Au coeur de l’omerta et la vendetta

Par Mathieu Van Overstraeten @matvano

Une histoire corse (Dodo – Glen Chapron – Editions Glénat)

C’est ce qu’on appelle une rencontre inattendue! Alors qu’elle passe ses vacances d’été en Corse, Catherine est surprise par un orage violent après avoir été se baigner dans la rivière. Pas moyen pour elle de se réfugier. Heureusement, une Porsche conduite par un certain Antoine passe par là, ce qui lui permet de se mettre à l’abri. Le conducteur, plutôt sympathique, s’amuse de cette touriste qui se fait piéger par la météo locale. La discussion s’engage et Catherine raconte avec enthousiasme qu’elle passe tous ses étés dans le village de Castellaciu, un endroit pourtant très peu fréquenté par les touristes. Intrigué, Antoine lui demande plus de détails. Lorsque la jeune femme lui révèle le nom de sa grand-mère, Virginie Pietri, Antoine change de couleur et freine brusquement. « Je… Tu… es ma soeur », bredouille-t-il. Dans un premier temps, Catherine éclate de rire. Mais rapidement, elle découvre que cet inconnu qu’elle vient de croiser totalement par hasard est effectivement son demi-frère caché. Comment a-t-elle pu ignorer cette information cruciale pendant plus de 20 ans? Pourquoi sa mère lui a-t-elle dissimulé qu’elle avait eu un premier mari et un premier enfant? En rattrapant le temps avec son « nouveau » frère, Catherine découvre plusieurs autres secrets de famille et se rend compte que la fameuse omerta corse reste une tradition bien vivante.

Bien sûr, il y a eu « Astérix en Corse ». Plus récemment, il y a eu aussi « L’île des Justes », un récit historique qui se déroule en Corse durant la Seconde guerre mondiale. Mais hormis ces quelques exceptions, il faut bien reconnaître que très peu de bandes dessinées sont parvenues jusqu’ici à capter l’âme de l’île de Beauté. On ne peut donc que saluer le travail des auteurs de la BD « Une histoire corse ». Ce roman graphique surprenant réussit à nous plonger véritablement dans l’ambiance très particulière de l’omerta et la vendetta, ces deux principes de vie tellement corses, sans pour autant verser dans le cliché ou dans le déjà vu. C’est sans doute parce qu’elle est elle-même d’origine corse que la scénariste Dodo, connue avant tout pour sa série « Max et Nina » avec Ben Radis, parvient à nous raconter une histoire familiale typiquement corse. Elle reconnaît d’ailleurs s’être inspirée de ses propres souvenirs d’enfance pour raconter cette histoire, qui se déroule au début des années 80. A côté de sa crédibilité, l’autre grande qualité du scénario de Dodo est sa construction très soignée. En utilisant habilement les flashbacks, la scénariste parvient à garder son lecteur en haleine tout au long du récit, en n’hésitant pas à lui réserver plusieurs rebondissements totalement inattendus. Et puis bien sûr, il y a les dessins magnifiques de Glen Chapron. Son trait a l’air très simple, mais il est parfaitement maîtrisé et dégage une vraie émotion. Difficile de croire que ce dessinateur est Breton et qu’il a étudié l’illustration à Strasbourg lorsqu’on voit avec quel talent il parvient à donner vie à la Corse. « Une histoire corse » est un drame familial qui plaira à coup sûr à tous les amoureux de l’île de Beauté.