Éditions Robert Laffont, 2017 (351 pages)
Ma note : 14/20
Quatrième de couverture …
Miss Bartlett ne s’en remet pas : pour son premier voyage à Florence, sa jeune cousine Lucy devait bénéficier d’une chambre avec vue. Comment la tenancière de leur pension a-t-elle pu si cruellement les décevoir ? Tandis que la jeune fille et son chaperon accusent ce terrible coup, M. Emerson et son fils George, également pensionnaires, ont l’impertinence de proposer leurs propres chambres, qui, elles, ont vue sur l’Arno. Son éducation prévient Lucy contre les Emerson, mais son instinct lui suggère que le mal n’est pas grand… Avec finesse et humour, E. M. Forster livre ici une délicieuse satire des préjugés et convenances ridicules qui contraignent les affinités naturelles. Au monde terne et étriqué de la bienséance, côté cour, s’oppose l’évasion promise par cette fameuse vue. Le récit du combat intérieur que mène Lucy pour dépasser ce confinement et affirmer ses désirs est une ode délicate et sensible à la liberté.
La première phrase
« – La Signora n’avait pas le droit de nous faire ça, dit Miss Bartlett, – non, pas le droit. Elle nous avait promis deux chambres au midi avec vue sur le paysage, et attenantes, or, ces chambres donnent au nord, donnent au nord sur une cour, et elles sont très loin l’une de l’autre. Oh ! Lucy ! »
Mon avis …
Il me tardait de faire la connaissance d’Edward Morgan Forster via l’un de ses romans, surtout lorsque j’ai appris que cet écrivain avait, pour un temps, été le précepteur des filles d’Elizabeth von Arnim. C’est maintenant chose faite avec Vue sur l’Arno (1908). Ce roman met en scène une jeune héroïne : Lucy Honeychurch. Accompagnée de son chaperon, Charlotte Bartlett, la jeune fille entreprend de visiter l’Italie et donc de s’éloigner, pour la première fois, du giron familial. Lorsqu’elle tombe amoureuse de George Emerson, Lucy se sentira on ne peut plus tiraillée à son retour en Angleterre… Doit-elle choisir entre le direct et peu conventionnel Emerson, au risque de faire jaser tout Windy Corner (où résident ses proches), ou au contraire épouser un homme de bonne famille (Cecil Wyse) au caractère froid et peu amène ? Prise entre les convenances de l’ère victorienne et ses propres sentiments, Lucy sera soumise à bien des tourments…
Avec vue sur l’Arno est avant tout l’histoire d’une émancipation. J’ai grandement apprécié voir évoluer le personnage de Lucy, une jeune fille qui nous est présentée comme étant plutôt sage voire banale au premier abord. Au fil des pages, elle apprendra à se dégager du carcan familial et à penser par elle-même. Suivre Lucy permet au lecteur de se rendre compte de la difficulté d’être une femme au tout début du XXe siècle… Le final proposé par E. M. Forster a de quoi surprendre, mais le tout possède une certaine modernité. Le voyage vaut également le détour pour toutes les descriptions centrées sur l’Italie.
Malheureusement, je n’ai pas été totalement séduite par ce roman. Je dois dire qu’il m’aura fallu un certain nombre de pages avant de me sentir pleinement immergée dans le récit. Autre point que je souhaitais soulever : la traduction qui nous est proposée. J’ai parfois grincé des dents face à certains passages sans queue ni tête (qui restent heureusement compréhensibles, si le lecteur s’arme de patience pour décoder le sens des phrases). Je reste donc sur l’idée d’un style un peu “brouillon”, peu clair, sans trop savoir à qui l’imputer. Est-ce la plume de l’auteur qui ne me correspond pas ? Ou bien des traductions parfois un peu maladroites ?
J’ai dans tous les cas pris beaucoup de plaisir à suivre les interrogations de notre héroïne, ainsi qu’à sonder les véritables intentions de Charlotte Bartlett. J’ai le sentiment qu’avec ce roman, E. M. Forster ne cherche pas à séduire ou à émouvoir son lecteur. Avec une certaine retenue, il est avant tout question de connaissance de soi, d’intimité, de révélation. J’ai tout simplement dévoré la fin de ce livre, tant je souhaitais savoir si notre Lucy parviendrait à voir clair dans son cœur.
Malgré les petits points négatifs soulevés, Avec vue sur l’Arno possède donc un certain charme et mérite d’être lu. Ce roman aura mis du temps à pleinement m’embarquer, mais j’ai été plutôt satisfaite du final qui nous est ici proposé.
Extraits …
« – Je pense simplement à ma théorie favorite sur Miss Honeychurch. Est-il logique qu’elle joue si merveilleusement du piano et mène une petite vie si calme ? Je soupçonne qu’un jour viendra où elle vivra comme elle joue, merveilleusement. Les cloisons étanches s’effondreront en elle, musique et vie se mêleront. »