Thomas Vinau
Alma éditeur
2017
186 pages
Première phrase du texte, phrase coup de poing : « Le givre fait gueuler la lumière. »
Ce roman n’est pas un roman, c’est un long poème, c’est un hymne à la nature, à la forêt. Il ne se lit pas de manière linéaire comme beaucoup de romans, il se déguste, il se savoure. Chaque phrase se lit deux fois, dix fois, cent fois, c’est le sel de la vie. Mais attention, ce n’est pas poétique dans le mauvais sens du terme : mièvre, joli, non, c’est âpre, c’est puissant, c’est la vie dans ce qu’elle renferme d’essentiel, la survie en quelque sorte, la liberté, l’appel de la forêt.
Thomas Vinau marie les mots avec aisance, réinvente le langage, crée chez le lecteur un tourbillon de sensations.
Le camp des autres, c’est le camp « de ceux dont on ne veut pas. Le camp des nuisibles, des renards, des furets, des serpents, des hérissons. Le camp de la forêt. Le camp de la route et des chemins aussi.»
Thomas Vinau a écrit là une ode aux démunis, aux personnes libres, à ceux qui sont rejetés. On suit le parcours initiatique de Gaspard, qui fuit le cadavre d’un père honni, et on évolue à ses côtés dans un monde rude, violent, mais profondément humain dans lequel il vivra des moments de bonheur simple.
Une fois refermé, que fait-on ? On l’ouvre à nouveau pour le plaisir de relire à voix haute certaines phrases, certains chapitres.
Inspiré de faits historiques réels, au début du vingtième siècle,Thomas Vinau transcende cette réalité pour nous offrir un texte hors normes. J’ai découvert une écriture ! Et ça me réconcilie avec la littérature française.
« Les branches droites, horizontales, montent en parfait colimaçon jusqu’aux culottes de l’horizon. »
« Les mains en sang, la nuque en nage, il est tout échardé de souffrance. »
« Le chien et l’enfant s’ébattent joyeusement dans les gluances chaudes et veloutées de la mort. »
« La glaise, le vent, la brume et la rosée, toutes les obscurités appartiennent à la forêt. Elle est le foyer de tous ceux qui n’en ont pas. De tous ceux qu’on ne veut pas. De tous les chassés, les fuyards, les proies. L’ombre est à la forêt. » (…) « Elle est l’autre camp. Le camp des autres. »