Tiens, cette citation résonne curieusement par les temps qui courent, vous ne trouvez pas ? Je l'espère, parce que c'est justement ce qui m'a poussé à faire ce choix de titre, pour évoquer un des thèmes centraux de notre roman du jour. Un roman noir, plus qu'un thriller, qui se déroule donc à Hollywood, en partie, tout du moins, dans ce monde merveilleux du cinéma, en tout cas tant qu'on ne regarde pas trop l'envers du décor. Mais, les soubresauts qui l'agitent depuis un an ne sont pas le seul sujet d'actualité que Dominique Maisons a intégré à son nouveau livre, sobrement intitulé "Tout le monde aime Bruce Willis" (en grand format aux éditions de la Martinière). Les stars naissent et traversent le firmament comme des météores, nouveaux objets de consommation (et de profit), jetables, interchangeables, standardisé(e)s, calibré(e)s, juste le temps qu'on les adule, et qu'on les oublie aussi vite... Alors, vie de rêve, oui, si on veut, mais parfois, on est plus proche du cauchemar...
A peine 20 ans, et Rose Century est déjà une des actrices les plus "bankables" de Hollywood. Son dernier film, un blockbuster dopé aux effets spéciaux, fait un carton et écrase le box-office. Autant dire que son compte en banque est au diapason et, dans sa villa de Stone Canyon Reservoir, la jeune femme a tout ce dont on peut rêver.
Malgré cela, la petite fille riche est triste. Triste au point de multiplier les frasques, du genre à faire la une des plus sordides tabloïds, ou pire, des chaînes de télévision spécialisées. Par exemple, lorsque l'envie lui prend, elle quitte Hollywood, se rend dans les vallées alentour, dans des bleds qui apparaissent à peine sur les cartes pour s'y encanailler.
Alcool, drogue, tout est bon pour s'éclater du soir au matin, et plus si affinités. Euh, attendez, non, ça, c'est la légende dorée... La vraie version, ce serait plutôt : alcool, drogue, tout est bon pour supporter cette vie horrible qu'est celle de Rose Century. A l'instar de nombreux enfants stars qui ont connu très jeunes la célébrité, elle est sur le point de péter les plombs.
Il faut dire que ça famille ne l'aide pas vraiment... Son père, prospère homme d'affaires qui a décidé d'entrer en politique et nourrit de grandes ambitions, d'abord le poste de gouverneur, et puis, qui sait... Sa mère, ancienne actrice de seconde zone (je suis sympa, quand je veux), qui s'est confite dans l'alcool et a reporté ses rêves de gloire sur sa fille... Son frère aîné, copie carbone de son père, l'intelligence en moins...
Sans oublier ce terrible traumatisme qui l'accompagne depuis des années maintenant, le suicide de sa grande soeur. Un souvenir toujours aussi vivace et douloureux et qui donne à Rose le sentiment d'être une imposture. Ce n'est pas elle qui aurait dû devenir une star, mais cette soeur plus âgée, si elle n'avait pas sombrer.
A son tour, Rose connaît les affres de la dépression, et cela ne plaît guère à ses proches, et encore moins aux proches de ses proches. Rose a beau être la star de la famille, elle en est le vilain petit canard, qui ne se gêne pas pour alimenter sa sulfureuse réputation. A moins qu'il ne s'agisse d'un consciencieux processus d'auto-destruction...
Mais, désormais, elle doit se faire discrète. L'ordre vient d'en-haut, de ce père qui a si souvent été absent et qui entend pourtant faire reposer sa campagne sur les valeurs familiales qu'il prétend incarner. Rose ne peut pas mettre en péril ce mécanisme si bien huilé en provoquant scandale sur scandale. En se roulant dans le vice et l'immoralité...
Et voilà que son agent lui dégote un projet de dingue, le genre de rôle qui consacre une carrière, qui fait de vous une star parmi les stars... Mais, là encore, Rose va jouer les têtes de pioche, au risque de briser sa carrière en plein essor. Elle s'en fout, mais son agent, lui, a misé gros sur elle dans un contexte un peu difficile...
Vie publique, vie privée, vie familiale, vie professionnelle, Rose sabote tout avec application, mettant tout le monde dans l'embarras, menaçant les importants projets des uns et des autres. Rose file un très mauvais coton, il va falloir que cela change, et vite. Et si elle refuse de changer, eh bien, peut-être faudra-t-il agir sans lui demander son avis et régler la question une bonne fois pour toutes...
"Tout le monde aime Bruce Willis" débute donc dans ce contexte si particulier d'une star adulée qui se sent prisonnière de cette vie à faire rêver tous les lecteurs de magazines people et autres revues sur papier glacé (tiens, vous savez que ça ne veut rien dire, en fait, papier glacé ? Hum... Désolé, revenons à nos moutons).
On assiste à cette descente aux enfers qui fait franchement mal au coeur, preuve que l'argent et la célébrité ne font pas le bonheur. Et l'on se demande comment Rose va pouvoir rétablir la situation, alors qu'elle ne le souhaite pas une seconde. Si le rôle surprenant qu'on lui propose peut suffire à la propulser sur les chemins de la rédemption...
Et on a tout faux...
Je ne vais pas du tout évoquer ce qui arrive ensuite à Rose, car Dominique Maisons vous ménage pas mal de surprises. A commencer par un twist terrible en fin de première partie, suivi d'une deuxième partie qui débute en nous privant carrément de tout repère... Mais où veut donc en venir l'auteur de "On se souvient du nom des assassins" (désormais disponible en poche, je le cite juste pour placer le lien du billet, en fait) ?
"Tout le monde aime Bruce Willis" est un pur roman noir, dont le contexte principal est donc le microcosme hollywoodien, avec le cinéma en son coeur. Mais, en fait, on va vite comprendre que tous ceux qui gravitent autour de cette industrie sont dans le collimateur et qu'ils vont en prendre pour leur grade.
Dominique Maisons s'appuie sur les événements récents qui ont secoué la machine à rêves, affaire Weinstein en tête. Rose doit d'ailleurs faire avec les avances d'un réalisateur sans scrupule. Mais, plus généralement, il pose la question des actrices et de leur statut, inférieur à celui des acteurs, aussi bien sur le plan économique que sur la manière dont elles sont considérées. Les cinquièmes roues du carrosse hollywoodien...
On leur ménage une place, lucrative, certes, on leur donne leur quota de gloire et de sunlights, on les paye confortablement, on travaille même sur des rôles qui resteront dans la mémoire collective. Mais, cela reste toujours en retrait par rapport aux acteurs. Et ces starlettes qu'on fait monter en graine bien trop vite et à qui on met une pression folle, se ressemble finalement toute.
Au point que le grand public ne sait même plus les différencier, les reconnaître. Il y a une scène terrible, qui rappelle d'ailleurs une anecdote qu'on raconte à propos de Chaplin, où Rose se rend sur le Walk of Fame, là où se trouve les fameuses étoiles aux noms des stars immortelles du Septième art, au milieu des sosies (pour le moins minables) des plus grandes stars... Et on ne la reconnait pas !
Pire, on la bouscule, on la jette, on lui reproche son déguisement minable (ce qui est risible quand on voit à quoi ressemblent ses détracteurs), on la prend pour une autre... D'un seul coup, la star tombe de son piédestal et affronte une réalité bien cruelle, celle de son absolue vanité, de l'infranchissable fossé qui sépare l'actrice de la femme.
La Rose (même pas pourpre, même pas du Caire) qui apparaît sur les écrans, dans des grosses productions très coûteuses, mais souvent très rentables, n'a rien à voir avec la Rose qui se défonce sans arrêt et broie du noir au quotidien. Oh, bien sûr, c'est une dépression dans un cocon bien douillet et des draps de satin, mais les faits sont là, Rose va mal, terriblement mal.
Au fur et à mesure de l'avancée du récit, on découvre cette vie, celle qui se déroule loin des caméras et des appareils photos. On voit cette existence sous un angle différent, et Rose avec nous, car ce qui va lui arriver va la pousser à changer de point de vue. Désormais, elle se retrouve face à une question en forme de dilemme : quelle vie souhaite-t-elle avoir ?
Elle n'a jamais eu la possibilité de faire des choix, on a toujours tout décidé pour elle, dans sa vie comme dans sa carrière. Cette vie, avec ses hauts, avec ses bas, c'est sa vie à elle, et elle la vit par procuration. C'est dans la difficulté qu'elle va réaliser tout cela et qu'elle va décider, coûte que coûte, de reprendre les choses en main...
Croyez-moi, avant d'en arriver là, il va lui falloir affronter bien des épreuves, mais pas franchement celles qu'on l'imaginait rencontrer lorsque l'on a fait sa connaissance, dans le rade crado d'un bled poussiéreux d'une vallée californienne, bien allumée (et elle n'est pas la seule dans ce cas), dansant sur un slow d'Aerosmith avant que Gordon, son ange gardien, n'arrive en catastrophe pour éviter le pire.
L'autre élément d'actualité important de "Tout le monde aime Bruce Willis", c'est la frontière américano-mexicaine. On le sait, elle a été un enjeu de la dernière campagne présidentielle, le nouveau locataire de la Maison Blanche rêve d'un mur de séparation infranchissable. Mais cette porosité si souvent dénoncé ne se trouve certainement pas là où l'on voudrait la placer.
Je ne vais pas trop développer cet aspect, car il nous faudrait révéler une partie de l'intrigue que, jusque-là, nous avons laissé entièrement dans l'ombre. Mais un mot résume bien tout cela : l'argent. Il n'a pas d'odeur, on le sait, même quand il est bien sale. Et les vilains petits arrangements de l'industrie cinématographique s'en accommodent aisément...
Je me rends compte à quel point il est difficile de parler de ce roman sans dévoiler certains aspects qui donnent à ce livre un côté très original. C'est sombre, dur, assez violent, même si c'est plus une violence qui relève du domaine psychologique que de la violence physique (qui n'est pas absente). C'est surtout une vision démythifiée du rêve américain, à travers un de ses plus puissants vecteurs.
Tout le monde en prend pour son grade, je le disais. Dominique Maisons va jusqu'à jouer avec les codes du soap-opera, car la famille de Rose pourrait parfaitement être au coeur d'un de ces interminables feuilletons dont les télés américaines ont le secret. Suis-je influencé par le personnage de la mère de Rose, en disant cela ? Possible, mais pas seulement.
Car, ce roman est bien aussi une affaire de famille, cette valeur sacro-sainte qui est l'une des bases de la société américaine (vous entendez Stars and Stripes, là ? Vous n'avez pas la main sur le coeur, là ?), une société qui nous apparaît de plus en plus souvent comme un gigantesque décor dans lequel chacun semble jouer un rôle. Mais la réalité, elle, est moins lumineuse...
Ah, il nous reste un dernier point à aborder, car je vous sens piaffer : et Bruce Willis, dans tout ça ? Soyez assurés qu'il ne joue pas les Cantatrices chauves (désolé, je n'ai pas pu m'empêcher, mais fallait pas tourner "Chacal", Bruce...), il apparaît bien dans le roman. Dans quelles circonstances ? Vous le découvrirez en lisant le livre de Dominique Maisons, bien sûr !
Et, que vous aimiez Bruce Willis ou pas, cela n'a que peu d'importance. La véritable héroïne de ce roman noir, c'est bien Rose Century, jeune actrice à la popularité croissante, mais aux états d'âme abyssaux. Elle n'est pas Bruce, ce n'est pas le monde qu'elle cherche à sauver. Non, elle n'aspire qu'à se sauver elle-même de ce destin qui fait tant rêver les foules, mais qui l'étouffe...
A peine 20 ans, et Rose Century est déjà une des actrices les plus "bankables" de Hollywood. Son dernier film, un blockbuster dopé aux effets spéciaux, fait un carton et écrase le box-office. Autant dire que son compte en banque est au diapason et, dans sa villa de Stone Canyon Reservoir, la jeune femme a tout ce dont on peut rêver.
Malgré cela, la petite fille riche est triste. Triste au point de multiplier les frasques, du genre à faire la une des plus sordides tabloïds, ou pire, des chaînes de télévision spécialisées. Par exemple, lorsque l'envie lui prend, elle quitte Hollywood, se rend dans les vallées alentour, dans des bleds qui apparaissent à peine sur les cartes pour s'y encanailler.
Alcool, drogue, tout est bon pour s'éclater du soir au matin, et plus si affinités. Euh, attendez, non, ça, c'est la légende dorée... La vraie version, ce serait plutôt : alcool, drogue, tout est bon pour supporter cette vie horrible qu'est celle de Rose Century. A l'instar de nombreux enfants stars qui ont connu très jeunes la célébrité, elle est sur le point de péter les plombs.
Il faut dire que ça famille ne l'aide pas vraiment... Son père, prospère homme d'affaires qui a décidé d'entrer en politique et nourrit de grandes ambitions, d'abord le poste de gouverneur, et puis, qui sait... Sa mère, ancienne actrice de seconde zone (je suis sympa, quand je veux), qui s'est confite dans l'alcool et a reporté ses rêves de gloire sur sa fille... Son frère aîné, copie carbone de son père, l'intelligence en moins...
Sans oublier ce terrible traumatisme qui l'accompagne depuis des années maintenant, le suicide de sa grande soeur. Un souvenir toujours aussi vivace et douloureux et qui donne à Rose le sentiment d'être une imposture. Ce n'est pas elle qui aurait dû devenir une star, mais cette soeur plus âgée, si elle n'avait pas sombrer.
A son tour, Rose connaît les affres de la dépression, et cela ne plaît guère à ses proches, et encore moins aux proches de ses proches. Rose a beau être la star de la famille, elle en est le vilain petit canard, qui ne se gêne pas pour alimenter sa sulfureuse réputation. A moins qu'il ne s'agisse d'un consciencieux processus d'auto-destruction...
Mais, désormais, elle doit se faire discrète. L'ordre vient d'en-haut, de ce père qui a si souvent été absent et qui entend pourtant faire reposer sa campagne sur les valeurs familiales qu'il prétend incarner. Rose ne peut pas mettre en péril ce mécanisme si bien huilé en provoquant scandale sur scandale. En se roulant dans le vice et l'immoralité...
Et voilà que son agent lui dégote un projet de dingue, le genre de rôle qui consacre une carrière, qui fait de vous une star parmi les stars... Mais, là encore, Rose va jouer les têtes de pioche, au risque de briser sa carrière en plein essor. Elle s'en fout, mais son agent, lui, a misé gros sur elle dans un contexte un peu difficile...
Vie publique, vie privée, vie familiale, vie professionnelle, Rose sabote tout avec application, mettant tout le monde dans l'embarras, menaçant les importants projets des uns et des autres. Rose file un très mauvais coton, il va falloir que cela change, et vite. Et si elle refuse de changer, eh bien, peut-être faudra-t-il agir sans lui demander son avis et régler la question une bonne fois pour toutes...
"Tout le monde aime Bruce Willis" débute donc dans ce contexte si particulier d'une star adulée qui se sent prisonnière de cette vie à faire rêver tous les lecteurs de magazines people et autres revues sur papier glacé (tiens, vous savez que ça ne veut rien dire, en fait, papier glacé ? Hum... Désolé, revenons à nos moutons).
On assiste à cette descente aux enfers qui fait franchement mal au coeur, preuve que l'argent et la célébrité ne font pas le bonheur. Et l'on se demande comment Rose va pouvoir rétablir la situation, alors qu'elle ne le souhaite pas une seconde. Si le rôle surprenant qu'on lui propose peut suffire à la propulser sur les chemins de la rédemption...
Et on a tout faux...
Je ne vais pas du tout évoquer ce qui arrive ensuite à Rose, car Dominique Maisons vous ménage pas mal de surprises. A commencer par un twist terrible en fin de première partie, suivi d'une deuxième partie qui débute en nous privant carrément de tout repère... Mais où veut donc en venir l'auteur de "On se souvient du nom des assassins" (désormais disponible en poche, je le cite juste pour placer le lien du billet, en fait) ?
"Tout le monde aime Bruce Willis" est un pur roman noir, dont le contexte principal est donc le microcosme hollywoodien, avec le cinéma en son coeur. Mais, en fait, on va vite comprendre que tous ceux qui gravitent autour de cette industrie sont dans le collimateur et qu'ils vont en prendre pour leur grade.
Dominique Maisons s'appuie sur les événements récents qui ont secoué la machine à rêves, affaire Weinstein en tête. Rose doit d'ailleurs faire avec les avances d'un réalisateur sans scrupule. Mais, plus généralement, il pose la question des actrices et de leur statut, inférieur à celui des acteurs, aussi bien sur le plan économique que sur la manière dont elles sont considérées. Les cinquièmes roues du carrosse hollywoodien...
On leur ménage une place, lucrative, certes, on leur donne leur quota de gloire et de sunlights, on les paye confortablement, on travaille même sur des rôles qui resteront dans la mémoire collective. Mais, cela reste toujours en retrait par rapport aux acteurs. Et ces starlettes qu'on fait monter en graine bien trop vite et à qui on met une pression folle, se ressemble finalement toute.
Au point que le grand public ne sait même plus les différencier, les reconnaître. Il y a une scène terrible, qui rappelle d'ailleurs une anecdote qu'on raconte à propos de Chaplin, où Rose se rend sur le Walk of Fame, là où se trouve les fameuses étoiles aux noms des stars immortelles du Septième art, au milieu des sosies (pour le moins minables) des plus grandes stars... Et on ne la reconnait pas !
Pire, on la bouscule, on la jette, on lui reproche son déguisement minable (ce qui est risible quand on voit à quoi ressemblent ses détracteurs), on la prend pour une autre... D'un seul coup, la star tombe de son piédestal et affronte une réalité bien cruelle, celle de son absolue vanité, de l'infranchissable fossé qui sépare l'actrice de la femme.
La Rose (même pas pourpre, même pas du Caire) qui apparaît sur les écrans, dans des grosses productions très coûteuses, mais souvent très rentables, n'a rien à voir avec la Rose qui se défonce sans arrêt et broie du noir au quotidien. Oh, bien sûr, c'est une dépression dans un cocon bien douillet et des draps de satin, mais les faits sont là, Rose va mal, terriblement mal.
Au fur et à mesure de l'avancée du récit, on découvre cette vie, celle qui se déroule loin des caméras et des appareils photos. On voit cette existence sous un angle différent, et Rose avec nous, car ce qui va lui arriver va la pousser à changer de point de vue. Désormais, elle se retrouve face à une question en forme de dilemme : quelle vie souhaite-t-elle avoir ?
Elle n'a jamais eu la possibilité de faire des choix, on a toujours tout décidé pour elle, dans sa vie comme dans sa carrière. Cette vie, avec ses hauts, avec ses bas, c'est sa vie à elle, et elle la vit par procuration. C'est dans la difficulté qu'elle va réaliser tout cela et qu'elle va décider, coûte que coûte, de reprendre les choses en main...
Croyez-moi, avant d'en arriver là, il va lui falloir affronter bien des épreuves, mais pas franchement celles qu'on l'imaginait rencontrer lorsque l'on a fait sa connaissance, dans le rade crado d'un bled poussiéreux d'une vallée californienne, bien allumée (et elle n'est pas la seule dans ce cas), dansant sur un slow d'Aerosmith avant que Gordon, son ange gardien, n'arrive en catastrophe pour éviter le pire.
L'autre élément d'actualité important de "Tout le monde aime Bruce Willis", c'est la frontière américano-mexicaine. On le sait, elle a été un enjeu de la dernière campagne présidentielle, le nouveau locataire de la Maison Blanche rêve d'un mur de séparation infranchissable. Mais cette porosité si souvent dénoncé ne se trouve certainement pas là où l'on voudrait la placer.
Je ne vais pas trop développer cet aspect, car il nous faudrait révéler une partie de l'intrigue que, jusque-là, nous avons laissé entièrement dans l'ombre. Mais un mot résume bien tout cela : l'argent. Il n'a pas d'odeur, on le sait, même quand il est bien sale. Et les vilains petits arrangements de l'industrie cinématographique s'en accommodent aisément...
Je me rends compte à quel point il est difficile de parler de ce roman sans dévoiler certains aspects qui donnent à ce livre un côté très original. C'est sombre, dur, assez violent, même si c'est plus une violence qui relève du domaine psychologique que de la violence physique (qui n'est pas absente). C'est surtout une vision démythifiée du rêve américain, à travers un de ses plus puissants vecteurs.
Tout le monde en prend pour son grade, je le disais. Dominique Maisons va jusqu'à jouer avec les codes du soap-opera, car la famille de Rose pourrait parfaitement être au coeur d'un de ces interminables feuilletons dont les télés américaines ont le secret. Suis-je influencé par le personnage de la mère de Rose, en disant cela ? Possible, mais pas seulement.
Car, ce roman est bien aussi une affaire de famille, cette valeur sacro-sainte qui est l'une des bases de la société américaine (vous entendez Stars and Stripes, là ? Vous n'avez pas la main sur le coeur, là ?), une société qui nous apparaît de plus en plus souvent comme un gigantesque décor dans lequel chacun semble jouer un rôle. Mais la réalité, elle, est moins lumineuse...
Ah, il nous reste un dernier point à aborder, car je vous sens piaffer : et Bruce Willis, dans tout ça ? Soyez assurés qu'il ne joue pas les Cantatrices chauves (désolé, je n'ai pas pu m'empêcher, mais fallait pas tourner "Chacal", Bruce...), il apparaît bien dans le roman. Dans quelles circonstances ? Vous le découvrirez en lisant le livre de Dominique Maisons, bien sûr !
Et, que vous aimiez Bruce Willis ou pas, cela n'a que peu d'importance. La véritable héroïne de ce roman noir, c'est bien Rose Century, jeune actrice à la popularité croissante, mais aux états d'âme abyssaux. Elle n'est pas Bruce, ce n'est pas le monde qu'elle cherche à sauver. Non, elle n'aspire qu'à se sauver elle-même de ce destin qui fait tant rêver les foules, mais qui l'étouffe...