Exo, de Fonda Lee, traduit de l’anglais (États-Unis) par Éric Moreau, Bayard, 2018 (originale : 2017), 535 pages
L’histoire
La terre ne nous appartient plus…
Il y a un siècle, après une guerre meurtrière, la Terre a été colonisée par une civilisation extraterrestre : les Zhrees. Même si la paix a finalement été instaurée entre les deux peuples, les Zhrees dominent à présent la planète.
Donovan, 17 ans, est chargé de faire régner l’ordre. À l’âge de 5 ans, il a été sélectionné pour être un Exo, un soldat d’élite des Zhrees. Il est aussi le fils du chef du gouvernement qui collabore avec les extraterrestres. Tout ceci destine le jeune homme à un brillant avenir. Jusqu’au jour où une intervention tourne mal et que Donovan est enlevé par Sapience, un groupe de résistants qui luttent pour l’indépendance de l’espèce humaine…
Note : 2/5
Mon humble avis
Merci à Babelio et aux Éditions Bayard de m’avoir envoyé ce livre en échange d’une chronique honnête.
Quand j’ai reçu un mail de Babelio qui me proposait de recevoir ce livre dans le cadre d’une Masse Critique spéciale, je n’ai pas hésité. Je suis en pleine découverte de la science-fiction et la quatrième semblait très intéressante. Malheureusement, ce roman est une déception pour moi…
J’étais particulièrement intéressée par le fait que la Terre soit colonisée ; il s’agit d’une des problématiques que j’essaie d’explorer et cela promettait quelque chose de fascinant. Mais le roman s’attarde à peine sur cette question, tout en nous montrant des rebelles qui veulent lutter contre les Zhrees qui dominent la planète, le personnage principal reste persuadé du bien fondé de leur présence et de leur domination. Cela laisse un goût bien amer dans la bouche.
J’accroche souvent à des histoires (qu’il s’agisse de romans, de séries, de jeux…) grâce aux personnages et ici, Donovan, au travers duquel nous suivons l’histoire, m’est rapidement apparu comme insupportable. Pas forcément parce que son caractère est ainsi, mais il donne l’impression d’être affreusement mal écrit. On est toujours dans les actions, dans les descriptions de ce qu’il ressent, mais à aucun moment donné je n’ai été amenée à m’investir dans ce personnage. Et cela est valable pour le reste des personnages, seul Jet, le soldat partenaire de Donovan reste consistant je trouve.
Le world-building, la création d’un futur avec une race extraterrestre, aurait pu sauver le roman… mais non. J’ai trouvé cela très mal amené, on apprend bien tard à quoi ressemblent les Zhrees, on sait qu’on est en Amérique de l’Ouest, sans savoir si elle gouverne le reste de la planète ou ce qu’il se passe ailleurs. J’étais emballée quand j’ai appris que les Zhrees étaient hermaphrodites puisque cela sortait de la binarité habituelle… jusqu’à ce que je vérifie et effectivement : le masculin est constamment employé pour faire référence aux extraterrestres. Peut-être un problème de traduction, ce ne serait pas la première fois que la traduction française effacerait le neutre de la version originale…
Le Bâtisseur [Zhree] n’était pas vraiment de sexe masculin – les zhrees étaient tous hermaphrodites […].
(Il faudrait savoir, les Zhrees sont hermaphrodites ? Alors pourquoi « pas vraiment de sexe masculin » ? Plutôt pas du tout oui.)
J’ai d’ailleurs cherché, sur des chroniques anglaises du roman, pour voir ce qu’il en était. Si je n’ai rien trouvé à ce propos, j’ai bien eu confirmation que « Native American » avait mal été traduit, par « amérindien » au lieu de « natif américain ». D’ailleurs, sa présence dans n’importe quelle langue est incongrue : si les personnages sont de couleurs de peau diverses, il n’est jamais fait mention de leurs origines. Soit iels sont tou·te·s de l’Amérique de l’Ouest, soit les nations ont été abolies avec l’invasion des Zhrees. Mais du coup, ces références au dessin d’un « aigle natif américain » n’ont guère d’intérêt : cela aurait pu être un aigle tout court (d’ailleurs, je pense qu’ajouter l’adjectif ne veut absolument rien dire).
Toujours dans le flou de l’univers du roman, il est mentionné à plusieurs reprises que les Terriens sont croyants, une Bible est d’ailleurs mentionnée mais à aucun moment donné ce n’est expliqué. Pourtant, il me semble que l’invasion d’une race extraterrestre pourrait être la raison de remettre la religion en question, ou au moins, d’en expliciter l’histoire. Mais non, visiblement toute l’Amérique de l’Ouest est croyante, et bien sûr chrétienne protestante tant qu’à faire (ce qui reste cohérent avec l’Amérique de l’Ouest).
On le voit venir très tôt, mais bien sûr, le personnage principal commence à éprouver des sentiments pour une autre jeune fille rebelle du nom d’Anya et… non seulement il n’était pas nécessaire d’avoir un intérêt romantique dans cette histoire, mais surtout pas pour que ce soit si mal fait. Je vous laisse admirer :
Elle dégageait une légère odeur de sueur – pas une odeur malodorante de vestiaire, mais une sueur discrète de fille.
Donc apparemment, dans les vestiaires il n’y a que des garçons, et les filles ont la sueur discrète. Je suis tellement effarée que ce genre de choses puisse encore être écrit en 2017. Bien sûr, cela ne s’arrête pas là : Donovan prend rapidement l’habitude d’empêcher physiquement Anya de partir quand elle le souhaite (à chaque fois parce qu’il lui manque de respect et lui parle avec condescendance d’ailleurs) en l’attrapant par les poignets et autres joyeusetés. Et en plus de tout ça, il commence rapidement à avoir un discours possessif alors qu’ils ne sont même pas ensemble (pas que ce soit correct si ça l’avait été, mais là, c’est complètement pathologique) :
Mais en imaginant Anya et Kévin ensemble, les mains de ce rustre sur elle… il s’était laissé emporter par la colère. Il n’avait pu s’empêcher de cracher son venin.
Notons que le personnage n’a aucune idée d’où en sont Anya et Kévin, si ça se trouve, les deux sont dans une relation complètement stable et saine.
Je vais m’arrêter là. J’ai finalement beaucoup descendu ce livre dans cette chronique, mais ce n’est pas par méchanceté gratuite : je suis frustrée qu’on traduise un tel livre qui ne semble pas travaillé, alors que des perles attendent toujours de l’être. Et les clichés de la demoiselle en détresse, du sauveur, et l’écriture pleine de trous et d’incohérences ont eu raison de ma patience. Heureusement que ça se lit vite.