Tristan et Yumi1, Paul Chabot
Editeur : PublishroomNombre de pages : 295Résumé : Dans un siècle, l’air et l’eau sont des ressources rares et précieuses, liberté et espace de vie sont très restreints. Tristan est destiné à vivre cinquante ans en bas de l’échelle sociale, et Yumi à vivre cent vingt ans à son sommet. Comme tous les citoyens du monde, ils veulent tous les deux quitter la Terre pour vivre dans les colonies spatiales. Le jour où leurs chemins se croisent, un affreux coup du sort ruine leurs projets et vies : Tristan est condamné au pénitencier, Yumi devient un cobaye technologique avant d’intégrer un corps de troupe d’élite. Ils ressentiront tristesse, haine et besoin de vengeance envers la société qui les a trompés et manipulés.
Un grand merci aux éditions Publishroom pour l’envoi de ce volume et à la plateforme SimPlement pour avoir rendu ce partenariat possible.
- Un petit extrait -
« - S'il était tellement important, cet argent, comment se fait-il qu'il ait disparu aujourd'hui ? On s'en passe très bien nous !- Pas tout à fait. Pour mettre fin au cycle infernal des multiples crises financières et économiques qui secouaient régulièrement les siècles et conduisirent à la guerre, le crédit fédéral fut créé en 2080, monnaie numérique qui, comme tu le sais, se base sur la seule valeur des ressources indispensables à la survie de l'humanité : eau, oxygène, et énergie.- Et c'est pour cela que tout citoyen consommant plus que ce qu'il apporte se voit donc naturellement rétrogradé du secteur vert au jaune, ou du jaune au rouge, commente Tristan mécaniquement. Mais ce système pose un problème majeur, il accroît les injustices et restreint les libertés. Pourquoi ne peut-on tous profiter d'un air de qualité, de jardins et d'eau pure ?- On le pouvait encore du temps de mon père, répond Clint. Mais cela n'a pas duré, car il est dans la nature de l'homme d'abuser de ce qu'il possède en abondance et de vouloir toujours plus, au risque même de sacrifier inconsciemment ce qu'il a de plus cher... Quand des milliards d'êtres humains ont la liberté de prendre tout ce qu'ils peuvent quand ils le veulent, il vient un jour où il n'y a plus assez pour tous, et alors on se massacre pour prendre aux autres.- Si je comprends bien, c'est parce qu'on avait trop de libertés et d'abondance à ton époque que la Terre est devenue ce qu'elle est aujourd'hui ? J'ai du mal à croire que juste pour avoir plus, les hommes soient stupides au point de détruire leur planète et eux avec.... »
- Mon avis sur le livre -
Il semblerait que je sois en pleine rechute de science-fictionite aiguë : presque tous les services de presse qui attirent actuellement mon attention sur Simplement.pro appartiennent à ce genre ! Tristan et Yumi n’a pas fait exception à la règle : j’ai vu des galaxies et une nébuleuse sur la couverture, j’ai lu le résumé, j’ai aussitôt postulée, et j’étais immensément ravie lorsque ma demande a été acceptée ! Une surprise de taille m’attendait toutefois dans ma boite aux lettres : alors que je m’attendais à recevoir un one-shot, la quatrième de couverture précise qu’il s’agit d’un premier tome … Petit moment de désespoir, car je pressentais au fond de moi-même que j’allais immensément regretter, en fin de lecture, de ne pas avoir la suite sous la main. Ma prédiction fut - malheureusement pour moi - exacte : après avoir tourné la dernière page de ce roman, je n’avais qu’une seule envie, me plonger dans la suite … que je n’ai pas.
2122. La Terre est à l’agonie, les ressources se font de plus en plus rares, la pollution et le climat menacent à tout instant d’anéantir ce qu’il reste de l’humanité. Cette dernière choisit alors la voie de la Colonisation spatiale … du moins si les citoyens votent en faveur de cette loi. Tristan, lui, n’a aucun doute à ce propos : son plus grand rêve est de quitter cette planète désolée, de quitter son quotidien misérable de « sous-citoyen » condamné à mourir à l’âge de 50 ans après une vie de labeur exténuant. Tandis qu’il tente d’obtenir une place au sein de l’Arche au marché noir, le jeune homme se fait arrêter. Yumi, audacieuse lieutenant de police, fait partie des privilégiés du système … toutefois, sa première mission en solo va bouleverser toutes ses certitudes ...
Ce roman nous dépeint un sombre avenir : planète désolée en proie aux foudres du climat et rendue inhospitalière par la pollution et les conflits nucléaires du passé, société basée sur un système de « ségrégation positive », où les citoyens qui consomment plus qu’ils ne rapportent à la collectivité se voient rétrogradés dans l’échelle sociale tandis que leur espérance de vie est réduite à chaque incartade … Propagande et surveillance constante des citoyens par l’intermédiaire des neuropuces font partie des outils utilisés par le Ministère de la Vérité pour garantir l’ordre social et éviter les révoltes … sans oublier les promesses : travaillez, soyez utiles à la communauté et vous serez récompensés. Autant vous dire que ce roman dystopique post-apocalyptique n’est bien pas flatteur envers l’espèce humaine, dont les pires défauts sont mis en exergue du début à la fin … mais surtout, ce livre, il veut alerter, il veut mettre en garde : protégeons notre planète, ne nous laissons pas aveugler par la cupidité et l’avidité, soyons vigilants et pensons aux générations futures et pas seulement à notre « ici et maintenant » personnel !
Mais même sans prêter attention à ce message subliminal, ce roman est vraiment sympathique. Sans révolutionner le genre, il nous offre un bon moment de lecture en compagnie de Tristan et Yumi, deux personnages totalement différents : le premier fait partie des défavorisés du système tandis que la seconde fait partie des privilégiés ; le premier est rêveur et idéaliste, la seconde est rebelle et non-conformiste. J’ai plus d’affinités avec Tristan, plus discret et réservé, mais j’apprécie énormément l’audace et la désinvolture de Yumi. Contrairement à ce que laisse présumer le titre, les chemins de nos deux protagonistes ne font que se croiser brièvement et ne se rejoignent pas définitivement : je pense qu’il nous faudra attendre le tome suivant pour les voir avancer côte à côte. Et vu comment termine ce premier tome, magnifique apothéose de tout un roman de rebondissements et de retournements de situation, je pense que le second tome sera particulièrement mouvementé ! On ne s’ennuie pas avec ce livre, qui déjoue toutes les attentes du lecteur : je ne m’attendais absolument pas aux tournants complétement imprévisibles que prennent les aventures de nos deux héros !
Malheureusement, quelques détails ont quelque peu contrarié ma lecture. Tout d’abord, l’omniprésence de la violence. Je n’ai rien contre cette dernière dans les récits, elle est parfois nécessaire pour le déroulement de l’intrigue, mais ici, j’ai trouvé que l’auteur en avait fait un peu trop. Et cela d’autant plus que les descriptions sont très évocatrices, qu’il y a par conséquent du sang et des boyaux qui jonchent le sol, et que l’ouvrage aborde une thématique assez malsaine qui risque de mettre mal à l’aise les lecteurs les plus sensibles. Attention, donc, un livre à ne pas mettre entre toutes les mains ! Autre petit détail assez perturbant : les personnages rêvent, parfois, ou se lancent dans de grandes réflexions introspectives … et rien dans la mise en page ne permet au lecteur de comprendre qu’il s’agit d’une digression par rapport à la narration. J’ai parfois eu du mal à suivre, d’autant plus qu’il y a un sacré problème de concordance et de cohérence des temps : présent ou passé simple, il faut choisir, l’alternance est vraiment déstabilisante ! Enfin, quelques imprécisions du côté des descriptions m’ont empêché de comprendre certains détails de cet univers, en particulier en ce qui concerne la « topologie » des cités : sont-elles sous dôme ? immergées dans l’océan ? les deux ?
En bref, malgré un certain nombre de maladresses, ce roman a su me faire passer un excellent moment de lecture. Derrière cette intrigue apparemment banale se cache en vérité un roman puissant et intéressant qui tiendra en haleine les amateurs d’action et fera le bonheur des lecteurs intéressés par la sociologie et la politique. S’ajoute également un véritable plaidoyer écologiste par la mise en scène d’un monde ravagé, détruit par le gaspillage et la surconsommation des ressources, saccagé par l’égoïsme de l’humain qui oublie constamment que la Terre a besoin qu’on veille sur elle autant qu’elle veille sur nous en nous portant et en nous donnant les ressources nécessaires à notre survie. Un premier tome introductif mais pas seulement, qui lance l’intrigue avec force et suspens, et qui fait naitre dans le cœur du lecteur l’envie irrépressible de lire la suite !
Ce livre a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons(plus d’explications sur cet article)