Ma première rencontre livresque avec Louise Erdrich a eu lieu avec le troublant Dans le silence du vent. Il y a eu par la suite Le pique-nique des orphelins, qui m’avait bien plu, mais sans plus. J’attendais ce LaRose avec une trépidante impatienceDansle Dakota du Nord, en 1999, l’impensable se produit: alors qu’il chasse le cerf, Landeaux Iron tue accidentellement le jeune Dusty Ravich, le fils de son voisin et ami.La cour de l’État rend son verdict: c’est un accident; Landeaux n’est pas coupable. Ce jugement ne saurait calmer la détresse de Peter et Nola, les parents de Dusty, ni apaiser la culpabilité de Landeaux.Après une cérémonie dans la tente de sudation, Landreaux et sa femme Emmaline décident de donner LaRose, leur plus jeune fils, auRavich. «Notre fils sera votre fils maintenant.» Ce geste d’une incroyable abnégation ne règlera pas tout, loin de là.Reste à voir comment chacune des familles réagira à la perte, au deuil et à la réparation.
Landreaux fait son possible pour résister à l
’alcool, la honte et la culpabilité le tordent, l’envie de mourir rôde. Sa femme Emmaline remet en question le geste qu’ils ont posé. Peter sublime son besoin de vengeance en s’imaginant abattre une hache sur la tête de Landreaux. Nola, ravagée par le chagrin, navigue entre l’envie de vivre et celle de mourir, attirée par la corde qui traîne dans la grange.Elle parvient de peine et de misère à dissiper sa «ration de chagrin quotidienne» en faisant des gâteaux et en dénigrant sa fille Maggie. Si la mort de Dusty éloigne les parents, elle fortifie les liens entre les enfants des deux familles. À ces personnages s’en ajoutent quelques autres, étrangers au drame des deux familles. Chacun porte son fardeau à la mesure de sa force et de ses moyens. Louise Erdrich retrace par intermittence, tout au long du roman, l’histoire de la première LaRose, une jeune Ojibwée vendue par sa mère à un négociant. Cette LaRose, fascinant personnage, était une guérisseuse qui a adroitement résisté à l’assimilation à la culture, aux valeurs et à la religion des Blancs.LaRose
n’est pas le genre d’histoire qui donne envie de danser la rumba. Pourtant, malgré sa noirceur ambiante, l’intrigue n’est jamais étouffante. Louise Erdrich amène de l’humour et de l’ironie au milieu du désespoir. (Je songe aux résidents du centre pour personnes âgées, avec leur humour piquant.)Si tous les personnages sont bien incarnés, certains m’ont plus touchée que d’autres. Difficile de ne pas s’attacher à LaRose, ce sauveur débordant de sagesse et d’innocence, écartelé entre ses deux famillesUne fois de plus, Louise Erdrich se révèle une conteuse
ensorcelante. Elle entremêle habilement le passé et le présent pour créer une histoire fascinante de réparation, entre tradition et modernité. Les aller-retour sans préavis dans le temps et les dialogues imbriqués dans le texte pourraient en décourager certains. Mais l’effort en vaut la peine.Mon avis s’ajoute à ceux d’Electra, deFanny, de Sonia, de Raccoon, de Chinouk, de Jérôme et d’Eva.LaRose
, Louise Erdrich, trad. Isabelle Reinharez, Albin Michel, «Terres d’Amérique», 528 pages, 2018.★★★★★J’ai lu ce roman dans le cadre du challenge 50 États 50 romans (État du Dakota du Nord).