Par où commencer? Stephen King a dit de
My Absolute Darling
: «Le terme de chef-d’œuvre est bien trop galvaudé, mais il ne fait aucun doute que My Absolute Darling en est un.» François Busnel en a ajouté une couche: «Le roman le plus puissant, le plus dérangeant, et le plus profond que j'ai lu depuis des années.»Les critiques et la blogosphère littéraire sont dithyrambiques.Coudonc, est-ce qu’on a lu le même roman?
Ce roman a fait le buzz aux États-Unis, ici aussi. Je le vois partout. Je voulais le lire parce que l’histoire m’intriguait et avait tout pour me plaire. Je suis tombée de bien haut, de très très haut.Ça se passe à Mendocino, en Californie. Turtle, quatorze ans, vit dans les bois avec Martin, son père survivaliste. Elle est TOUT pour lui. Tout le monde sait de quoi il en retourne. Pas besoin d’user davantage mon clavier pour faire un résumé. Déjà que la touche de mon s est récalcitrante et ne cesse de faire des siennes...Ça commençait rondement, ça avançait bien. Puis ça a commencé à accrocher. Je ne me souviens pas d’avoir lu un roman en levant autant les yeux au ciel.
D’abord avec les dialogues répétitifs entre Turtle et son père sur le chemin qui mène au bus scolaire. Puis avec les envolées des garçons rencontrés par Turtle, celle de Jacob particulièrement. Un petit avant-goût?
«En utilisant la rhizofiltration, on pourrait récupérer des déchets nucléaire dans l’océan et la conserver dans des trétraèdres géants en verre laminé qui réchaufferaient lentement l’eau autour de notre île, et on pourrait élever plus de poissons.»Jacob, parlant de sa mère: «Elle sculpte des nus. Ses œuvres ne sont pas sans rappeler Rodin, dans leur corporalité soutenue et dans l’exagération de leurs idiosyncrasie humaine. Sur certaines sculptures, elle a remplacé le système vasculaire par des clématites.»«Parce que, genre, d’une certaine manière, je suis esclave d’une mentalité capitaliste coercitive et réductrice, mais toi aussi, tu es assez littéralement et physiquement captive.»Et puis Cayenne, une gamine de dix ans sortie de nulle part, qui lit Twilightet après, Délivrance. Le fait qu’elle connaisse Virginia Woolf me laisse plus que dubitative. «Je la trouve plutôt belle. Tu trouves pas, toi aussi? Que Virginia Woolf est plutôt belle? Et aussi plutôt effrayante?»Voyons donc, ça ne tient pas debout, ça. Trouvez-moi donc des jeunes qui parlent de même.
Il y a aussi cette surabondance inutile de «putain» et de «Oh! mon Dieu». Jamais je n’en avais vus autant en si peu de pages.Il y a ces épisodes surréalistes dont je n’ai pas compris la finalité. Turtle et Cayenne qui mangent des scorpions. Turtle qui tronçonne tous les meubles de la maison, puis creuse un trou pour les enterrer. À quoi ça mène? Je l
’ignore ou j’en ai manqué un bout. J’ai trouvé les personnages mal définis, flous, d’une froideur glaçante. Le destin de Turtle n’a pas éveillé en moi la moindre once de compassion. Et son père, je n’en parle même pas. Ah, et la fin! La fin dans la maison de Jacob. C’était n’importe quoi, ça. Dans une maison remplie de jeunes, Turtle et son père, armés jusqu’aux dents, jouent au chat et à la souris comme s’ils étaient seuls dans la baraque. Personne ne s’enfuit? La police n’arrive pas? Ben voyons donc.Pour ce qui est de la dureté du roman, on peut repasser. J’ai lu plus éprouvant, et de loin.Rafael derniers jours
de Gregory Mcdonald; Dandy de Richard Krawiec;Daddy Love de Joyce Carol Oates; Sukkwan Island de David Vann; Tigre, tigre! de Margaux Fragoso. Là, il y a des raisons de faire des cauchemars.Ni le style ni la construction du roman ne m’ont épatée. On est dans le conventionnel pur jus, sans grand effet, loin de l’émotion, plutôt dans la description. La syntaxe se hausse le col avec ses mots précis.Un peu de botanique? Des ronces parviflores, des tiges de houlques laineuses, des flouves, et j’en passe. Un peu de maniement d’armes?«Elle assemble le fusil, le canon dans la pompe, le ressort contre le percuteur, le percuteur en tension contre le canon, la pompe bloquée contre la carcasse, la pompe qui coulisse et s’enclenche, le chargeur dans le support, puis elle réenclenche la pompe afin de charger une balle, elle s’arrange pour que Martin l’entende.»Je me suis décrochée la mâchoire à force de bâiller.Les seuls passages qui ont retenu mon attention sont ceux qui mettent en scène le grand-père de Turtle et son chien. Mais les deux finissent mal assez vite. Tant pis pour moi!D’un roman qui aurait pu être glaçant, percutant, il ne m’en reste que quelques impressions floues et des phrases plates perdues dans la brume. Sur ce coup, je fais figure de mouton noir et je l’assume!Au suivant, pis ça presse.My Absolute Darling,
Gabriel Tallent, trad. Laura Derajinski, Gallmeister, 464 pages, 2018.★★★★★J’ai lu ce roman dans le cadre de mon challenge 50 États 50 romans (État de la Californie).