«La vie est une hécatombe. 59 millions de morts par an. 1,9 par seconde. 158 857 par jour. Depuis que vous lisez ce paragraphe, une vingtaine de personnes sont décédées dans le monde – davantage si vous lisez lentement. L’humanité est décimée dans l’indifférence générale.
Pourquoi tolérons-nous ce carnage quotidien sous prétexte que c’est un processus naturel ? Avant je pensais à la mort une fois par jour. Depuis que j’ai franchi le cap du demi-siècle, j’y pense toutes les minutes.
Ce livre raconte comment je m’y suis pris pour cesser de trépasser bêtement comme tout le monde. Il était hors de question de décéder sans réagir.»
F. B.
Contrairement aux apparences, ceci n’est pas un roman de science-fiction.
Journaliste et romancier, Frédéric Beigbeder tient le feuilleton littéraire du Figaro Magazine. Il est chroniqueur dans la Matinale de France Inter.
La puissance de la publicité est supérieure à la capacité de résistance d’un individu isolé. Pour ma génération, ce fut la cigarette: pendant toute mon enfance, la pub nous donnait l’ordre de fumer, ensuite l’État a lutté contre le tabagisme. Ta génération, c’est le sucre et le sel: durant toute ta jeunesse, on t’a fait rêver de bonbons, sodas, chips, etc., et aujourd’hui on lance des campagnes pour que tu manges moins salé et sucré! L’Occident est une usine à schizophrènes.
Petite déception pour la petite fan de Beigbeder que je suis. Je possède tous ses livres et je dois ne pas en avoir lu seulement un ou deux dans le tas. Et pourtant, Une vie sans fin ne m’a pas autant plu que les précédents.
Dans ce nouveau roman futuriste, on retrouve un Frédéric Beigbeder qui nous parle de lui et de sa famille, contrairement à ses nombreuses autofictions. On fait la connaissance de sa femme Léonore et de leurs deux filles, Romy et la dernière petite Lou. Le début très actuel de cette lecture a déclenché mon enthousiasme; j’ai adoré les réflexions de l’auteur sur notre époque. Mais après ce début amusant et intriguant, suit ce qui m’a déçue. Frédéric Beigbeder redoute de mourir. Chez lui, cela fini même par tourner à l’obsession. Au point où il décide de faire des séjours dans plusieurs cliniques (detox etc) à Paris, Jérusalem, Autriche, New York, Boston pour finir en Californie. À chaque endroit, il rencontre une personne du milieu médical avec laquelle ils auront un long échange sur le renouvellement de cellules, le clonage, les changements possibles dans l’ADN humain et la robotisation. Frédéric Beigbeder sera accompagné tout le long de son périple par sa fille de 10 ans, Romy, et le robot Pepper qu’il lui a offert pour lui tenir compagnie. Un robot doté d’une intelligence artificielle et d’un écran sur sa poitrine.
Le contexte est intéressant, mais ne valait pas autant de pages. Je me suis souvent perdue dans les longues explications aux termes médicaux. Page 286, l’auteur écrit: « J’avais le nez dans mes photocopies d’articles de revues scientifiques et de bouquins dont je faisais semblant de comprendre le charabia« . À plusieurs reprises, je me suis retrouvée dans le même état en lisant Une vie sans fin. Je n’en reviens pas de dire ça à propos d’un bouquin de Frédéric Beigbeder, mais terminer cette lecture fut un supplice..
Ce qui me préoccupait ce soir-là chez ma fille, c’est qu’elle ne rêvait pas d’embrasser Robert Pattinson, ni même de lui parler ou de le connaître. Elle désirait seulement poster son visage à côté du sien sur les réseaux sociaux pour prouver à ses copines qu’elle l’avait vraiment croisé. Nous sommes tous, comme elle, engagés dans cette course effrénée. Petits ou grands, jeunes ou vieux, riches ou pauvres, célèbres ou inconnus, la publication de notre photographie est devenue plus importante que notre signature sur un chèque ou un contrat de mariage.
Toute l’histoire tourne autour de la recherche de l’éternité de l’auteur qui finira par se rendre compte que le plus important c’est de profiter de sa famille, maintenant. J’ai malheureusement trouvé ce roman sans grand intérêt, et même si l’on y retrouve sa plume spontanée avec une touche d’humour, je préfère Frédéric Beigbeder dans des registres plus sentimentaux et humains, tels que L’amour dure trois ans ou Un roman français.
Pessoa s’est trompé quand il a dit « la vie ne me suffit pas. » Oh que si, la vie suffit. La vie suffit amplement, croyez-en un mort.