Lorenzo, Anto, Ivan et Roberto. Ils ont dix-huit ans, sont sans histoire et ont la vie devant eux. Ils sont quatre, quatre amis partis fêter la fin du lycée en Grèce. Le jour de la rentrée scolaire, les chaises des seuls garçons de la cinquième C sont vides. Quatre tables et quatre chaises vides au fond de la salle de cours. Lorenzo, Anto, Ivan et Roberto ne sont jamais rentrés. Où sont-ils? Et si les vacances en Grèce n’étaient qu’un prétexte? Selon le ministère des Affaires étrangères, c
’est en Turquie qu’ils auraient été vus pour la dernière fois.Alors que les parents sont réunis pour essayer de comprendre ce qui a bien pu se passer, Lorenzo rentre à la maison, la queue entre les jambes, hébété, les yeux rougis et vides. Muré dans le silence. Il n’a pas pu suivre ses potes. Il a été recalé par le passeur au pied d’une montagne de Turquie à cause de sa jambe défectueuse. Il n’a pas pu prendre part à l’aventure. Silencieux, il a promis de ne rien dire. Promis de ne pas trahir ses amis. Mais la mort de l’un d’eux risque de changer la donne. Lorenzon’a pas dit son dernier mot. Et cette date - ce rendez-vous sur une plage en Grèce pour Noël... L’aventure peut continuer.
Manquent à l’appel fait froid dans le dos. La réalité que radiographie Giorgio Scianna est d’une actualité sidérante. Il décrit bien comment il faut peu de chose pour que tout bascule. Une (mauvaise) rencontre, le visionnement de vidéos de propagande et voilà qu’une idée commence à germer. L’alternance de voix (troisième personne et Lorenzo) permet de bien saisir l’incompréhension de l’entourage, le vide laissé et l’attente qui n’en finit plus. La voix de Lorenzo montre à quel point l’amitié et la loyauté priment sur la cause.
J’en ai patiné un coup au début avec les noms des ados. Qui est qui, qui dit quoi et qui fait quoi? Quand je suis arrivée à la moitié, tout a pris sa place.
Les personnages sont crédibles et solidement campés. Giorgio Scianna sait parler de l’adolescence et de ses incertitudes, de ses doutes, de son désoeuvrement et de son besoin d’aventures, sans s’embourber dans les clichés. Le style est vif, acéré. Lafin ouverte m’a laissée songeuse. Je n’aime pas trop les fins ouvertes…Dans une note en fin de roman,
Giorgio Scianna explique que l’idée du roman est née d’une angoisse réelle. Celle de comprendre pourquoi un nombre grandissant de jeunes est subjugué par les images de Daech. Comment expliquer leur fascination pour une cause aussi absurde que sanguinaire?Cette histoire nous concerne tous. Ces ados issus d’une ville du nord de l’Italie pourraient être de partout.
Qu’est-ce qui pousse de jeunes Occidentaux à partir sur les terres de Daech? La quête d’aventure? Le désoeuvrement? Si le roman n’apporte pas de réponses, il a le mérite de soulever une foule de questions et de nourrir la réflexion.Un roman nécessaire, d’une gravité déchirante.
Manquent à l’appel, Giorgio Scianna, trad. Marianne Faurobert, Liana Levi, 208 pages, 2018.★★★★★