Une « sorcière en deuil » : Maria Mercè Marçal

Une « sorcière en deuil » : Maria Mercè Marçal

Maria Mercè Marçal (1952-1998) fut une poète et traductrice catalane. Patrice Beray a très bien décrit, sur Mediapart,  cette anthologie bilingue parue aux éditions Bruno Doucey en 2013, qui est la première traduction française de ses poèmes, et je voudrais seulement ajouter quelques mots.

« Je rends grâce au hasard de ces trois dons :
être née femme, de basse classe, de nation opprimée.

Et de ce trouble azur d’être trois fois rebelle. » (p. 9)

Telle est la « divisa » de la poète, sa devise faite pour diviser. Marçal ne goûte le sel de la vie que dans la lutte et la division, comme le dit un sonnet aussi intitulé « devise » :

« Sel ouvert dans la plaie : qu’elle ne guérisse !
Que ne me vainque nulle ancre, vaincue
Par les années, par la brise et la rue.
 » (p. 31)

La poétesse boit à la « copa« , la coupe pleine, qui coupe le vers revenant à la ligne, et qui coupe aussi le fil de la vie achevée :

« L’heure du poison a sonné : cette coupe
tente la soif clandestine de l’ombre.
 » (p. 43).

Voilà au moins l’une des cent leçons de ce petit livre : que quelquefois, couper, c’est vivre. Lorsqu’il n’y aura plus de brisées, l’animal chassé aura été pris.

« Rendez-vous au fond de l’étang sans brise. » (p. 25)

Pour en savoir un peu plus, on peut lire, en ligne, une étude d’Estrella Massip i Graupera au sujet de la solitude chez Marçal, par ici. Chez les critiques, néanmoins, je note que les figurations de la sorcière, personnage essentiel pour l’autrice de Sorcière en deuil (1979), ne sont guère étudiées. Avis aux amatrices et amateurs, bien des recherches sont encore possibles.

Maria Mercè Marçal, Trois fois rebelle, trad. Annie Bats, éditions Bruno Doucey, 2013, 112p., 14,50€.