Pays provisoire, Fanny Tonnelier

Une fois n'est pas coutume, Pays provisoire est de nouveau un premier roman de ce début d'année 2018, proposé par le cercle des 68 premières fois. L'auteur, Fanny Tonnelier, vit près d'Angers, et c'est à peu près tout ce que l'internet veut bien me dire d'elle !
Pays provisoire, Fanny Tonnelier
Libres pensées...
Amélie Servoz a quitté sa Savoie natale pour reprendre la boutique de mode établie par une Française à Saint-Pétersbourg en 1910. Sept ans plus tard, alors que les Bolcheviks sont sur le point de renverser le Tsar, elle quitte la ville et décide de rentrer en France, alors que l'Europe est déchirée par la guerre. Le trajet s'annonce un long périple.
Pays provisoire est un premier roman intéressant, qui présente de nombreux atouts : le cadre choisi, la première guerre mondiale depuis Saint-Pétersbourg, est relativement original, et le voyage d'Amélie permet de maintenir ce regard inhabituel sur les événements de 1917, en Europe comme en Russie.
Par ailleurs, le métier d'Amélie, qui est modiste et confectionne des chapeaux, apporte une dimension supplémentaire en nous plongeant dans l'univers des tissus, des accessoires, leur pénurie, le monde de la haute société de l'époque se fournissant auprès de boutiques artisanales. On ressent le plaisir qu'a pris l'auteur à s'immerger dans cet univers, et l'on se plaît à se perdre à son tour parmi les créations d'Amélie, tout comme, par la suite, on s'éreinte à ses côtés pour tâcher de retrouver une place en France, alors que la guerre gronde et que les boutiques n'embauchent pas.
Enfin, dernier point important, il émane du texte une bienveillance, une énergie attachée au personnage d'Amélie, qui le dépasse pourtant, et propose cette étonnante expérience, consistant à porter un oeil candide, plein d'espoir, sur ce qu'il se passe alors, et à tirer le positif de toute épreuve. En effet, si la guerre est une sordide toile de fond, Amélie n'en perd pas moins de vue son objectif, qui est de rejoindre sa famille, de poursuivre sa carrière dans la mode, et dont les sentiments pour Friedrich, rencontré lors de son voyage, ne cessent de croître. Les pensées qui l'habitent sont parfois empreintes de naïveté, ce qui la rend attachante, mais peut aussi créer un décalage par rapport à ce que l'on sait et que l'on a lu de cette période. Même les épisodes douloureux, durant lesquels Amélie perd un ami par exemple, se traduisent en réactions ponctuelles, qui n'entament pas la joie de vivre et l'optimisme d'Amélie.
A cet égard, j'ai donc parfois eu l'impression que la protagoniste traversait l'Europe comme son époque sans véritablement prendre la mesure de ce qu'il se passe autour d'elle ; il faut dire qu'à l'exception de cet ami perdu, elle se retrouve, ainsi que son entourage, relativement épargnée par la guerre, le point culminant étant l'arrivée de Friedrich en France qui débarque, pourrait-on dire, la fleur à la bouche, alors que les risques encourus pour venir sont immenses.
Pays provisoire est donc un très joli roman, qui m'a cependant donné l'impression d'une bluette au coeur d'une guerre très meurtrière, conduisant à faire se côtoyer l'horreur et la légèreté, une combinaison pas toujours maîtrisée avec adresse, cependant le travail de documentation sur le milieu de la mode et la confection des chapeaux récompense largement la lecture ! 
Pour vous si...
  • Vous êtes un adorateur de la mode à la française ;
  • Vous voyez le verre à moitié plein.

Morceau choisi
"Le régiment de Nicolas partit parmi les premiers en Prusse orientale. Quand elle apprit que des milliers de soldats avaient été tués, ou étaient portés disparus, elle éprouva de la colère contre tous ces hommes politiques qui faisaient la guerre dans des fauteuils et envoyaient les soldats à la boucherie."
Note finale3/5(cool)