Mission accomplie: j’ai terminé la lecture de mon pavé estival. Après le sublime Père et fils et le bouleversant Sale boulot, j’ai poursuivi mon exploration de l’oeuvre de Larry Brown. Je n’irai pas par quatre chemins: Fay m’a laissé un arrière-goût que je m’efforce de chasser.
Voyant Fay faire du pouce, le bon policier Sam Harris s’arrête à sa hauteur. Il la cueille comme une fleur et la ramène à la maison, où sa femme Amy se lie avec elle. Un enchaînement de coïncidences tragiques met subitement fin à ce semblant de famille équilibrée. Fay n
’a pas le choix: elle doit reprendre la route, sans un mot pour Sam, qu’elle aime d’amour.Sa rencontre avec Rena, qui vit dans une caravane avec ses deux jeunes enfants, lui en révèle gros sur la vie. Au bar topless où travaille Rena, Fay fait la rencontre d’Aaron Forrest, le doorman de la place et dealer de drogue. Ce viking roux en pince pour Fay. Pour la première fois de sa vie, il éprouve de l’amour pour une femme. Il lui offre un toit et ses bras protecteurs. Mais Fay n’a jamais oublié Sam. À la fois victime et coupable, Fay se fait balloterd’un bord à l’autre au gré des rencontres et des évènementsMisère un jour, misère toujours?· · · · · · · · ·Larry Brown fait partie de mes auteurs préférés. En entamant ces quelques 500 pages, je m’attendais à passer un sublime moment de lecture. Sapristi que c
’était long. Beaucoup trop long.La Fay de Larry Brown m’a laissé complètement indifférente. Impossible d’éprouver la moindre empathie envers elle. C’est le seul roman de Brown dont le personnage principal est un personnage féminin. Il a le tour avec les personnages féminins. Là n’est pas le problème. Ce qui m’a le plus horripilée, c’est que les relations entre les hommes et les femmes sont toutes cousues sous le même modèle: si l’homme protecteur sort le cash, la femme ouvre les jambes avec gratitude. Lorsque Fay tombe sur Sam ou Aaron, elle tient pour acquis qu’ils s’occupent d’elle. Lorsqu’elle se fera abuser par un beau parleur mal intentionné, Aaron la vengera de façon radicale en tirant à bout portant sur l’avion de l’homme en question!
Autre agacement: il y a tellement de bière dans ce roman qu’il s’en dégage une odeur du houblon. Sans parler du whisky. Ça boit comme des tuyaux percés et ça conduit toujours avec une bouteille entre les jambes. Pis ça fume comme des cheminées. Je n’ai rien contre la picole et la nicotine. Mais y’a toujours ben des maudites limites! Pour que ça m’achale à ce point-là, il faut que ça soit beurré épais!Contrairement à Père et fils et Sale boulot, le style, ici, est beaucoup trop descriptif à mon goût. La grande minutie du détail qui m’avait tant plu dans Père et fils m’a, ici, quasiment causé une indigestion. Il y a détails et Détails. C’est vrai que pour remplit plus de 500 pages, il fallait détailler!Dommage que le passé familial de Fay ne soit que survolé de haut: un père abuseur, une mère fantomatique, un frère et une sœur dont on ne sait rien. L’invraisemblance de certains épisodes m’a étonnée, surtout venant de Larry Brown. Son habituelle justesse impitoyable m’a semblé, ici, faire défaut. Je n’ai pas retrouvé, dans Fay, le fin observateur de l’âme humaine que j’apprécie tant.Un peu de positif, quand même! La façon dont Larry Brown décrit son Sud profond est magistrale: la chaleur suffocante, les champs à perte de vue, les balles de foin, les routes poussiéreuses, les stations d
’essence et les drive-in... J’avais l’impression d’y être.Joe sera le prochain roman de Larry Brown que je lirai. Je viens de découvrir qu’il est souhaitable de lire Joe d’abord pour comprendre ce qui a fait fuir Fay. Ben coudonc, on dirait bien que je fais encore les choses à l’envers!Fay, Larry Brown, trad. Daniel Lemoine, Gallmeister, «Totem», 560 pages, 2017 [première parution: 2000].★★★★★J’ai lu ce roman dans le cadre du challenge: 50 États en 50 romans (État du Mississippi).