Parce que je regardais, il y a quelques jours, l’adaptation ciné de ce formidable roman, j’ai eu envie de le relire… le plaisir est toujours intact, qu’on se rassure !
Cartographie des nuages, c’est le nom donné à son sextuor par Robert Frobisher en 1931. le jeune homme est installé dans le château de Zedelghem, et sert d’assistant au vieux Ayrs, un compositeur anglais de renom. Il écrit de longues lettres à son ami Sixsmith dans lesquelles il lui narre son quotidien et lui décrit les affres de la création musicale.
Et voilà qu’il découvre une moitié de livre qui l’intéresse fort, contant les pérégrinations d’Adam Ewing, homme de loi anglais qui voyage dans les Iles Chatham en 1850. Ce dernier assiste, impuissant et résigné, à l’esclavage pratiqué par des autochtones sur d’autres tribus. C’est la première histoire de ce livre incroyable qui m’a émue et captivée, un vrai coup de coeur !
Le ton est en effet donné dès le premier récit – il y en a 6, tour à tour drôles, tragiques, émouvants, dont 5 sont découpés en deux parties. Ces derniers sont tous imbriqués (vous découvrirez comment on passe de l’histoire d’Ewing à celle de Frobisher, puis Luisa Rey, Sonmi 451 et Zachry…), se passent à des époques différentes certes mais ont un commun des individus étrangement reliés par une tache de naissance, et mettent en lumière un destin individuel, un homme ou une femme ayant à lutter contre des événements plus ou moins dramatiques.
Qu’ils soient englués dans un monde terrifiant (qui peut prendre bien des aspects, de la maison de retraite à la société du futur) ou en butte à l’hostilité de leur milieu, chacun est seul. Luisa Rey, mon personnage préféré, combat une installation nucléaire dans les années 70, Sonmi 421 est un clone qui s’est rebellée et qui a découvert l’horrible destin de ses semblables, Cavendish est un vieux bonhomme mis au rebut dans une maison qui n’aurait rien à envier à l’établissement de Vol au-dessus d’un nid de coucou…
Le constat est donc amer. L’humanité est perdue. Il n’y a plus rien à en espérer pour la simple et bonne raison que personne ne tire les leçons du passé, chacun répète les mêmes erreurs. voilà, c’est un éternel recommencement.
La civilisation elle-même est un leurre. Il suffit d’un grand « boum » nucléaire pour que l’homme retourne à l’état de barbare. le récit « La croisée d’Sloosha pis tout c’qu’ a suivi » est plutôt édifiant. C’est le seul qui soit « entier » et qui constitue le point d’orgue de cette histoire de l’humanité. C’est la réponse de Mitchell à la naïve question d’Ewing : « Prétendez-vous que la race blanche ne domine point par la grâce divine mais par le mousquet ? »
C’est un roman bourré de références ciné et littéraires si on sait lire entre les lignes, construit de manière brillante, qui m’a vraiment estomaquée. La traduction est excellente, cela a dû constituer un tour de force pour reproduire ces styles littéraires différents, SF, thriller, récit de voyage du 19ème, genre épistolaire et surtout le langage imaginaire de l’histoire centrale. Chapeau.
Génie et inventivité de l’écrivain qui imaginé toutes ces boites gigognes pour amener le lecteur à réfléchir sur nous, jeu de miroirs, voyage dans le temps qui laisse songeur. Je ressors étourdie de cette lecture, éblouie par la virtuosité de Mitchell et son implacable logique. Légèrement tempérée par la dernière phrase…
Alors, que vaut le film qui en a été tiré ? Je ne suis sans doute pas objective, car j’ai également beaucoup aimé cette chouette adaptation qui représentait tout de même un sacré défi. Après, je me demande ce que peut réellement en retenir un spectateur qui n’aurait pas lu le roman. J’avoue avoir été particulièrement séduite par la prestations des acteurs. Si Tom Hanks est toujours incroyable, au point que cela en devient la routine, je dois tirer mon chapeau au reste du casting qui endosse plusieurs rôles. Certains sont d’ailleurs totalement méconnaissables comme le très surprenant Hugh Grant qui ne nous avait jamais habitué à ce type de performance ! Un film à voir sans hésiter !
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