Calame, Tome 1: Les deux visages de Paul Beorn

Calame, Tome 1: Les deux visages de Paul Beorn Calame, Tome 1: Les deux visages de Paul Beorn, Publié aux éditions Bragelonne, 2018, 476 pages. Au royaume de Westalie, une rébellion principalement composée de femmes a fait trembler le trône du tyran, la Roi-Lumière, qui avait décrété que seuls les hommes avaient une âme. Au cours de la dernière bataille, Darran Dahl, le chef légendaire des rebelles, est tué et ses partisans jetés au cachot. Mais l'église dépêche dans la prison royale un célèbre conteur, d'Arterac, et lui donne pour mission d'entendre les derniers témoins du passé de Darran Dahl, cet ancien soldat surgi de nulle part, qui avait pris fait et cause pour la rébellion. La très jeune Maura, ancienne lieutenante et confidente de Darran Dahl, autrefois sa domestique, se voit proposer un marché : un sursis à son exécution en échange de son témoignage. Elle accepte de raconter leur histoire, depuis le village qui les a vu naître jusqu'à la bataille finale, mais elle se jure d'employer chaque minute de ce sursis pour mettre au point son évasion et reprendre la lutte.

J'ai repéré Calame sur une des vidéos de Pikiti Bouquine. Elle en parlait si bien qu'elle a suscité rapidement mon intérêt. J'ai pu rencontrer l'auteur aux Imaginales et je n'ai pas hésité à lui prendre son premier tome (en m'assurant que le second viendrait bientôt!).

Calame propulse le lecteur dans un monde médiéval imaginaire dans lequel les guerriers côtoient les magiciens. L'intrigue de Calame peut désorienter plus d'un lecteur puisque le roman s'ouvre sur la défaite et la mort du héros! Étrange comme entrée en matière! En effet, Darran Dahl, héros et guerrier légendaire, est mort lors de la bataille l'opposant au roi Lumière. Son armée est capturée et mise au cachot.

Parmi ses soldats, il y a Maura (prononcez Ma-o-ra). Elle était l'une de ses plus fidèles combattantes. Son exécution est programmée avec celles de ses comparses mais voilà qu'on lui propose un étrange marché. Elle doit raconter l'histoire de Darran Dahl à Jean D'Arterac, un légendier très connu et très puissant. Ce dernier souhaite écrire l'histoire du rebelle Darran Dahl. Maura accepte.

L'intrigue repart alors dans l'autre sens. Maura nous raconte sa rencontre avec celui qui deviendra Darran Dahl et la façon dont sa légende s'est mise en marche. Le roman de Paul Beorn fonctionne comme une poupée russe. L'intrigue initiale s'ouvre pour donner lieu à une deuxième intrigue et ainsi de suite. Il y a donc une histoire dans l'histoire. Tandis que Maura nous narre sa rencontre avec le mystérieux Darran Dahl, les questions deviennent plus pressantes et le voile de mystère qui l'entoure s'épaissit de plus en plus.

Calame est de la fantasy médiévale. J'ai aimé car le côté magie apparaît mais n'explose pas non plus au visage du lecteur. L'auteur sème des petites touches de magie par ci, par là sans en abuser, ancrant son récit dans un univers riche et réaliste. Alors bien sûr, il y est question de violences, de batailles, de mises à mort mais l'auteur aborde des questions plus intéressantes comme la position des femmes dans la société. Je dirais même que son roman prend des dimensions féministes.

Il prend en effet le parti de décrire une société dans laquelle les femmes ont été reconnues " sans âme ". Elles peuvent donc être vendues comme un meuble. C'est d'ailleurs l'un des nœuds de l'intrigue. Darran Dahl va se lancer à la poursuite de trafiquants de femmes et c'est ce qui assoira sa popularité. Même si ce passage m'a paru un peu lourdaud par moment, j'ai apprécié le message qu'il délivrait. Paul Beorn démontre par A + B comment une société peut être amenée à considérer une partie de sa population comme des sous-citoyens. Ici les femmes sont d'abord bannies de la religion, rejetées des toutes les cérémonies officielles pour enfin être considérées comme des biens.

Ce que j'ai aimé avec Calame c'est que le roman possède plusieurs degrés de compréhension. On peut le prendre comme un livre qui envoie du lourd côté actions et batailles mais on peut aussi le considérer comme un roman qui questionne le pouvoir des mots. Ainsi le fameux Calame dont il est question dans le titre prend une dimension toute autre. Ceux qui ont lu le livre comprendront en quoi la parole peut s'avérer performative c'est-à-dire qu'elle réalise ce qu'elle énonce.

Le seul bémol que j'apporterai concerne Maura. J'ai toujours du mal avec la narration avec la première personne. Maura est un personnage intéressant mais quelque chose m'a gênée parfois dans sa prise de paroles. Certes, elle est jeune et manque de maturité mais elle avait parfois un côté enfantin, gamin qui m'a horripilé plus d'une fois (ceci reste cependant un détail).

Calame est un premier tome abouti qui présente au lecteur un univers bien construit et qui offre surtout une belle réflexion sur le pouvoir du langage. J'attends le seconde tome avec impatience!