Le siècle phénix, tome 1 : L'odyssée des soeurs fantômes - Thomas Henninot

Par Marie Kacher

Le siècle Phénix1, Thomas HenninotL’odyssée des sœurs fantômes
Editeur : LibrinovaNombre de pages : 471Résumé : En 2172, l’humanité se relève péniblement des cendres de la Grande Terreur. À l’origine de ce bouleversement planétaire, une terrible maladie. La « Faucheuse » continue ses ravages en France, malgré les efforts de la famille Dernot, qui a découvert le vaccin et bâti sa fortune grâce à son combat acharné contre le fléau. Juliette Dernot, héritière de la multinationale, est promise à un brillant avenir. Ambassadrice des campagnes de vaccination et icône de la Fondation Asclépios, elle est épaulée par sa meilleure amie, et par son compagnon. Mais un accident de train vient bouleverser le destin prometteur de ces trois jeunes ...
Un grand merci à Thomas Henninot pour l’envoi de ce volume (et la petite dédicace) et à la plateforme SimPlement pour avoir rendu ce partenariat possible.
- Un petit extrait -
« Nous ne sommes pas des gentils. Et c'est bien là le cœur de ton problème n'est-ce pas ? Les gens comme nous finissent toujours par se salir les mains, volontairement ou non. »

- Mon avis sur le livre -
Je fais partie de la team des « lecteurs qui lisent la dernière phrase du roman avant de commencer véritablement la lecture ». J’ai remarqué qu’en général, cette ultime phrase avant le mot « fin » ou la mention « à suivre » résume bien l’ambiance globale du récit, son atmosphère … et surtout, ça enflamme mon imagination qui cherche vainement à comprendre comment on en arrivera là. En général, également, cela me donne terriblement envie de dévorer allégrement le roman parce que cette dernière phrase est décidemment bien trop intrigante - comme ce fut le cas ici, d’ailleurs. Chercher la dernière page de récit me permet également de savoir combien de pages et de chapitres comporte l’ouvrage que j’ai entre les mains (et pouvoir ainsi faire un rapide calcul : chapitres longs ou courts ? puis-je le lire à la moindre petite pause sans prendre le risque de devoir stopper ma lecture en milieu de chapitre - ce que je déteste - ou bien dois-je me ménager de longues heures pour me plonger dans ce livre ?). C’est en observant les titres des chapitres - sobrement nommés selon le narrateur ou la narratrice dudit chapitre - que je me suis rendue compte … que j’allais devoir m’accrocher face à une déferlante de personnages !
Bien des années après la Grande Terreur, sombre époque où sévissait le terrible virus surnommé « la Faucheuse », la France se relève progressivement grâce aux campagnes de vaccination massives lancées par la Fondation Asclépios. Cependant, le virus, en perpétuelle mutation, continue de faire des ravages partout dans le pays. Juliette Dernot, fille du président de la Fondation, fait indéniablement déjà partie des personnalités les plus appréciées et les plus influentes du pays. Intelligente et charmante, elle concilie son statut d’étudiante et celui d’ambassadrice des campagnes de vaccination. Lorsqu’un attentat frappe le train dans lequel se trouvent la jeune fille et ses camarades de classe, il ne fait aucun doute qu’elle était la cible de cette tentative d’enlèvement … Tandis que la jeune prodige s’enfuit en forêt avec son petit copain, sa meilleure amie, blessée dans l’accident, contacte les autorités … Le capitaine Verrier, membre des Forces de Régulation Nationale, parviendra-t-il à retrouver l’héritière de la Fondation Asclépios avant ses mystérieux ennemis ?
J’ai fait le choix de garder le même point de vue que la quatrième de couverture pour établir ce résumé … mais j’aurai très bien pu centrer celui-ci sur la Louve, une jeune fille ravagée par la mort récente de sa petite sœur et assoiffée de vengeance envers celui qui lui a fourni un faux remède, ou bien encore sur Sarah, fille du capitaine Verrier qui se retrouve embarquée dans cette sombre affaire sans même savoir pourquoi ni comment. Car là est bien la première grande particularité de ce roman : il n’y a pas un seul héros, mais bien plusieurs personnages principaux que l’on suit d’abord séparément et dont les chemins finissent, bien évidemment, par se rencontrer. Je pense vraiment que chaque lecteur peut s’attacher, voire s’identifier, à l’un ou l’autre de ces très nombreux personnages : leurs personnalités sont vraiment diverses et riches, leurs rôles sont vraiment complémentaires … Et bien qu’il soit au départ un petit peu compliqué de s’y retrouver avec tous ces prénoms et ces différents points de vue, il suffit finalement de quelques chapitres pour ne plus se perdre. Un grand bravo à l’auteur qui a géré avec brio cette grande diversité de personnages et de points de vue narratifs, et qui est ainsi parvenu à créer un roman-choral terriblement bien mené !
Mais l’auteur a également su éviter un terrible danger : le manque de profondeur des personnages. En effet, lorsque ceux-ci sont nombreux, le risque est que chacun soit caractérisé uniquement par son statut, son rôle dans l’intrigue, et que le lecteur se retrouve face à des personnages creux, vides, dénoués d’intérêt. Fort heureusement pour nous, Thomas Henninot a soigné ses personnages ! Leurs personnalités, leurs caractères, sont d’une richesse et d’une profondeur rares ! Mention spéciale à la Louve, pleine de paradoxes, de nuances : à la fois forte et fragile, cachant sa sensibilité et son émotivité derrière un masque de violence et de sarcasme, équilibre instable qui menace à chaque instant de voler en éclat … La Louve, c’est l’humanité dans toute sa splendeur : prompte à ôter la vie, mais n’aimant pas donner la mort, sans cesse tiraillée entre son instinct de survie et son altruisme. Chez elle, la frontière entre le bien et le mal est floue, mais elle n’en reste pas moins très attachante, parce qu’on sent la douleur qui se tapie en elle et qu’on aimerait tant pouvoir l’aider à se débarrasser de ce fardeau émotionnel. Vous le savez, j’aime les personnages clairs-obscurs, qui ne se laissent pas facilement cerner … et je suis servie, ici ! Bien évidemment, tous les personnages ne sont pas aussi complexes que la Louve, mais tous ont une personnalité bien affirmée, ils ont tous leur part d’ombre et de lumière, leurs forces et leurs faiblesses, leur caractère et leur histoire … Ce sont des personnages riches, bien construits, un vrai régal !
Contrairement à ce que j’imaginais à la lecture du résumé, le contexte post-apocalyptique n’est clairement pas l’élément principal de ce roman. Il est là pour offrir un cadre à l’intrigue, mais n’en est pas le noyau dur : nous sommes ici en présence d’un véritable thriller. La reconstruction de l’humanité après la Grande Terreur, les mutations incessantes du virus, la pollution de l’air … tous ces éléments sont présents en arrière-fond, pour ancrer le récit dans une ambiance déjà bien pesante, pour mettre en mouvement les personnages (la Louve n’aurait probablement jamais croisé le chemin des autres protagonistes sans la Faucheuse), mais c’est tout. C’est une réelle prise de risque de la part de l’auteur : un lecteur passionné de science-fiction, mais n’aimant pas les récits policiers, qui aurait acheté ce roman pour ce côté post-apocalyptique, pourrait se sentir trahi ou lésé … mais pour ma part, clairement, j’ai trouvé cette idée géniale ! J’ai toujours apprécié les auteurs qui ont l’audace de mélanger les genres, de brouiller les frontières, de ne pas se laisser limiter par elles pour rendre leur récit véritablement unique. Des romans post-apocalyptiques, on en voit beaucoup. Des thrillers également. Mais des thrillers post-apocalyptiques, c’est bien plus rares, et je suis ravie d’avoir eu la chance d’en lire un !
D’autant plus que ce roman est vraiment palpitant. Il ne se passe pas un chapitre sans que le lecteur ne retienne son souffle, le cœur battant, sans qu’il ne sursaute de frayeur ou de surprise, sans qu’il tremble de crainte pour les personnages principaux ou de colère contre les vilains de l’histoire … Méchants qu’on a bien du mal à identifier, d’ailleurs, et dont on ne comprend pas encore très bien les mobiles. On s’interroge, on se laisse surprendre par les révélations, et surtout, on se laisse entrainer par les nombreux rebondissements qui surgissent de partout. A chaque fois que l’on se dit « ça y est, les choses sont en train de s’arranger, de se calmer, on va pouvoir souffler » (remarquons d’ailleurs que la distinction entre le lecteur et les personnages est assez floue : on ne sait plus trop si on espère cette accalmie pour eux ou pour nous !), voilà qu’un terrible coup de théâtre vient remettre tout en mouvement pour toujours plus d’action ! Pas moyen de s’ennuyer ou de souffler avec ce roman … De plus, l’auteur n’hésite pas à faire souffrir - voire mourir - ses personnages … Ne vous attachez à personne, c’est un conseil que je vous donne ! Nous sommes ici en présence d’un véritable page-turner qui happe le lecteur du début à la fin …
En bref, voici un premier tome plus que prometteur qui s’achève de façon mémorable et surtout … impitoyable. On a terriblement envie de lire la suite immédiatement, mais ce n’est pas possible puisque le second tome n’est pas encore sorti, et c’est atrocement frustrant de laisser les personnages dans une telle situation … On sent que l’action ne fait que commencer, que ces presque cinq-cents pages ne sont que le début d’une grande et saisissante aventure, que nous ne sommes pas au bout de nos peines. Je vous encourage vraiment à découvrir l’extraordinaire plume de ce jeune auteur, qui manie à merveille les mots pour donner vie à ses personnages et pour raconter cette histoire palpitante, à la fois terrible (il y aura du sang, de la sueur et des larmes) et émouvante (aussi étonnant que cela puisse paraitre, il y a énormément d’émotions dans ce thriller). Ajoutez à cela de jolies réflexions sur la vie, l’amitié, le deuil, l’honneur, le bien, le mal, la mort … et vous aurez un bel aperçu de tout ce que comporte ce roman unique et vraiment étonnant. Une belle surprise, bien que les grands adeptes du genre risquent peut-être de regretter quelques schémas trop communs … mais clairement, pour ceux qui, comme moi, sont incapables de deviner par avance ce qui pourrait se passer, c’est vraiment LE livre idéal pour se laisser surprendre du début à la fin ! Foncez, je vous dit, et ne vous laissez pas tromper par la couverture qui ne reflète pas du tout l’histoire !
Ce livre a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons(plus d’explications sur cet article)