel incontrôlable pour Esmeralda qui va le rendre complètement DINGO, Victor Hugo tient à ce que son personnage soit un peu plus étoffé et complexe. En lui ajoutant dans les pattes un petit frère par exemple (grosse pourriture lui aussi au passage) pour qui il éprouve un amour filial certain.

Voilà nous avons fait le tour des grands personnages.

Ah bah nan il reste Phoebus. Ouh c'est bon ça aussi !

Faut pas l'oublier celui-là, d'autant plus que c'est peut-être à cause de lui que TOUT CE BINZ arrive.

Voyez Phoebus dans le dessin animé ? Grand beau blond, valeureux, courageux et gentil capitaine qui aide Esmeralda et qui finit avec elle ?

VOUS OUBLIEZ DE SUITE.

Ici Phoebus est un gros beauf.

Fiancé à Fleur de Lys, jeune et jolie fille de bonne famille, le capitaine des archers saute sur tout ce qui bouge. Il est beau mais vulgaire, inconstant et stupide. Forcément, Esmeralda tombe irrémédiablement amoureuse de lui. Quant à notre charmant capitaine eh bien... disons qu'il est très intéressé parce qu'il pourrait voir sous la jupette. Et c'est à cause de cette amourette que la tragédie humaine va démarrer ; la pauvre bohémienne va être accusée d'avoir voulu tuer Phoebus lors d'un rendez-vous amoureux nocturne. Son martyre commence alors...

... et là mais que c'est sombre !

Synthétisons. Quasimodo aime Esmeralda ; Frollo aime (désire) Esmeralda ; Esmeralda aime Phoebus ; Phoebus aime... lui-même ; et Pierre aime la chèvre (<= c'est vrai il part avec. Grosse marrade de Victor Hugo qui fait des blagues sur la zoophilie). Cinq personnages, acteurs de la tragédie qui se joue, violente et d'une tristesse effroyable.

Si j'ai été très surprise par la façon dont est construit le roman, j'ai été assez choquée par la tournure des événements des 200 dernières pages. Victor Hugo n'épargne PERSONNE, rend ses personnages assez détestables et ne donne aucun répit pas même à son lecteur qui, pour le coup pas bien habitué au rythme soutenu jusqu'ici, s'en prend plein la tronche :

  • une bataille sanglante aux pieds de la cathédrale (fracassage de crâne sur un pilier, jet de plomb fondu, corps mutilés...),
  • de la torture mentale et physique,
  • des coeurs brisés,
  • une GOURDASSE d'adolescente (oui on parle de toi Esmeralda) qui au bout d'un moment mérite ce qui lui arrive tellement elle est stupide,
  • le nombre de morts qui s'accroissent à mesure qu'on approche de la fin,
  • cette fin MAIS CETTE FIN,
  • et ce pauvre Quasimodo à qui je voulais désespérément faire un gros câlin.

Victor Hugo n'est pas allé de main morte sur le pathos ni sur les situations d'injustice absolues qui se jouent pour la plupart sur des malentendus ou des actes manqués. Tout aurait pu être évité et alors que le récit se rétrécit sur les personnages, Hugo prend un malin plaisir à multiplier les moments où le destin aurait pu basculer, où Untel aurait pu être sauvé, où tout aurait pu être réparé.

Et toi, pauvre petit lecteur, tu finis en Position Latérale de Sécurité au fond de ton lit.

Après une lecture pareille, on est complètement lessivé. Tellement de choses à dire, tellement de choses sur lesquelles on devrait passer plus de temps, déjà rien qu'étudier la construction des différentes parties et cette fatum (fatalité) qui ponctue le récit prendrait plusieurs jours. Tellement d'éléments !

Est-ce que j'ai aimé ?

Je ne saurais même pas répondre à cette question mes chatons. Tout ce que je sais c'est que Notre Dame de Paris est une incroyable expérience de lecture, quelque chose dans laquelle on rentre sans savoir vraiment ce qu'on va y trouver ni trouver ce qu'on a envie d'y trouver.

Une lecture que je ne regrette absolument pas d'avoir entreprise, surtout quand j'ai eu pour co-pilote la merveilleuse Maned Wolf avec qui on a lu ce monstre de la littérature en parfaite synchronisation, ce qui nous a permis de partager nos ressentis presque chapitre après chapitre.

Un petit mot de conclusion ?

J'ai mal à mon enfance.