A la pointe de l’épée d’Ellen Kushner

A la pointe de l’épée d’Ellen Kushner

Publié aux éditions Folio SF,

Richard Saint-Vière est le plus fameux des tueurs des Bords-d'Eau, le quartier des pickpockets et des prostituées. Aussi brillant qu'impitoyable, violent à ses heures, ce dandy scandaleux gagne sa vie comme mercenaire en vendant ses talents de bretteur au plus offrant, sans trop se soucier de morale. Mais tout va se compliquer lorsque, pour de mystérieuses raisons, certains nobles de la Cité décident de se disputer ses services exclusifs ; Saint-Vière va dès lors se retrouver au cœur d'un inextricable dédale d'intrigues politiques et romanesques qui pourraient bien finir par lui coûter la vie...

J'ai découvert Ellen Kushner aux dernières Imaginales. J'ai d'abord assisté à l'une des conférences à laquelle elle participait. Elle y parlait de la manière dont elle construisait ses personnages notamment ses " vilains" . J'ai ensuite pu lui glisser deux mots lors d'une dédicace. Ellen Kushner est américaine mais s'exprime très bien dans la langue de Molière. Pétillante et avenante, elle m'a parlé de son livre A la pointe de l'épée, vibrant hommage aux romans de cape et d'épée.

Deux choses m'ont gênée dans ma lecture de ce roman. Il est d'abord classé en SF. Bien que l'univers développé par Ellen Kushner soit imaginé (elle parle du quartier des Bords d'Eau, de la Colline, ...), je ne vois aucune autre manière de rattacher ce livre à la SF. Petite déception sur ce point. Je m'attendais peut-être à quelque chose de plus développé.

Ensuite, la seconde chose qui m'a gênée, c'est la manière d'écrire de l'auteur. Elle écrit extrêmement bien et c'est parfois assez ardu. Je dois reconnaître qu'elle possède un style que je vois peu en littérature contemporaine. Elle Kushner procède beaucoup par allusions, sous-entendus, non-dits et c'est parfois un difficile à suivre. Elle utilise notamment le discours indirect libre, pas toujours évident à décrypter! Ainsi la première partie du roman laisse le lecteur dans le flou. On fait la connaissance de Richard Saint-Vière, bretteur qui se met au service des plus nobles pour tuer au nom de l'honneur, sans guère de morale. Il vit avec un certain Alec. On sait peut de choses sur ce dernier. Entrent alors en scène de nombreux autres personnages, tous nobles, qui complotent chacun dans leur coin. Je dois dire que j'ai trouvé l'intrigue de départ assez mystérieuse. " Embrouillée " ne serait pas le bon terme, car l'auteur sait parfaitement ce qu'elle fait, mais c'est plutôt difficile d'accès.

En revanche, la seconde partie du roman m'a énormément plu. On comprend peu à peu qui joue un rôle et par rapport à qui. Les pièces du puzzle se mettent en place tout doucement. A ce moment-là, l'auteur nous embarque vraiment dans son histoire de cape et d'épée et j'ai tout simplement adoré cette ambiance du siècle classique, les vengeances des uns et des autres, les complots pour renverser tel ou tel homme de pouvoir mais surtout l'intelligence et la loyauté de Richard Saint-Vière. Comme me l'a confié Ellen Kushner, Richard est un méchant, dénué de morale certes, mais c'est un méchant " lumineux" . On se prend au jeu. Qui a trahi Richard? Pour quelle raison? C'est une réussite de bout en bout jusqu'au retournement final.

A la pointe de l'épée est finalement un roman très abouti qui se déguste lentement. L'écriture délicate et complexe de l'auteur font de ce livre un classique à découvrir.