« Les larmes sont comme l'amour : inutile de les maîtriser ou de chercher à les analyser, c'est un irrépressible abandon. »
Olivier Bellamy est, selon moi, un des meilleurs interviewers actuels. Dans son émission « Passion Classique » sur Radio Classique, il reçoit bien entendu tout ce que compte le monde de la musique de compositeurs, chanteurs, cantatrices ou musiciens mais aussi artistes de tous bords, comédiens, réalisateurs, auteurs, etc…
Pendant une heure, il pose de bonnes questions, c’est plutôt rare, et surtout, il écoute les réponses, n’hésitant pas à rebondir si besoin ! Un moment de profondeur et d’intelligence comme on en trouve peu.
Je ne connais rien à la musique, encore moins à la musique classique, mais j’ai toujours grand plaisir à l’écouter en parler. Unmélange d’érudition, de finesse et d’écoute bienveillante, avec une pointe d’humour bienvenue.
Ma préférence va évidemment à ses échanges avec des auteurs. Chaque fois, j’ai l’impression d’en sortir un peu plus intelligent… Ce n’est qu’une impression, je sais, mais qu’est-ce que ça fait du bien !
Cette longue mais nécessaire introduction m’était indispensable pour vous indiquer ce qui m’a conduit sur le chemin de son dernier livre, désireux de découvrir si sa plume valait son verbe… Autant vous le dire tout de suite, je n’ai pas été déçu.
Parler de la perte d’un être cher, voilà bien qui a déjà été maintes fois traité, lu et relu. Mais parler de la perte d’un être cher quand il s’agit d’un animal, c’est bien plus rare.
Qui parmi nous n’a jamais été affecté par la perte d’un animal familier, d’un chat ou d’un chien ?
Personnellement, je me souviens de la perte d’un chien quand j’étais ado comme d’une des plus sombres journées de ma jeune existence alors. Pour Olivier Bellamy, c’est la perte imminente de Margot, une petite chatte noire au port de reine, normal quand on s’appelle Margot, adorable compagne de ses jours comme de ses nuits qui lui a inspiré ce récit.
La saveur de son histoire tient aux parallèles que lui inspire sa douleur et qu’il fait avec ses relations avec sa mère, avec la musique de Mozart, avec ses amours, avec sa vie même.
Requiem pour un chat, un récit empreint d’une douce mélancolie, de sensibilité et d’une sincérité qui ne laissera personne indifférent.
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"Je rencontre Philippe Claudel pour son livre L'Arbre du pays Toraja, que j'ai adoré. Nous bavardons. Il me demande aimablement sur quoi je travaille. Je lui parle de Margot. Son visage change. Il me dit qu'il a beaucoup pleuré la mort de son chat. "En plus, c'est lui qui nous avait choisis." C'était un chat vagabond qui avait élu domicile chez eux. Il me rappelle ce mot de Jean-Luc Godard : "Avec les humains, on communique, avec un animal, on communie.""
"Quand on doute de l'amour de sa mère, comme ça a été le cas toute ma vie, la bienveillante indifférence que les chats manifestent à notre égard possède la force rassurante d'un repère (un re-père, dirait Lacan). Car on n'est jamais sûr que les chats nous aiment. Ils tiennent trop à leur liberté et à leurs habitudes pour nous signifier leur attachement."
"Souvent dans les couples [...], les rôles se partagent entre celui qui s'inquiète et celui qui rassure. L'un se veut rassurant (alors qu'il est tout aussi inquiet) parce que l'autre extériorise son angoisse. Chacun exacerbe son sentiment mais pourrait tout aussi bien défendre le point de vue opposé. On ne dit pas ce qu'on pense, on émet l'argument inverse par automatisme, pour rétablir un équilibre fictif qui remplace l'action."
"Qui c'est le père, demande Marius, celui qui donne la vie ou celui qui paye ? Et César a cette réponse inspiré par le ciel : "Le père, c'est celui qui aime.""
"L'amour, c'est peut-être la quantité d'incertitudes sur l'autre qu'on est capable d'accepter. C'est pourquoi l'amour pour les chats est infini, car jamais ils ne perdent leur mystère."
Merci aux Éditions Grasset pour leur confiance !GrassetISBN 978 2 246 81376 7269 pages201819,00€