Eleanor Oliphant va très bien · Gail Honeyman

Eleanor Oliphant va très bien · Gail Honeyman
Eleanor Oliphant vit à Glasgow, en Écosse. Eleanor ne va pas bien, malgré ce qu’en dit le titre. En fait, elle va même plutôt mal. Eleanor Oliphant va très bien · Gail HoneymanÀ bientôt trente ans, Eleanor a réglé sa vie au quart de tour. Elle travaille depuis près de dix ans au département des comptes dans une société de production, du lundi au vendredi de 8h30 à 17h30. Lorsqu’ils ne se moquent pas d’elle, ses collègues lui tournent le dos. Le vendredi, pour fêter l’arrivée du week-end, elle achète une pizza margherita, une bouteille de Chianti et deux de vodka. Elle passe sa fin de semaine à dormir et à regarder la télé. Rien de bien palpitant, mais ça lui convient.Eleanor parle avec sa mère incarcérée tous les mercredis. Une assistante sociale lui rend visite à loccasion pour s’assurer que sa vie n’a pas dérapé. Un événement traumatisant, survenu dans son enfance, explique la carapace qu’elle s’est forgée. Socialement maladroite, voir inadaptée, elle prend tout au pied de la lettre. Elle ne se plaint pourtant pas de son isolement. Sa routine rassurante est confortable.

J’ai parfois le sentiment que je ne suis pas là, que je suis le fruit de mon imagination. Il y a des jours où je me sens si peu attachée à la Terre que les fils qui me relient à la planète sont fins comme ceux d’une toile d’araignée, comme du sucre filé. Une grosse bourrasque suffirait à m’en détacher; je m’élèverais et serais emportée comme des aigrettes de pissenlit.Le jour où Eleanor gagne des billets pour assister à un concert de rock, elle s’entiche du chanteur. Elle fait une fixation, les fantasmes dans le tapis. Mettant tout en oeuvre pour forcer le destin et le rencontrer, elle s’achète un ordinateur pour faire des recherches sur lui. Elle renouvelle sa garde-robe, change de tête et passe chez l’esthéticienne. L’arrivée de Raymond, le nouvel informaticien du bureau, bouscule son quotidien. Raymond et Eleanor aident de façon inattendue un vieil homme qui a fait un malaise dans la rue. Les trois se lient d’une amitié improbable. Eleanor commence à souvrir aux autres. Timidement, elle découvre les effets bienfaisants de la bonté et de l’amitié. Ne lui reste plus qu’à se délester de son passé toxique et aller de l’avant.

·  ·  ·         ·  ·  ·         ·  ·  ·Quel vent de fraîcheur soulevé par cette Eleanor! Un personnage original, atypique, comme il y en a trop peu en littérature. Malgré tout ce qu’elle a vécu, Eleanorne se pose jamais en victime. Par le biais de son héroïne, Gail Honeyman se moque des conventions et des rôles sociaux trop souvent castrants.
À force d’observer les gens depuis mon banc de touche, j’avais fini par comprendre que le succès en société dépendait souvent de la capacité à faire semblant. Les personnes populaires devaient savoir rire de choses qu’elles ne trouvaient pas très drôles, et faire ce qu’elles n’avaient pas envie de faire avec des gens qu’elles n’appréciaient pas plus que ça. Moi pas. Il y avait longtemps, j’avais décidé que si je devais choisir entre ça et mener ma barque en solo, alors je mènerais ma barque en solo. C’était plus sûr.
À tout moment, l’humour allège la lourdeur du sujet. Gail Honeyman traite des traumatismes de l’enfance et de la résilience dans un style frais et enlevé. Elle montre avec beaucoup de finesse la difficulté à se construire et à sadapter lorsque les codes sociaux font défaut.J’ai longtemps hésité avant de mettre la main sur le roman de Gail Honeyman. Je craignais l’effet «romance» rose bonbon. Mes appréhensions n’étaient heureusement non fondées. J’avoue que la couverture a bien fait son travail d’aimant. Un feel-good book brillant et rafraîchissant. Simple, mais diablement efficace. Même la présence de quelques clichés n’a pas réussi à gâcher mon plaisir!

Eleanor Oliphant va très bien,

Gail Honeyman, trad. Aline Azoulay-Pacvon, Fleuve Éditions, 432 pages, 2017.