The End (Zep – Editions Rue de Sèvres)
Dans les Pyrénées espagnoles, un couple de randonneurs admire la beauté des paysages, puis se remet en route. L’instant semble parfait. Mais peu avant de rejoindre le petit village de Santa Cruz de la Serós, l’homme fait un malaise et tombe raide mort. Paniquée, sa compagne appelle à l’aide mais quelques secondes plus tard, elle s’écroule à son tour, tout comme l’ensemble des habitants du village. A des centaines de kilomètres de là, dans la réserve naturelle de Dokslå en Suède, le jeune chercheur Théodore Atem ignore tout du drame qui vient de se jouer en Espagne. Il faut dire qu’il a d’autres préoccupations en tête, puisque c’est son premier jour en tant que stagiaire dans l’équipe dirigée par le professeur Frawley, un spécialiste de la paléo-botanique. A peine arrivé, Théodore se sent immédiatement très à l’aise avec Moon, l’assistante du professeur. Par contre, il a plus de mal à cerner la personnalité de Frawley. Il est vrai que le vieux professeur semble un peu allumé. Notamment parce qu’il passe ses journées à écouter en boucle le premier album des Doors. Surtout la chanson « The End », durant laquelle il ne faut en aucun cas le déranger. Or, la chanson dure quand même douze minutes… Malgré cette lubie musicale, les travaux du professeur sur la communication entre les arbres sont tout ce qu’il y a de plus sérieux. Hélas pour lui, les théories de Frawley sont sans doute trop révolutionnaires pour ses collègues puisqu’elles lui ont valu d’être mis au ban de la communauté scientifique internationale. Le professeur est persuadé que les arbres détiennent l’ensemble de la mémoire de la planète dans leur ADN. Une sorte de journal de la Terre depuis son origine, qu’il appelle le « codex arboris ». Selon Frawley, les arbres cachent cette information cruciale aux humains car ils ne les jugent pas dignes de recevoir cette connaissance. Et si les arbres décidaient de reprendre le contrôle face aux agressions incessantes des hommes contre la nature?
C’est devenu une bonne habitude chez Zep. Entre deux albums de Titeuf, l’auteur suisse s’accorde des petites escapades dans un registre plus sérieux et plus adulte, tant au niveau des thématiques abordées qu’au niveau des dessins. Après « Une histoire d’hommes » et « Un bruit étrange et beau », voici donc « The End », un récit d’anticipation aussi envoûtant qu’effrayant. Dans cette fable écologique, Zep imagine un monde dans lequel les arbres, lassés des dérèglements créés par les hommes, communiquent entre eux pour générer une mutation dont l’objectif est de ramener un certain équilibre sur Terre. En grand amateur de musique, Zep a couplé cette histoire apocalyptique à « The End », la chanson mythique des Doors, que l’on retrouve en fil rouge tout au long de l’album. Totalement fantaisiste, le récit imaginé par Zep? Pas tant que ça, si on en croit l’auteur. Selon lui, « The End » est certes une fiction, mais elle se base sur beaucoup de faits réels. L’auteur affirme ainsi avoir confronté son scénario à plusieurs scientifiques, notamment le botaniste Francis Hallé, qui a d’ailleurs servi d’inspiration pour les traits du professeur Frawley dans la BD. En lisant « The End », on pense bien sûr aussi à « La Vie secrète des arbres », le best-seller de Peter Wohlleben, mais Zep dit ne l’avoir lu qu’après avoir terminé son propre scénario. Ce qui est certain, c’est que l’auteur suisse est parfaitement dans l’air du temps avec ce récit certes un brin moralisateur, mais très efficace et parfaitement construit. Décidément, Zep n’a pas fini de nous surprendre.
La bande-annonce de « The End »: