Quatrième de couverture
« L’armée française en débâcle, les communications coupées, un pont qui doit sauter, l’honneur d’un capitaine et l’attente d’une poignée d’hommes, perdus. Tout est là.
En quelques pages sèches, brûlantes, drues comme le soleil d’un dernier été. L’action se passe en juin 1940, à ce moment précis de l’histoire où tout s’apprête à basculer dans le long tunnel de la défaite. Cinquante ans plus tard, Max Gallo raconte. »
Mon avis
Pour faire court
Les points positifs : des personnages attachants, des rebondissements surprenants, une réflexion poussée sur le sens de la guerre, un récit court et captivant.
Les points négatifs : aucun, à mes yeux.
Un début percutant
Dès le début de cette nouvelle, nous sommes plongés au coeur de la guerre. Le capitaine Teyssier, qui occupe une ferme avec ses hommes, regarde le pont menant à Versoix-sur-Arvon et il y voit une foule de civils fuyant les combats. Il remarque également la présence de plusieurs soldats, désarmés et parfois sans leurs uniformes. Ils savent que le combat est perdu et ils désertent tout simplement. Teyssier ordonne à ses soldats de rester en place, mais la plupart ne respectent plus désormais son autorité. Ils savent très bien que la fin est proche et ils se disent qu’ils n’ont plus rien à perdre, la désertion est leur ultime chance de s’en sortir. Le capitaine fait preuve de beaucoup de sang-froid face à l’abandon de hommes. Il ne lui reste que Victor Rovini et Jean Carlin. Le premier est anarchiste, le second veut devenir prêtre. Ces trois hommes n’ont rien en commun et ils vont pourtant devoir gérer cette dernière crise ensemble.
Des péripéties inattendues
Une fois le décor planté, les péripéties peuvent commencer et, pour être honnête, je ne les avais pas vu venir. Je ne m’attendais pas à ce que d’autres personnages fassent leur apparition ni à ce que lesdits protagonistes prennent autant d’importance. Ils sont indispensables à l’histoire, car ils font réfléchir Teyssier sur le sens de la guerre. Pourquoi continue-t-on de se battre alors que tout est perdu ? Peut-on rechercher la victoire à tout prix ? Le sacrifice humain n’a-t-il aucune conséquence ? Ayant participé à la première guerre mondiale, le capitaine sait déjà qu’il est difficile de perdre des hommes au combat. En revanche, il ne s’était pas forcément rendu compte que la destruction du pont causerait tant de tort au village de Versoix-sur-Avon. Le fait d’être coincé à cet endroit, surveillant constamment le pont, va donner beaucoup de temps de réflexion à Teyssier.
Comme un huis-clos angoissant
Cette nouvelle a beau se dérouler dans une ferme, j’ai eu l’impression que les personnages étaient comme enfermés dans un espace limité. Ils voient les civils et leurs camarades fuir, mais eux restent là, à regarder le pont et à agir pour le faire exploser dès que les allemands arriveront dessus. Ils sont obligés de se supporter les uns les autres, ils doivent cohabiter puisqu’ils n’ont aucune échappatoire. L’un est capitaine et ne déserterait pour rien au monde, l’autre est anarchiste et donnerait sa vie pour combattre le fascisme, le dernier est trop docile pour s’opposer aux ordres de son supérieur. Ils doivent tous calmer leurs egos, parler et réfléchir ensemble à la suite et au sens de leurs actions. J’ai trouvé cette situation assez angoissante car j’essayais de me mettre dans la peau de chacun d’entre eux et j’imaginais à quel point la prise de décision pouvait être compliquée. C’était donc une lecture compliquée au niveau émotionnel, mais tellement captivante !
Des personnages touchants
Rapidement, on oublie aussi le fait que Teyssier est le capitaine. Rovini n’en a rien à faire qu’il soit son supérieur et il lui parle comme s’ils avaient le même grade. Teyssier n’essaie pas de le remettre à sa place, ce qui fait vraiment ressortir son côté humain. À la guerre, tout le monde est dans la même situation. Chaque homme devient un cadavre potentiel, qu’il soit capitaine ou simple soldat. D’ailleurs, l’auteur parle du fait que Teyssier se mettait toujours en première ligne pendant la première guerre mondiale afin de motiver ses troupes et de leur donner le bon exemple. Je me suis pris d’affection pour ce personnage.
Carlin reste plus discret. Au début, on ne sait pas vraiment s’il reste avec son capitaine car il respecte ses supérieurs ou par simple conviction. On ne l’apprend qu’à la fin. J’aurais peut-être aimé en savoir plus sur ce personnage, mais cela aurait peut-être ajouté quelques longueurs inutiles à cette nouvelle.
Quant à Victor, il est touchant dans le sens où il est prêt à défendre la liberté coûte que coûte. C’est un résistant de la première heure, un homme capable de sacrifier sa vie pour défendre la population de la menace brune ou de la menace rouge. Je l’imagine très bien devenir maquisard après cet épisode du pont sur l’Arvon. Il représente l’une des figures emblématiques de la France sous l’occupation et je ne pouvais que l’admirer.
Du suspens jusqu’à la dernière seconde
Dès les premières pages, je me suis rendue compte qu’il me serait impossible de deviner la fin de cette nouvelle. À la guerre, on ne peut jamais savoir si l’ennemi a un coup d’avance. Je me demandais donc ce qu’il adviendrait de nos trois protagonistes. Allaient-ils mourir ? Allaient-il déserter ? Allaient-ils finir par faire sauter le pont ? Allaient-ils être arrêtés par les allemands ? Difficile de le deviner à l’avance. J’ai apprécié le fait que le suspens durait véritablement jusqu’à la dernière page, voire même jusqu’à la dernière ligne. La surprise restait entière !
Citations
Les généraux se débinent. Ils foutent le camp, vous les voyez, capitaine ! Et nous, on va jouer les héros, ici, et se faire prendre aux pattes par les boches ! Moi j’en suis pas.
Qu’étaient devenus en vingt années l’héroïne, l’abnégation ?
Peut-être avait-il mieux valu que Péguy meure, le 1er septembre 1914, plutôt que de voir cela, ce peuple et ces soldats transformés en fuyards.
Je m’en fous de mourir. J’ai vu trop de cadavres ces temps-ci et, pas seulement des enfants, des vieux et des pauvres femmes, mais aussi des cadavres d’idées, d’illusions, d’espérances, et ça, je le supporte mal.
PublicitésVous les avez vus, tous ces pauvres gens avec leurs valises, leurs ballots. Vous deviez les défendre. Ils vous ont cru. On vus a tous cru, vous les militaires ! Tout était prêt, la ligne Maginot, les avions, les tanks. Je suis allé chez mon fils à Paris le 14 juillet de l’année dernière ! J’ai assisté au défilé. Je suis revenu des Champs-Élysées fier, sûr que si la guerre éclatait, on allait être à Berlin en quelques jours.